Le sentiment d’appartenance au village en chanson de Petite-Vallée
Depuis cinq ans, le ciel semble être tombé sur la tête du village en chanson de Petite-Vallée avec deux incendies à quelques mois d'écart et la pandémie de COVID-19. Pourtant, l'avenir paraît radieux pour le village.

Le Village en chanson de Petite-Vallée a lancé la 39e édition de son festival le 30 juin. (archives)
Photo : Alexya Crôteau-Grégoire
Malgré les défis des dernières années, les mots « résilience » et « chaleur humaine » ont été souvent répétés pour définir le climat régnant dans la communauté de Petite-Vallée. Retour sur une série de témoignages d’artistes, autrefois étrangers, maintenant membres de la grande famille du festival.
Nous sommes tellement bien entourés que je sens qu’on [ne] va jamais tomber. C’est important de se serrer les coudes sur un territoire aussi grand que la Gaspésie où, très vite, on peut se sentir seul
, lance Jeanne Côté, une jeune musicienne native de Petite-Vallée.
Elle explique cette cohésion qui unit les gens par le côté isolé de la péninsule qui crée un sentiment d’appartenance pour les communautés tissées serrées, à l’image d’une sorte de bulle formée loin de l’influence de la ville, dit-elle. Sentir l’air salin de Petite-Vallée est ce qui me fait le plus de bien au monde
, s’exclame Jeanne Côté, qui habite maintenant Montréal.

La chanteuse Jeanne Côté rencontrée samedi en marge au concert-hommage aux passeurs auquel elle participait en tant qu’artiste.
Photo : Radio-Canada / Guillaume Whalen
L’artiste lyrique Marc Hervieux, de passage au Festival par amour et par sentiment d’appartenance, abonde dans le même sens. Je désire être témoin de cet événement grandiose qui se passe dans un petit village où tu sens que tout le monde met l’épaule à la roue
, honore-t-il.

Le chanteur Marc Hervieux, présent à Petite-Vallée pour assister à la déferlante autochtone et animer le spectacle hommage aux chansonniers Émile Bilodeau et Paul Piché.
Photo : Radio-Canada / Guillaume Whalen
Un village qui vibre au son de la musique à longueur d’année
Pour Paul Piché, l’un des artistes passeurs cette année, cette harmonie rassembleuse est l’une des raisons qui l’amènent à Petite-Vallée. Il a déjà été passeur en 2009. Pour lui, le village en chanson représente un excellent exemple de la transmission de la culture faisant le lien entre le passé et l’avenir.
La petite école de la chanson en demeure un bel exemple, dit-il, puisque près de 300 enfants, surtout gaspésiens, y apprennent depuis plus de 30 ans les chansons des artistes passeurs qu’ils présentent lors d’un grand spectacle en ouverture du festival.

Le duo de passeurs de cette année : Émile Bilodeau et Paul Piché
Photo : Alexandre Cotton
La Gaspésie devient un peu la mémoire collective du Québec sur le plan de la chanson, elle qui agit comme notre disque dur.
En effet, Petite-Vallée se décrit elle-même sur son site web comme un endroit où il est possible de changer le destin des gens par le biais des arts de la scène et par la poésie des mots et de la musique
, le village en chanson de Petite-Vallée demeure un lieu d’apprentissage avec son école en chansons ainsi que son camp en formation.

Les 200 choristes de la Petite école de la chanson lors du spectacle d'ouverture du 30 juin 2022 qui reprend l'œuvre des artistes passeurs Paul Piché et Émile Bilodeau. (Photo d'archives)
Photo : André Bujold
Par ailleurs, Jeanne Côté estime que c’est par un amour partagé pour la musique que les gens se sont rassemblés pour faire renaître le Théâtre de ses cendres après l'incendie et permettre la tenue du festival malgré les embûches.
J’ai vécu l’incendie dans le tourbillon de la force familiale. Tout le monde est résilient et se relève rapidement même si ce sont de grosses épreuves à affronter
, se remémore l’artiste de 27 ans qui n’a raté qu’une seule édition du festival dans sa vie.
Une énergie qui voyage partout au Québec
Pour immortaliser la chaleur de Petite-Vallée, trois jeunes finissants universitaires ont eu l’idée de documenter la reconstruction du théâtre à la suite du concert-bénéfice de 2018 qui a rassemblé entre autres Octobre et Karkwa pour aider la communauté qui perdait son bâtiment emblématique.
Présente au concert-bénéfice, l’étudiante en télévision à l’UQAM Flavie Melançon en est sortie touchée droit au cœur
dit-elle, par la passion soulevée pendant le spectacle pour le Festival en chanson de Petite-Vallée.
Chaque été depuis 2018, des artistes et des festivaliers voyagent de Montréal jusqu’à Petite-Vallée pour suivre cette transition vécue avec le chapiteau qui fait office de salle de spectacle provisoire en attendant la construction du nouveau théâtre prévu pour 2024.

L'équipe de tournage du documentaire en 2019. De gauche à droite : Thomas Gauthier, Flavie Melançon et Julien Carpentier-Roberge
Photo : Gracieuseté : Flavie Melançon
Au-delà de la reconstruction du théâtre, on raconte surtout dans notre documentaire à quel point les gens sont résilients ici [à Petite-Vallée] et qu’ils se relèvent par la magie qui existe en dehors du théâtre.
Les trois cinéastes souhaitent présenter leur film en 2025, conscients de longs délais hors de leur contrôle.
Dans la vie du documentaire, c’est normal de voir la réalité nous dépasser. Quand on a commencé à raconter cette histoire, on ne pouvait pas deviner qu'on vivrait une pandémie qui ralentirait le processus de reconstruction
, expose Flavie Melançon, qui se considère très chanceuse de goûter au bonheur de visiter le village tous les ans depuis 2018.

Après une édition sous le signe des contraintes sanitaires en 2021, le 39e Festival en chanson se prépare à recevoir 15 000 festivaliers.
Photo : Radio-Canada / Marie-Claude Tremblay
En ce qui concerne l’avenir de Petite-Vallée, des questions se posent au sein du comité organisateur à savoir si le festival devrait grossir davantage au risque de perdre son côté intimiste qui pourrait dénaturer l’événement, mentionne Marc-Antoine Dufresne le directeur artistique adjoint du Festival en chanson de Petite-Vallée.
Néanmoins, malgré la pénurie de main-d’oeuvre avec laquelle doivent composer les festivals, le comité organisateur dit ne pas avoir eu de difficultés à recruter des employés et des bénévoles grâce à l’aura dégagée par le festival qui circule avec un bouche-à-oreille positif
, évoque-t-il.

Hélène Richer, faisant partie de l'équipe de 100 bénévoles mobilisés pour le festival, dénombre environ 400 personnes qui ont assisté samedi après-midi au spectacle hommage aux passeurs Paul Piché et Émile Bilodeau.
Photo : Radio-Canada / Guillaume Whalen
Cette année pour la 39e édition, environ 15 000 personnes sont attendues pour assister aux 60 spectacles offerts.