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« Retourne à tes chaudrons! » : il y a encore du chemin à faire en politique

Plan panoramique de l'Assemblée nationale sous un ciel gris.

Découragée par les perceptions négatives envers les députés, Claire IsaBelle a décidé d’animer des ateliers pour revaloriser leur rôle et pour démystifier leur travail.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

« Des vieux machos, il en reste encore! » lance Émilie Foster, yeux au ciel, après s’être fait dire de « retourner à [ses] chaudrons ». La députée de Charlevoix–Côte-de-Beaupré s’attend à croiser d’autres « machos », mais ce ne sera pas en politique. En effet, elle tire sa révérence.

Amusée par les propos directs de son amie, mais tout aussi découragée qu'elle, Claire IsaBelle, du comté d’Huntingdon, raconte ensuite une anecdote tirée de la dernière campagne électorale. Juste avant un débat, un homme me dit : "Mais Madame, vous portez la même robe que la dernière fois que je vous ai vue!" Je me suis demandé s’il cherchait à me déstabiliser.

Assises avec leur café au beau milieu de la bibliothèque du parlement de Québec, les deux femmes en ont long à raconter. Pourtant, on ne les a pas beaucoup entendues comme simples députées du gouvernement, une expression qu’elles maudissent. C’est parce que vous, les journalistes, quand il y a un ministre sur place, plus rien d’autre n’existe! décoche Émilie Foster.

À l’arrière-ban du gouvernement depuis quatre ans, Mmes Foster et Isabelle partent toutes deux après un seul mandat pour retourner à l’enseignement universitaire. Elles sont maintenant libres de parler de leur expérience, sans retenue ni ligne de parti. Ce qui les a le plus marquées – encore en 2022 –, c’est l’attitude envers les élues.

Émilie Foster.

Émilie Foster a la réputation d'avoir fait partie des élus qui ne se gênaient pas pour exprimer leurs opinions.

Photo : Radio-Canada

On a dit que je quittais la politique parce que j’étais tombée en amour! C’est plutôt difficile sur l’orgueil. Est-ce qu’un homme se ferait dire un commentaire comme ça? demande Émilie Foster. Elle déplore d'avoir passé quatre ans à expliquer son parcours, elle qui est titulaire d'un doctorat en communication publique et qui a été impliquée activement à la CAQ durant 11 ans.

Beaucoup d’hommes m’abordaient de façon très paternaliste : "Tu devrais faire telle chose..." Comme si je n’y avais pas pensé! […] Une fois, j’étais avec des maires, tous des hommes. Un autre homme arrive et il leur serre la main, mais pas à moi… Comme si je n’existais pas.

Une citation de Émilie Foster, députée de Charlevoix–Côte-de-Beaupré

Pas une ministre? Ah bon!...

Députée d’une circonscription d’agriculteurs, Claire IsaBelle a bûché pour qu'ils reconnaissent sa valeur, même si elle a elle-même grandi dans une ferme maraîchère. Quand elle a été élue, plusieurs se sont ouvertement demandé : Mais qu’est-ce qu’on va faire d’une prof d’université? nous raconte-t-elle.

Pourtant, quatre ans plus tard, ces mêmes personnes digèrent mal son départ : Il y en a qui m’ont boudée jusqu’à la semaine dernière parce qu’on a eu une activité et j’ai été obligée de leur demander : "Allez-vous me bouder encore longtemps? Parce qu’il nous reste des dossiers à régler."

Le reportage de Véronique Prince.

Ce que Claire IsaBelle a trouvé particulièrement difficile, c’est de se faire régulièrement demander : "Est-ce que vous êtes ministre? Non? Ah bon!..." La déception! Voir la déception chez les gens!  décrit-elle, remplie d’émotion. Elle a pourtant présidé des commissions parlementaires et aidé des ministres à faire avancer leurs projets de loi. Il faut dire que la malencontreuse déclaration de son ancienne collègue Claire Samson au sujet des députés « plantes vertes » lui a fait très mal.

Émilie Foster et Claire IsaBelle répètent que la charge de travail, c’est du 24/7. Combien de fois ont-elles eu à régler des dossiers de la circonscription tard le soir et pendant le week-end? Elles ne les comptent plus, surtout durant la pandémie.

Découragée par les perceptions négatives envers les députés, Claire IsaBelle a décidé d’animer des ateliers pour revaloriser leur rôle et démystifier leur travail.

Claire IsaBelle porte un foulard à pois bleus.

Claire IsaBelle plaide pour une réforme parlementaire en faveur des femmes.

Photo : Facebook/Claire IsaBelle - Députée de Huntingdon

La réforme parlementaire… un jour, peut-être

Malgré tout, ces deux femmes n’ont jamais regretté d’avoir fait le saut et ont aimé chaque minute de leur passage en politique. Elles recommandent à n’importe qui de vivre cette expérience, peu importe le parti représenté.

Toutefois, des mesures concrètes s’imposent pour attirer et retenir les élus. Émilie Foster et Claire IsaBelle se désolent de partir sans avoir achevé la réforme parlementaire tant attendue pour concilier le travail et la vie personnelle. Le gouvernement et les partis d’opposition n’ont pas réussi à s’entendre avant l’été, faute de temps et parce que ce n’était pas la priorité.

Cette réforme proposait entre autres d’ajourner les travaux parlementaires à 18 h. Les députés proches aidants auraient eu la possibilité de s’absenter temporairement. Un congé parental d’un an et une halte-garderie faisaient aussi partie des discussions.

L’autre sujet tabou : le salaire.

Si vous voulez vous impliquer, eh bien, ce n’est pas pour le salaire! Ce sera vraiment parce que vous voulez changer quelque chose en politique.

Une citation de Claire IsaBelle, députée de Huntingdon

Les partis politiques ont beau multiplier les efforts pour recruter des femmes, ils ne parviendront pas à les garder avec un salaire de base de 95 000 $ et des horaires aussi chargés et aussi atypiques. Parmi la trentaine de députés qui partent cette année, les deux tiers sont des femmes.

Émilie Foster et Claire IsaBelle comptent sur les nouveaux députés élus l’automne prochain pour accentuer la pression sur l’Assemblée nationale. Cette réforme ne pourra plus attendre : la qualité de l’institution en dépend.

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