Après le soccer, le Qatar veut surfer sur la vague du sport électronique

Le sport électronique est en pleine croissance dans le monde.
Photo : iStock
Pour demeurer un acteur clé du sport après la Coupe du monde de soccer, qu'il organise à l'automne, le Qatar cherche à développer le secteur en plein essor du sport électronique.
Doha, la capitale du pays, s'est dotée d'un complexe réservé à cette discipline en 2019, appelé Virtuocity. Mis en veilleuse durant la pandémie, il a accueilli son premier tournoi majeur en mars : la manche d'ouverture du Smash World Tour, championnat international du jeu de combat Super Smash Bros, avec 5000 rials qataris (environ 1800 dollars canadiens) à la clé pour la personne gagnante.
Le Qatar s'est aussi doté d'une fédération du sport électronique, qui a été créée à la fin 2021, et la discipline a même été intégrée au programme du campus local de l'International School of London comme un moyen de développer certaines compétences chez les élèves.
Faire grandir le sport électronique
Le défi : faire sortir les joueurs qataris de chez eux, ou plutôt de leurs majlis, grandes pièces attenantes aux maisons où se retrouvent les hommes en général, et lieux centraux de la sociabilité au Qatar.
Nos majlis sont extrêmement bien équipés, avec [parfois] six consoles sur lesquelles des amis peuvent jouer en même temps
, explique Ibrahim Samha, chargé des projets de sport électronique de Virtuocity.
On y joue pour s'amuser, mais si on veut passer au niveau supérieur, il faut participer à des tournois, et c'est là que nous entrons en jeu
, ajoute-t-il.
Ahmed Al Meghessib, 24 ans, a franchi le pas en 2017 pour représenter le Qatar dans le jeu vidéo de soccer le plus populaire, FIFA (maintenant connu sous le nom d'EA Sports FC), et amener l'équipe nationale au dixième rang mondial en mai 2021.
Au début, il n'y avait pas beaucoup d'intérêt pour ce que je faisais [...], mais ça avance
, témoigne-t-il.
« Les gens comprennent que le sport électronique est une chose sérieuse, une industrie qui peut être une source de revenus pour le pays. »
Des personnalités et des entreprises se mobilisent
Khalifa Al Haroon, alias Mr. Q
, est un grand partisan du sport électronique dans le riche émirat gazier qui veut diversifier son économie à l'horizon 2030.
Influenceur et propriétaire d'un magasin spécialisé dans les jeux vidéo, il commandite des créateurs et des créatrices de contenus ainsi que des tournois, et il veut voir le Qatar devenir un leader dans le jeu vidéo au Moyen-Orient et dans le monde
.
Son programme : Faire comprendre aux gens que ça n'est pas qu'un jeu
, créer plus de ligues locales
, encourager des studios à s'installer au Qatar pour créer des contenus originaux, travailler avec des agences pour faire venir des grands tournois internationaux
et montrer à nos entreprises qu'elles doivent investir
.
La base est là, nous l'avons déjà constituée, [...] mais nous avons besoin du soutien des entreprises pour aller dans la bonne direction
, dit Jack AlBlushi, Pakistanais de 35 ans né au Qatar, qui organise des tournois du jeu pour téléphones ou tablettes PUBG Mobile.
L'opérateur de téléphonie mobile Ooredoo s'est laissé convaincre : il a commandité un tournoi du jeu FIFA (maintenant connu sous le nom de EA Sports FC, comme expliqué précédemment) fin mai, avec environ 32 000 dollars à la clé, et lancé un programme de détection de talents pour constituer une équipe professionnelle.
Parmi ses deux premières recrues : Ahmed Al Meghessib (sur EA Sports FC) et Yousef Al Defaa (sur Fortnite).
Le Qatar taille sa place
Sommes-nous loin de notre objectif?
s'interroge Khalifa Al Haroon. Il y a encore un an, il n'y avait quasiment rien. Le Qatar ne s'arrête pas, il avance à 100 à l'heure.
Pour le joueur mexicain Chag, vainqueur de la première étape du Smash World Tour à Virtuocity en mars et l'un des meilleurs joueurs de Super Smash Bros au monde, la scène qatarie peut beaucoup grandir, et c'est une bonne base pour que le monde se tourne vers le Qatar
.
Il y a une poussée très forte du Qatar et de l'Arabie saoudite
, confirme à l'Agence France-Presse Nicolas Besombes, sociologue des sports électroniques, parlant d'un phénomène assez récent qui a commencé un peu avant la pandémie.
C'est du "soft power" à l'état brut, comme ils l'ont fait avec le sport, pour améliorer leur image et leur attractivité
, analyse-t-il. Le Moyen-Orient est aussi un monde que le sport électronique essaye de séduire. Il cherche des investisseurs là où il y a de l'argent.