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Migration : l’ASFC ne tient plus à savoir combien d’enfants elle sépare d’un parent

Un enfant dans les bras d'une femme dans une file d'attente devant un chapiteau.

Des demandeurs d’asile en provenance des États-Unis font la file pour entrer au Canada par le chemin Roxham en août 2017 (archives).

Photo : Reuters / Christinne Muschi

L'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) fait marche arrière sur sa promesse de compter tous les enfants qui sont séparés d'au moins un parent détenu à des fins d'immigration.

L'histoire d'un père séparé de ses deux enfants à la frontière canadienne par l'ASFC avait fait grand bruit en décembre 2020.

Dans ce même reportage, Radio-Canada avait aussi révélé qu'au moins 182 enfants avaient été séparés d'un parent détenu au Centre de surveillance de l'immigration à Laval l'année précédente.

En réaction à ce reportage, l'Agence s'était engagée à compiler pour la première fois de son histoire des statistiques nationales sur les mineurs séparés d'au moins un parent détenu.

Or Radio-Canada a appris que l'Agence a adopté une définition beaucoup plus étroite des enfants qu'elle a commencé à compter.

L'ASFC a confirmé à Radio-Canada que seuls les enfants séparés des deux parents ou d’un tuteur légal sont maintenant recensés. Ces mineurs sont pris en charge soit par un autre membre de la famille soit par une agence de protection de l'enfance.

En d'autres mots, si l'enfant est séparé d'un parent détenu à des fins d'immigration, mais qu'il demeure dans la communauté avec l'autre parent, l'Agence n'a plus l'intention d'en tenir compte.

Une clôture à mailles losangées coiffée de barbelés, portant l'adresse « 200, montée Saint-François ».

Le Centre de surveillance de l’immigration à Laval. L’Agence des services frontaliers du Canada gère aussi un centre de surveillance à Toronto et un autre à Surrey, en Colombie-Britannique.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Selon cette définition grandement resserrée, six mineurs ont été séparés de leurs parents entre janvier 2022 et juin 2022.

Enfants arrachés à un parent

Je ne crois pas que ces chiffres reflètent l'ampleur et l'étendue de ce problème, affirme en anglais Hanna Gros, de Human Rights Watch, un organisme de défense des droits de la personne. Mme Gros est avocate en droit de l'immigration et spécialiste des questions liées à la détention des migrants.

Quand vous n'avez pas une définition qui tient compte de la situation des enfants qui sont arrachés à l'un ou l'autre de leurs parents, vous n'êtes même pas en mesure de commencer à reconnaître le tort causé par le système.

Il est clair que l'ASFC revient sur son engagement de compter tous les cas de séparation familiale qui résultent de la détention des migrants.

Une citation de Hanna Gros, avocate, Human Rights Watch

Le nombre de migrants en détention a chuté durant la pandémie en raison notamment de la fermeture des frontières.

En temps normal, l'ASFC emprisonne plus de 8000 migrants chaque année, dont plusieurs parents.

L’Agence reconnaît que la grande majorité ne représente pas un danger pour le Canada. Elle les détient surtout parce qu'elle craint qu'ils ne se présentent pas à une procédure d'immigration.

Hanna Gros.

Hanna Gros, de Human Rights Watch, est avocate en droit de l'immigration et spécialiste des questions liées à la détention des migrants.

Photo : Gracieuseté

Plusieurs études ont documenté les effets néfastes de la détention chez les migrants. Mme Gros est elle-même l'auteure d’un rapport intitulé Je ne me sentais pas comme un être humain - La détention des personnes migrantes au Canada et son impact en matière de santé mentale, publié en juin 2021.

Même après que les enfants ont retrouvé leurs parents, les conséquences de la détention ne vont pas juste s’effacer. J'ai interviewé une femme qui a été séparée de ses enfants et elle a raconté comment des années après leurs retrouvailles, les enfants n’arrêtent pas de lui demander de promettre qu’elle ne disparaîtra pas à nouveau , relate Mme Gros.

Une femme et ses trois enfants entourés de valises parlent à un agent armé.

Un policier intercepte une famille qui entre au Canada par le chemin Roxham en août 2017 (archives).

Photo : Reuters / Christinne Muschi

Et c'est absolument angoissant pour les parents qui ne savent pas combien de temps ils vont être séparés de leur enfant. Du jour au lendemain, ils ne peuvent pas souhaiter bonne nuit à leur enfant, ils ne peuvent pas les aider à faire leurs devoirs, ils ne peuvent tout simplement pas s'occuper d'eux, dit-elle.

Essentiellement, la détention prive les parents de leur capacité d’agir comme des forces protectrices pour leurs enfants, ce qui a des effets dévastateurs sur la santé mentale des enfants et des parents.

L'Agence tenue de préserver l'unité familiale

Pour se conformer au droit international, le gouvernement Trudeau a adopté, en 2017, une directive nationale en vertu de laquelle l'Agence des services frontaliers doit cesser la détention des mineurs et la séparation des parents, sauf dans des circonstances extrêmement limitées. Selon cette directive, les familles doivent être mises en liberté avec ou sans condition, afin de préserver l'unité familiale.

Deux agents passent devant une tente de fortune.

Des membres de l’Agence des services frontaliers passent devant une tente qui héberge des demandeurs d’asile à Lacolle, au Québec, en août 2017 (archives).

Photo : La Presse canadienne / Graham Hughes

Pour des experts comme Hanna Gros, il est impossible de savoir si l'ASFC respecte ses obligations si l'Agence ne tient pas de statistiques sur les enfants qu'elle sépare d'un parent.

Le bureau du ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, responsable de l'ASFC, n'a pas voulu dire pourquoi il avait fait marche arrière sur une promesse faite à l'époque de son prédécesseur, Bill Blair.

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