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AnalyseJustin Trudeau au Commonwealth : l’éléphant russe dans la pièce

La crise alimentaire mondiale et la guerre en Ukraine seront au cœur des préoccupations de Justin Trudeau, qui entame aujourd’hui un voyage international de dix jours au Rwanda, en Allemagne et en Espagne.

Justin Trudeau marche sur le tarmac vers son avion à l'aéroport d'Ottawa.

La crise alimentaire mondiale et la guerre en Ukraine seront au cœur des préoccupations de Justin Trudeau, qui entame un voyage international de dix jours.

Photo : La Presse canadienne / Paul Chiasson

Un ballet diplomatique et stratégique important sur deux continents s'amorce cette semaine, entre les pays occidentaux et ceux en voie de développement.

Premier arrêt de Justin Trudeau : la réunion des chefs de gouvernement du Commonwealth, à Kigali, capitale du Rwanda. Le regroupement de 54 pays, vestige de l’Empire britannique, retient rarement l’attention, mais la situation est différente cette fois-ci.

Le Commonwealth est aux prises avec de profondes divisions concernant la guerre en Ukraine. Certains pays du Commonwealth ont des positions carrément prorusses, explique Frédéric Mérand, professeur de science politique à l'Université de Montréal.

Presque 20 % des pays du Commonwealth se sont abstenus de dénoncer l’invasion russe lors d’un vote à l’ONU au printemps.

Liste des pays qui se sont abstenus :

Afrique du Sud, Bangladesh, Cameroun, Inde, Mozambique, Namibie, Ouganda, Pakistan, Sri Lanka, Tanzanie

Pays qui n'a pas voté :

Eswatini

Des pays africains en voie de développement, mais aussi de plus gros joueurs comme l’Afrique du Sud, l’Inde et le Pakistan, refusent de se mouiller par crainte de nuire à leurs relations diplomatiques ou économiques avec la Russie.

Les coulisses du sommet du Commonwealth seront donc le théâtre de tractations et de négociations pour tenter de convaincre certains d’entre eux de changer de camp.

Le premier ministre Trudeau travaillera très fort afin de rallier ces pays, confie un haut représentant du gouvernement Trudeau. Nous aurons des conversations franches en personne autour de la table.

Comment le Canada compte-t-il tirer son épingle du jeu?

Résorber la crise alimentaire

La Russie bloque l'exportation de millions de tonnes de grains ukrainiens, un véritable crime de guerre, estime Josep Borell, le haut représentant de l'Union européenne pour les Affaires étrangères.

La guerre de la Russie prend l'Afrique du Sud en otage en raison de la hausse des prix des denrées, lançait pour sa part le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, dans un discours devant l'Union africaine plus tôt cette semaine.

Or, plusieurs pays du Commonwealth sensibles à la propagande russe estiment plutôt que cette crise alimentaire est la faute de l’Occident, pour avoir imposé des sanctions contre le régime de Vladimir Poutine.

Un agronome dans une plantation de graines de betteraves sucrières en Ukraine.

L'Ukraine, qualifiée de « grenier à blé » de l'Europe, est un important exportateur de blé, d'orge et d'autres céréales, ainsi que de betteraves sucrières et d'huile de tournesol.

Photo : Getty Images / Joe Raedle

Pour les pays occidentaux, la crise alimentaire ne se traduit que par un peu d'inflation. Mais pour certains pays au Moyen-Orient ou en Afrique subsaharienne, ça peut se traduire par la famine, fait remarquer Frédéric Mérand.

Justin Trudeau entend donc utiliser une partie de son temps au sommet du Commonwealth afin de courtiser les pays qui sont petits, fragiles, vulnérables et qui sentent que leur sécurité alimentaire ainsi que l’accès à l'essence, au gaz naturel et aux denrées sont diminués, indique un haut représentant du gouvernement.

Pour aider à attirer ces pays en voie de développement dans leur giron, les pays occidentaux du Commonwealth entendent offrir de l’aide financière et humanitaire afin de renforcer la résilience quant aux changements climatiques et à la sécurité alimentaire, et de contribuer au développement durable, indique un représentant canadien.

Une opération charme qui se poursuivra au G7 en Allemagne, deuxième étape du voyage, du 26 au 28 juin.

G7, Russie et pays en développement

La sécurité alimentaire sera un des dossiers clés du G7. D’ailleurs, ce groupe des sept pays les plus industrialisés a invité l’Inde, l’Afrique du Sud, l’Argentine et le Sénégal afin d’en discuter. De ces quatre pays, seule l’Argentine a dénoncé les actions russes en Ukraine.

Les drapeaux du G7.

Le G7 a invité l’Inde, l’Afrique du Sud, l’Argentine et le Sénégal à discuter de sécurité alimentaire.

Photo : AFP / DAMIEN MEYER

Le Sénégal, c'est un pays qui est très sollicité en ce moment, à la fois par les Occidentaux et par la Russie, constate le professeur Frédéric Mérand.

D'ailleurs, juste avant le sommet du G7, la Chine organise une rencontre de pays émergents avec la Russie, l'Inde, l'Afrique du Sud et le Brésil, afin de contrebalancer la tendance des pays occidentaux à former de petites cliques et de lutter contre l'hégémonie américaine, indique Pékin.

Les pays du G7 sentent donc un besoin urgent de démontrer qu’ils sont réceptifs aux demandes des pays en voie de développement, qui sont fortement courtisés par la Russie et la Chine.

Le Canada entend saisir l’occasion du G7 afin d’offrir son expertise dans le domaine de l’agriculture, dans le but d’apporter un peu de répit à la crise alimentaire dans ces pays.

Le Canada peut partager son talent dans le transport et l’entreposage du grain. Nous avons les meilleurs experts du monde pour ce genre de logistique, sur de grandes distances et malgré le temps chaud ou froid, signale un haut représentant diplomatique du Canada.

L’opération charme de l’Occident n’est cependant pas gagnée d’avance, selon Benoit Hardy-Chartrand, chercheur associé à la Chaire Raoul-Dandurand et professeur à l'Université Temple à Tokyo.

Ces pays-là ne sont pas nécessairement prêts à briser leurs liens avec la Russie, ce qui fait que c'est difficile pour le Canada et les autres acteurs occidentaux de les attirer dans leur giron, poursuit le professeur.

Des lignes de faille à propos de la Russie contre lesquelles même les alliés de l’OTAN ne sont pas immunisés.

Les fissures de l’OTAN

Le dernier volet du voyage de Justin Trudeau sera le sommet de l’OTAN à Madrid, du 28 au 30 juin. La question cruciale des prochaines étapes militaires et humanitaires dans la guerre en Ukraine divise en ce moment les membres de l’Alliance atlantique.

Recep Tayyip Erdogan à un sommet de l'OTAN, au début du mois de mai.

Le président turc s'oppose à l'adhésion de la Finlande et de la Suède, car il estime que les deux pays accueillent des « terroristes » du Parti des travailleurs du Kurdistan.

Photo : Reuters / Yves Herman

Le président français Emmanuel Macron a évoqué l'importance de ne pas humilier Vladimir Poutine, ouvrant ainsi la porte à une négociation pour que la Russie conserve une partie du territoire ukrainien qu’elle occupe.

Une position contraire au désir exprimé par l’Ukraine qui, appuyée par le Canada, souhaite protéger l'intégrité de son territoire.

On commence à voir certaines différences au sein de l’OTAN par rapport à la manière de gérer la Russie à moyen et à long terme, estime Stefanie Von Hlatky, professeure d'études politiques à l'Université Queen's.

Le grand enjeu de cette rencontre, c'est de s'assurer que les Alliés conservent leur unité tant sur l’aide supplémentaire à envoyer à l’Ukraine que sur le positionnement politique de l’Alliance, ajoute la professeure.

À cet effet, l’opposition de la Turquie à la demande d’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’OTAN constituera un autre test de la cohésion des membres de l’Alliance atlantique.

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