L’hospitalisation forcée de patients en psychiatrie contestée en C.-B.

La Colombie-Britannique permet l'internement contre leur gré de personnes ayant des problèmes graves de santé mentale. Il est ensuite présumé qu'elles consentent automatiquement aux soins qui leur sont donnés.
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Un organisme de défense des droits des personnes handicapées peut maintenant contester une loi controversée de la Colombie-Britannique sur l’hospitalisation forcée de personnes atteintes de problèmes de santé mentale graves.
La Cour suprême du Canada a reconnu au Conseil des Canadiens avec déficiences (CCD) le droit, au nom de patients internés contre leur gré, de déposer un recours d'inconstitutionnalité contre la Loi sur la santé mentale (Mental Health Act).
Cette décision met fin à la campagne menée par le gouvernement de la Colombie-Britannique pour que cette affaire ne se retrouve pas devant les tribunaux
, affirme Kevin Love, l’un des avocats représentant l’organisme. Cela nous replace exactement où nous avions commencé.
En 2016, le CCD et deux personnes ayant reçu des traitements sans y avoir consenti ont entrepris des démarches devant les tribunaux, mais en 2017, les patients se sont désistés pour des raisons personnelles.
L’organisme a ensuite poursuivi seul l’action en justice, ce que remettait en cause la province jusqu’à ce que, le 23 juin, la Cour suprême juge à l’unanimité que le CCD a la qualité pour agir dans l’intérêt public
.
Selon le CCD, la Loi sur la santé mentale de la Colombie-Britannique contrevient au droit à l’égalité, consacré à l’article 15 de la Charte canadienne, ainsi qu’à l’article 7, qui garantit le droit à la liberté et à la sécurité de sa personne.
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Internement et traitements sans consentement
La loi contestée permet à des médecins d’interner sans leur consentement des personnes qui souffrent de problèmes psychiatriques graves, si elles présentent un risque à leur propre bien-être ou à celui des autres, ou que l'internement est nécessaire pour éviter que leur état de santé ne se détériore. Ces personnes sont ensuite présumées consentir aux traitements qui leur sont donnés.
C’est la seule province qui présume que quelqu’un qui est involontairement admis est incapable de prendre des décisions liées à son traitement
, explique Kevin Love.
De plus, pour les personnes qui sont incapables de prendre elles-mêmes des décisions ou qui ont besoin d’aide pour le faire, [la loi] permet d’imposer un traitement sans leur permettre d’obtenir de l’aide d’un représentant, d’un membre de leur famille, ou de quelqu’un en qui elles ont confiance
, ajoute l’avocat.
La Colombie-Britannique est la dernière province à s’accrocher à ce système périmé, et c’est pourquoi on appelle le gouvernement à changer ces lois.
Au Québec, par exemple, bien qu’il soit aussi possible, suivant un processus différent, d'admettre quelqu’un contre son gré dans un établissement psychiatrique, il faut l’autorisation de la Cour pour lui imposer ensuite des traitements, ce qui n’est pas le cas en Colombie-Britannique.
Un tribunal administratif, le Mental Health Review Board, peut examiner et annuler les décisions des médecins, mais seulement si le patient ou une personne s’exprimant en son nom le réclame. Cette commission a l’obligation d’entendre la requête dans les 14 jours suivant sa réception, durée pendant laquelle l'hospitalisation forcée peut se poursuivre.
Une loi discriminatoire
Selon la présidente du CCD, la loi britanno-colombienne est discriminatoire envers les personnes ayant des problèmes de santé mentale, puisqu’elle les traite différemment des autres, qui ont toujours la possibilité de retirer leur consentement pour des traitements.
C’est une perte du droit à consentir aux traitements médicaux
, affirme Heather Walkus. Donc tous les médicaments qu’on veut leur administrer, les traitements par électrochocs, l’isolement [...], toutes ces choses qui ont une valeur pour les gens, elles n’ont pas le droit de les accepter ou de les refuser, et personne autour d’elles ne peut consentir à leur place.
La présidente du CCD aimerait que l’organisme n’ait pas à poursuivre le litige devant les tribunaux.
Plutôt que d’avoir à contester en cour la Loi sur la santé mentale, nous espérons que le gouvernement nous dira qu’il veut s'asseoir avec nous afin de travailler aux changements qui doivent être faits, dit Heather Walkus. Aller en cour devrait être le dernier recours.
Le gouvernement, appelé à commenter la décision de la Cour suprême du Canada et les intentions du CCD, dit ne pas être en mesure de le faire parce l’affaire se trouve toujours devant les tribunaux.
Avec des informations de Catherine Dib