La Banque du Canada devrait-elle augmenter son taux directeur à 2,25 %?

L'édifice de la Banque du Canada à Ottawa.
Photo : Radio-Canada / Jonathan Dupaul
Les économistes sont unanimes : la Banque du Canada doit mettre les bouchées doubles pour contrer l’inflation galopante au pays. La plupart d’entre eux prônent une hausse de trois quarts de point — qui ferait grimper le taux directeur à 2,25 %.
C’est ce qu’a fait la Réserve fédérale américaine le mois dernier : sa fourchette de taux d’intérêt a augmenté de trois quarts de point de pourcentage. Il s’agissait de la plus forte hausse des taux aux États-Unis depuis novembre 1994.
Robert Hogue, économiste en chef adjoint de la RBC
, estime que la banque centrale canadienne doit lui emboîter le pas.« La Banque du Canada doit vraiment accélérer la cadence parce qu’évidemment l'inflation est déjà très forte. On frôle les 8 %. »
L’économiste prévoit un resserrement quand même assez rapide
qui pourrait faire grimper le taux directeur jusqu’à environ 3 % d’ici la fin de l’année.
Ce ne sera pas la dernière. On s'attend à ce que la Banque du Canada récidive au mois de septembre
, dit-il.
La Banque du Canada a déjà procédé à deux hausses consécutives d’un demi-point de pourcentage (soit 50 points de base) en avril et en juin, du jamais-vu en plus de 20 ans.
La banque centrale n’exclut pas d’augmenter son taux directeur de trois quarts de point (75 points de base) mercredi. C’est dans le possible
, a confié le sous-gouverneur Paul Beaudry, en entrevue à Zone économie le mois dernier.
Michael Devereux, professeur d’économie à l’Université de la Colombie-Britannique, affirme que fixer un taux directeur n’est pas une science exacte
et qu’il y a plusieurs facteurs inconnus.
L’important, c’est de ne pas trop surprendre les marchés. Ce serait difficile pour la Banque de justifier une hausse moins importante
, affirme-t-il.
L’un des impacts les plus importants, selon lui, se fera sentir dans le marché de l'immobilier. Rembourser un prêt hypothécaire coûtera plus cher et ça va refroidir les acheteurs. Le marché a déjà beaucoup ralenti
, lance l’économiste.
Une hausse encore plus importante?
Steven Ambler, professeur associé au Département des sciences économiques de l'UQAMC.D. Howe, espère que la Banque du Canada ira encore plus loin. Il recommande une augmentation d’un point de pourcentage, poussant le taux directeur à 2,5 %.
et chercheur à l’Institut« La Banque du Canada, même si elle a commencé à rehausser ses taux d'intérêt, perd du terrain. »
Il souligne que l'écart entre l'inflation et le taux directeur au Canada se creuse, ce qui réduit l'effet du resserrement de la politique monétaire.
Augmenter un taux d’intérêt coûte plus cher aux emprunteurs, ce qui devrait en principe calmer la demande et réduire la consommation, notamment pour des biens immobiliers ou des biens durables
, comme des voitures et des électroménagers.
Mais lorsque le taux d’inflation est plus élevé que le taux d’intérêt, ces individus en ressortent gagnants, explique M. Ambler. Il note que l'inflation réalisée est une mesure imparfaite
de l'inflation anticipée, mais que la tendance est tout de même préoccupante.
Le taux d'intérêt réel, c'est le taux d'intérêt de la banque moins le taux d'inflation. Déjà au début de l'année, c'était négatif et c'est devenu encore plus négatif. Alors si on veut réduire la demande pour lutter contre l'inflation, il faudrait au moins que le taux d'intérêt réel devienne moins négatif
, précise l'économiste.
Si j'emprunte, mettons, 100 $ au début de l'année et que je dois rembourser 105 $ à la fin de l'année, c'est un taux d'intérêt nominal de 5 %. Si entre-temps les prix augmentent de 10 %, ce que je dois rembourser à la fin de l'année, en termes de pouvoir d'achat, c'est 95 $
, dit-il.
Prenons par exemple le mois de mai dernier : le taux directeur était fixé à 1 % alors que le taux d’inflation s’élevait à 7,7 %. Le taux d’intérêt réel était donc de -6,7 % ce mois-là.
Un jeu d’équilibre
Une hausse trop importante pourrait toutefois plonger le Canada dans une récession, soutient l’économiste Robert Hogue de la RBCprévoit déjà une légère contraction l'an prochain.
, quiÇa va être un défi justement de trouver le bon dosage pour ne pas vraiment mettre en péril la stabilité de l'économie
, affirme-t-il.
La grande question : est-ce possible de maîtriser l’inflation sans entraîner un ralentissement de l’économie? C’est très peu probable, estime M. Hogue.
C'est un jeu d'équilibre, c'est très délicat. Il faudrait effectivement que les dépenses, ou la demande, augmentent moins rapidement que la capacité de production de l'économie
, affirme pour sa part l'économiste Steven Ambler.