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La Cour suprême des États-Unis invalide une loi new-yorkaise encadrant le port d’arme

Ce jugement « est contraire au bon sens et à la Constitution et devrait tous nous troubler », s'indigne le président américain Joe Biden.

Un policer armé, les bras croisés, devant la Cour suprême, protégée par un grillage.

Un policier armé devant la Cour suprême des États-Unis. Le plus haut tribunal du pays a basé sa décision de jeudi sur les 2e et 14e amendements de la Constitution américaine.

Photo : La Presse canadienne / AP/Jacquelyn Martin

  • François Messier

La Cour suprême des États-Unis a invalidé jeudi une loi de l'État de New York qui imposait des limites au port d’une arme de poing dans l'espace public, en concluant qu’elle viole la Constitution américaine.

Cette décision historique, prise à une majorité de six contre trois, consacre le droit des Américains de sortir armés de leur domicile, quelques semaines à peine après une série de tueries de masse, dont celles d’Uvalde et de Buffalo.

La loi new-yorkaise, qui date de 1913, limitait la délivrance de permis de port d'arme dissimulée aux personnes ayant des raisons de croire qu'elles pourraient avoir à se défendre, que ce soit en raison de leur métier ou de menaces potentielles.

Or, selon le jugement, rédigé par le juge conservateur Clarence Thomas, les 2e et 14e amendements de la Constitution protègent le droit d'un individu de porter une arme de poing pour son autodéfense à l'extérieur de son domicile.

Les restrictions imposées par l'État de New York sont donc anticonstitutionnelles, a-t-il ajouté, car elles empêchent les citoyens respectueux de la loi avec des besoins ordinaires en matière d'autodéfense de jouir de leur droit de posséder et de porter des armes.

Nous ne connaissons aucun autre droit constitutionnel qu'un individu ne puisse exercer qu'après avoir apporté la preuve d'un besoin particulier auprès de représentants des pouvoirs publics.

Une citation de Extrait du jugement de la Cour suprême

Le jugement conclut que des restrictions raisonnables et bien définies restent possibles, notamment dans les lieux sensibles comme les assemblées législatives ou les tribunaux, mais qu'il reviendra aux tribunaux de les évaluer en prenant en compte l'histoire et les traditions américaines.

Les six juges qui ont approuvé la décision sont tous associés à l'aile conservatrice de la Cour suprême, devenue nettement majoritaire depuis les nominations faites par l'administration Trump.

Les trois juges progressistes se sont plutôt dissociés de l'arrêt, qui limite fortement les efforts des États pour essayer de limiter la violence par arme à feu. Leur argumentaire, rédigé par le juge Stephen Breyer, déplore que la Cour agisse sans considérer les conséquences potentiellement mortelles de sa décision et rappelle qu'en 2020, 45 222 Américains ont été tués par des armes à feu.

La loi new-yorkaise était contestée par deux résidents de l'État, Robert Nash et Brandon Koch, qui n'avaient qu'un droit limité de porter une arme à l'extérieur de leur domicile, et la New York State Rifle & Pistol Association, une filiale de la National Rifle Association (NRA), puissant lobby des armes à feu.

« Protégez nos enfants, pas les armes », lit-on sur la pancarte d'une manifestante, au milieu d'une foule.

Le reportage de notre correspondante Valérie-Micaela Bain

Photo : Reuters / JEENAH MOON

Des répercussions partout au pays

Le jugement du plus haut tribunal américain aura des répercussions dans d'autres États américains qui ont des législations comparables, dont la Californie, le New Jersey, le Massachusetts, le Rhode Island et Hawaï, selon des mémoires déposés devant le tribunal.

Ratifié en 1791, le deuxième amendement de la Constitution stipule qu'une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d'un État libre, le droit qu'a le peuple de détenir et de porter des armes ne sera pas transgressé.

En 1939, la Cour suprême avait jugé que cet amendement protégeait le droit d'utiliser des armes dans le cadre d'une force de maintien de l'ordre, comme l'armée ou la police, mais qu'il ne constituait pas un droit individuel à l'autodéfense.

Elle a cependant changé de position lors d'un arrêt historique rendu en 2008, qui établissait pour la première fois un droit de posséder une arme à son domicile pour se défendre.

Elle a toutefois laissé aux villes et aux États le soin d'encadrer le transport d'une arme à l'extérieur d'un domicile, ce qui explique pourquoi les règles actuelles varient d'un endroit à un autre. L'arrêt de jeudi met un terme à cette latitude.

Le 14e amendement stipule pour sa part qu'un État ne peut adopter ou appliquer des lois qui restreindraient les privilèges ou les immunités des citoyens des États-Unis ni priver une personne de sa vie, de sa liberté ou de ses biens sans procédure légale.

Des gens habillés en blanc tiennent des pancartes orange rappelant diverses tueries survenues aux États-Unis, dont celle d'Orlando.

Un groupe baptisé « Les gais contre les armes » a manifesté à New York, le 11 juin, pour réclamer un meilleur contrôle des armes à feu. Les manifestants soulignaient le 6e anniversaire de la tuerie d'Orlando, lors de laquelle 49 personnes ont été tuées par un homme armé dans un club gai.

Photo : Getty Images / Stephanie Keith

Une avalanche de réactions

Le président américain Joe Biden, qui s'était rangé derrière l'État de New York dans cette affaire, n'a pas tardé à faire savoir qu'il est profondément déçu par ce dénouement. Le jugement est contraire au bon sens et à la Constitution et devrait tous nous troubler, a-t-il dit dans un communiqué.

J'exhorte les États à continuer à adopter et à appliquer des lois de bon sens pour protéger les citoyens et les communautés. [...] J'appelle tous les Américains [...] à faire entendre leur voix sur la sécurité des armes à feu. Des vies sont en jeu.

Une citation de Joe Biden, président des États-Unis

Le département américain a renchéri en déclarant qu'il est respectueusement en désaccord avec la conclusion de la Cour, qui invalide les exigences raisonnables de la loi new-yorkaise.

La gouverneure de New York, la démocrate Kathy Hochul, a déploré un jour sombre et s'est dite navrée de la décision de la Cour suprême. Il est scandaleux, absolument scandaleux que ces juges aient supprimé nos droits à jouir de restrictions sensées sur les armes à feu, a-t-elle déclaré à des journalistes. Nous pouvons avoir des limites à la liberté d'expression [...] mais il n'y en a aucune au second amendement, s'est-elle indignée.

Notre pays est au milieu d'une épidémie de violence par armes à feu et plutôt que d'œuvrer à protéger nos communautés, la Cour facilite le port d'armes dissimulées dans des espaces publics par des personnes potentiellement dangereuses.

Une citation de Kirsten Gillibrand, sénatrice démocrate de l'État de New York

Le maire de la ville de New York, Eric Adams, a dit redouter que l'arrêt de la Cour suprême vienne alimenter une vague de violences par arme à feu. L'ex-policier affirme qu'il va chercher à juguler les risques créés par cette décision pour éviter que New York se transforme en far west.

La NRA, qui milite depuis longtemps pour une lecture littérale du deuxième amendement de la Constitution des États-Unis, a plutôt salué une victoire, se réjouissant que la Cour déclare inconstitutionnelles les restrictions au port d'arme prévues dans la loi.

La Cour suprême a affirmé que le droit de porter des armes NE S'ARRÊTE PAS À LA PORTE DU DOMICILE.

Une citation de Tweet de la National Rifle Association

Une heure après la publication de la décision de la Cour suprême, les sénateurs américains ont accepté par un vote de 65 contre 34 de faire avancer un projet de loi contenant des mesures visant à restreindre la violence par arme à feu. La pièce législative constitue une première avancée depuis des décennies, mais reste très en deçà des mesures réclamées par le président Joe Biden.

Avec les informations de Agence France-Presse, Reuters, Associated Press et New York Times

  • François Messier

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