Une pièce de théâtre musicale pour déconstruire le mythe de la Corriveau

La distribution de « La Corriveau – La soif des corbeaux » sur scène
Photo : Facebook/Centre culturel Desjardins
Par sa pièce La Corriveau – La soif des corbeaux, présentée dès jeudi, la comédienne et metteuse en scène Jade Bruneau souhaite déboulonner la légende entourant Marie-Josephte Corriveau, dite la Corriveau. Cette femme, pendue par les Anglais en 1763 à Pointe-Lévy pour le meurtre de son mari, a par la suite été dépeinte dans le folklore québécois comme une sorcière ayant tué jusqu’à sept hommes.
On part de la légende et on la déconstruit pour revenir au fait divers et redonner sa place à cette femme, qui était dans le fond une femme ordinaire
, explique Renaud Paradis, qui incarne dans la pièce Maître Saillant, un notaire devenu défenseur de la Corriveau malgré lui, sous l’injonction des Anglais.
Selon le comédien, la pièce créée par Jade Bruneau a une résonance particulière en 2022 puisqu’elle traite de violence conjugale, de féminicide et du tribunal populaire de l’époque, qui peut se comparer à celui que l’on trouve aujourd’hui sur les réseaux sociaux, les ragots et le bouche-à-oreille étant remplacés par les claviers.
Si la Corriveau a bel et bien reconnu avoir tué son deuxième époux, Louis Étienne Dodier, elle a toujours maintenu qu’elle ne faisait que se défendre contre les mauvais traitements qu’il lui infligeait.
Un châtiment cruel et inhabituel
En plus de l'oppression exercée par le système patriarcal, la Corriveau a également fait face à l’ambiance qui régnait en Nouvelle-France après la conquête de la colonie du Canada par la Grande-Bretagne, puis l’instauration d’un régime militaire britannique jusqu’en 1763.
Il faut se rappeler qu’à ce moment-là, les Anglais viennent d’envahir la Nouvelle-France. Ils arrivent là en conquérants, ils veulent asseoir leur domination et imposer toutes leurs façons de faire
, résume Renaud Paradis. Cette démonstration de force a aussi déteint sur le châtiment réservé à la Corriveau, une exécution d’une cruauté sans nom, inconnue durant le régime français.
Après avoir été pendue, la femme a vu sa dépouille être exposée pendant cinq semaines dans une cage de fer très serrée, pour envoyer un message à toute personne qui songeait à remettre en question l’autorité des forces anglaises en Nouvelle-France.
C’est épouvantable; les enfants allaient à l’école et ils voyaient la Corriveau qui pourrissait là. C’est aussi ce châtiment qui a participé à la faire entrer dans la légende
, résume Renaud Paradis.
Une tragicomédie musicale
Malgré l’aspect macabre de la légende de la Corriveau, Renaud Paradis assure toutefois que le livret de la pièce, écrit par Geneviève Beaudet et Félix Léveillé, a su trouver l’équilibre entre la légèreté et l’épouvante.
On est bien conscients qu’on présente ça l’été et que les gens n’ont pas nécessairement envie de se triturer l’intérieur, donc il y a quand même beaucoup de lumière et de légèreté dans le spectacle
, explique-t-il.
Le côté sombre de la pièce est aussi atténué par son volet musical très éclectique et volontairement anachronique par rapport à l’époque des faits. C'est un métissage entre quelque chose d’assez moderne et quelque chose de plus traditionnel. On peut entendre un rigodon, mais avec une batterie. On peut aussi entendre des chansons très funky; il y a vraiment toutes sortes de styles
, résume Renaud Paradis.
Toute la musique a été composée par Audrey Thériault et sera interprétée par le pianiste David Terriault ainsi que par les multi-instrumentistes François Marron et Marc-André Perron. Ce dernier agit aussi à titre de directeur musical. Chaque personnage aura un moment fort dans le spectacle, en plus de participer aux chœurs, qu'on entend très souvent.
En plus de Renaud Paradis et de Jade Bruneau, qui interprète la Corriveau, la distribution comprend Jean Maheux, Frédérike Bédard, Frédérique Mousseau, Karine Lagueux, Simon Labelle-Ouimet et Simon Fréchette-Daoust.
La pièce La Corriveau – La soif des corbeaux est présentée du 7 au 23 juillet au Centre culturel Desjardins de Joliette; du 27 au 31 juillet au Théâtre Le Patriote de Sainte-Agathe-des-Monts; ainsi que du 4 au 20 août au Carré 150, à Victoriaville.
Ce texte a été écrit à partir d'une entrevue réalisée par Claudia Hébert, chroniqueuse culturelle à l'émission Tout un matin. Les propos ont pu être édités à des fins de clarté ou de concision.