Apprendre l’histoire des Lekwungen au gré de l’eau et de sculptures à Victoria
L'équipage du canoë traditionnel d'Explore Songhees est photographié dans la baie du centre-ville de Victoria le 16 juin 2022.
Photo : Radio-Canada / Mélinda Trochu
Des balades touristiques en canoë ou à pied reprennent avec Explore Songhees dans le centre-ville de Victoria après un arrêt à cause de la pandémie. C'est l’occasion d’apprendre l’histoire des terres des peuples qui parlent la langue lekwungen : les Premières Nations Songhees et Esquimalt.
Le tour commence avec un accueil traditionnel de la part de Cecelia Dick, responsable du tourisme pour les Songhees. À pied, les visiteurs peuvent suivre les sept signes des Lekwungen, des sculptures en forme de fusaïoles qui racontent chacune l’importance de ces lieux.
C’est Butch Dick, un gardien du savoir songhees et cousin de Cecelia Dick, qui a créé ces sculptures en 2008 en mémoire de sa grand-mère, qui filait les poils de chiens blancs aujourd'hui disparus, les Salish Wool Dogs.
Tout au long de la balade, un autre Victoria se dessine. Peu à peu, Matoolia, le mot en langue lekwungen pour cette zone, se dévoile. On se prend à imaginer les forêts d’antan, les canoës arrivant en masse dans cette zone boueuse, appelée xwsзyq’әm, et les Autochtones qui se nourrissent de la richesse de la nature d’alors : crabes, moules, huîtres et palourdes.
Sur l’eau, les Songhees emmènent les visiteurs dans leur canoë traditionnel jusqu’à Esquimalt, là où leur dernier village traditionnel se trouvait jusqu'en 1911, avant le départ forcé vers une réserve. Tout ce que nous [racontons pendant nos tours] vient de notre cœur et de notre esprit. Nous parlons pour nos ancêtres parce qu'ils n'ont pas eu de voix à l'époque pour dire ce que cette terre signifiait pour nous
, explique Cecelia Dick.
Ici, à p’álәc’әs – ou Songhees Point en anglais –, Melissa Barnhard, guide touristique pour les Songhees, se sent enveloppée de la présence de ses ancêtres. C'est important pour moi sur le plan culturel, parce que c'est là que beaucoup d'enseignements sacrés ont été faits.
C’est aussi là que la jeune trentenaire confie avoir demandé son fiancé en mariage.
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Matoolia, lieu de rencontre et d’échanges
Quand les colons sont arrivés, il y a un peu moins de deux siècles, ils ont parfois trouvé des zones vides, pensant que personne n’y habitait, explique Cecelia Dick. Nous nous déplacions de région en région pour [...] assurer la variété de notre alimentation, alors quand les gens ont vu que nous n'étions pas là, ils ont pensé que c'était abandonné, mais ce n'était pas vrai. Nous étions dans d’autres zones le temps de la récolte.
Sur le quai du port, non loin de l'Assemblée législative, des photos de la fin du 19e siècle et du début du 20e siècle montrent des rassemblements, des maisons longues traditionnelles ou encore des danseurs aux connaissances sacrées. Ce qui est aujourd’hui le port de Victoria était à l’époque un haut lieu de rassemblement entre différentes Premières Nations, notamment un lieu d’échange de nourriture. Lekwungen signifie l’endroit où on fume le hareng
.
Cecelia Dick raconte l’importance des camas, ces fleurs bleu-violet dont les bulbes sont consommés par les Autochtones, une des rares nourritures traditionnelles encore disponibles. Elle partage ses connaissances sur les traités, sur l’utilisation des cèdres, sur les potlatchs, sur les pagaies qui servaient d’armes lors des guerres, et elle n’hésite pas à proposer ses connaissances à des touristes qui s'arrêtent, intrigués par les photos géantes.
« Je suis vraiment reconnaissante envers ma tante [Cecelia]. [...] Elle consacre sa vie à nous transmettre ce qu'elle sait afin que nous puissions partager ça avec d’autres. [Je suis consciente du fait] que nous ne faisons pas cela seulement pour nous : nous le faisons pour la prochaine génération. »
La guérison par la transmission
Pour Melissa Barnhard, renouer avec sa culture et la partager est un baume de guérison. Avant d'occuper ce poste dans le domaine du tourisme, cette trentenaire dit avoir subi de la discrimination dans son emploi précédent. Elle ne pouvait pas utiliser son nom traditionnel, « Nawhe-mow-ha », et ses collègues ne comprenaient pas qu’elle soit absente en raison de protocoles culturels.
Désormais, les passants sont curieux quand ils la voient sortir du canoë, ce qui n'était pas le cas il y a encore cinq ans, dit-elle.
« Avant, j'avais honte d'être autochtone. Je n'aimais pas porter un sac à main autochtone parce que je n'aimais pas que les gens pensent : "Oh, c'est une Indienne, et oh, elle est sale, elle va voler ou [prendre de la] drogue." Je n'aimais pas être stéréotypée. Mais maintenant, je suis fière! »
Outre une connexion avec l’histoire, Melissa Barnhard apprend également sa langue. Elle se trompe parfois ou oublie certains mots, mais elle n’abandonne pas. Je me sens très fière pour la première fois de ma vie et je suis très reconnaissante de travailler avec ma tante [Cecelia].
Cecelia Dick est fière de la passion de ses jeunes guides. Elle espère que les visiteurs raconteront leurs expériences et donneront envie à d’autres personnes de venir découvrir l’histoire vaste et riche
des Lekwungen.
Depuis jeudi, ces tours sont offerts du jeudi au dimanche. On peut réserver des places sur le site ou sur la page Facebook d’Explore Songhees.