Fredericton souhaite avoir des petits réacteurs nucléaires d’ici 2029

Mike Holland, ministre des Ressources naturelles et du Développement de l'énergie, défend les projets de mini-réacteurs nucléaires lors d'un colloque organisé par l'industrie nucléaire à Saint-Jean.
Photo : Radio-Canada / Alix Villeneuve
Le gouvernement du Nouveau-Brunswick souhaite rallier tous les partis politiques autour du nucléaire.
Le ministre des Ressources naturelles et du Développement de l’énergie, Mike Holland, a chaudement défendu les deux projets de mini-réacteurs nucléaires que des entreprises tentent de commercialiser dans la province, lors d'un colloque organisé par l'industrie nucléaire, à Saint-Jean.
C'est un projet qui va prendre un certain nombre d'années et passer par quelques élections différentes, donc peu importe qui forme le gouvernement qui dirige la province du Nouveau-Brunswick, ce dossier est trop important et doit continuer, ça ne peut pas être quelque chose qui devient une monnaie d'échange partisane
, estime le ministre.
Fredericton ne voit que des avantages aux mini-réacteurs
Les politiciens libéraux fédéraux et conservateurs provinciaux se sont réunis à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick, pour participer à une conférence organisée par Énergie NB et les deux promoteurs de mini-réacteurs dans la province, soit ARC Clean Energy Canada et Moltex Energy.
Le ministre Holland estime que le développement de ces mini-réacteurs est important pour l’économie du Nouveau-Brunswick. C'est tout un secteur de centaines d'entreprises du Nouveau-Brunswick qui voient aussi la valeur ici
, soutient-il.
Et selon le ministre, ces réacteurs nucléaires offrent une solution durable à la crise climatique, en réduisant la production de gaz à effet de serre dans la production d’électricité.

De nombreuses entreprises étaient représentées à la conférence de l'industrie nucléaire à Saint-Jean.
Photo : Radio-Canada / Alix Villeneuve
Selon Mike Holland, les entreprises qui développent les mini-réacteurs sont maintenant dans la deuxième phase de leur développement. Cette phase devrait être complétée en 2025.
Le ministre s’attend à ce que les mini-réacteurs soient opérationnels quatre ans plus tard. Les projections sont que le premier du genre pourra être en ligne d'ici 2029, 2030
, souligne-t-il.
Des avantages pour le secteur privé
La construction de mini-réacteurs dans la province pourrait représenter une bonne occasion d'affaires pour plusieurs entreprises dans la province, selon le gouvernement provincial.
Des représentants de plusieurs entreprises étaient d’ailleurs présents à la conférence organisée par les promoteurs des mini-réacteurs.

Luc Bernard, propriétaire de l'entreprise Design Build Mechanical Inc., de Charlo, dans le Nord-est du Nouveau-Brunswick, était présent à la conférence sur les mini-réacteurs nucléaires.
Photo : Radio-Canada
Parmi les entreprises intéressées par ce développement, il y a Design Build Mechanical Inc., de Charlo, dans le nord-est du Nouveau-Brunswick. Selon le propriétaire de cette entreprise, Luc Bernard, le nucléaire est l’énergie du futur.
Pour moi, l’énergie nucléaire a toujours été importante, j’ai toujours vu que c’était la seule avenue pour s’en sortir de tous les gaz à effet de serre, même s’il y a du monde qui sont contre, qui comprennent pas toute la technique derrière ça, moi j’ai toujours vraiment compris comment ça marche, et c’était le futur pour sauver notre planète
, assure-t-il.
Des projets qui continuent de soulever des questions
Le mini-réacteur proposé par la compagnie Moltex utilisera du plutonium, une matière hautement radioactive issue de la transformation des déchets nucléaires de la centrale de Pointe Lepreau.
L’extraction du plutonium à des fins civiles sème la controverse depuis des décennies, parce que cette matière radioactive peut être utilisée, après transformation, dans la fabrication d’armement nucléaire. De nombreux experts internationaux ont dénoncé le projet de Moltex au Nouveau-Brunswick, à cause des risques qu’il représente.

Le plutonium est utilisé dans la construction de bombes nucléaires.
Photo : Radio-Canada
Les demandes d’évaluation indépendante sont restées lettre morte et le gouvernement canadien n’a pas donné suite aux craintes exprimées par les experts indépendants de l’industrie.
Plusieurs ont aussi souligné de sérieux problèmes liés aux déchets qui seront produits par les mini-réacteurs.
Enfin, des experts ont indiqué que les projets à l’étude au Nouveau-Brunswick pourraient coûter beaucoup plus cher aux contribuables que ce qui est évalué à l’heure actuelle. Des compagnies comme Moltex, par exemple, dépendent en grande partie des fonds publics pour mener à bien leurs projets.
Certains soulignent aussi que l’échéancier prévu serait peut-être trop optimiste, vu la complexité de certaines des technologies qui doivent être mises au point.
Le nucléaire, loin de faire l'unanimité chez les élus
Libéraux et conservateurs partagent des objectifs semblables en ce qui concerne le développement du nucléaire dans la province.

Dessin d'artiste représentant les installations prévues pour le mini-réacteur nucléaire développé par Moltex à Pointe Lepreau.
Photo : Gracieuseté, Moltex
Les libéraux fédéraux ont pris des mesures pour assurer le développement de plusieurs projets de mini-réacteurs nucléaires un peu partout au pays. Au Nouveau-Brunswick les libéraux provinciaux ont accueilli à bras ouverts, lorsqu’ils étaient au pouvoir, l’idée de développer des projets de mini-réacteurs.
En juin 2018, les libéraux provinciaux annonçaient une aide de 10 millions de dollars à la Société de solutions énergétiques du Nouveau-Brunswick pour former un groupe de recherche sur le nucléaire. Le but était déjà de faire de la province un chef de file dans le développement de mini-réacteurs nucléaires.

Le député libéral de Bathurst-Ouest-Beresford, René Legacy.
Photo : Radio-Canada
René Legacy, député libéral de Bathurst Ouest-Beresford rappelle le rôle qu'a joué le Parti libéral dans le développement des mini-réacteurs au Nouveau-Brunswick. C'est un gouvernement libéral qui a investi la première fois dans les petits réacteurs nucléaires, donc c'est certain qu'on croit que c'est un bon potentiel futur
, dit-il.
Le député libéral souhaiterait toutefois que le gouvernement fasse preuve de plus de transparence dans ce dossier. Il n'y a pas tellement d'information qui nous est donnée sur comment ça avance, parce que c'est quand même une technologie mondiale, qui bouge assez rapidement, et on a pas de mise à jour sur où est-ce qu'on est rendus au Nouveau-Brunswick
, déplore-t-il.
Là s’arrête, toutefois, le consensus politique sur le nucléaire.
Depuis des années, le Parti vert dénonce le recours à l’énergie nucléaire, principalement à cause des problèmes engendrés à très long terme. Aucune solution n’existe, encore, pour disposer sécuritairement des déchets radioactifs des centrales nucléaires, ce qui représente un fardeau considérable qui reviendra aux futures générations.

La députée verte de Memramcook-Tantramar, Megan Mitton, déplore le fait que tous les risques associés au nucléaires soient passés sous silence par le gouvernement.
Photo : Radio-Canada / Maya Chebl
Megan Mitton, députée verte de Memramcook-Tantramar, dit que les mini-réacteurs nucléaires ne comportent pas nécessairement moins de risques. Les petits réacteurs modulaires pourraient créer plus de déchets que les réacteurs qui existent déjà, alors ce n'est pas fini, ce n'est pas une solution sans problème, c'est vraiment un enjeu que le gouvernement Higgs, le gouvernement Trudeau, ne veulent pas parler, mais il y a des risques
, s'inquiète-t-elle.
La députée estime que les gouvernements misent aveuglément sur une technologie qui est loin d'avoir fait ses preuves. Pourquoi est-ce qu'on investit des millions de dollars dans ces projets-là, c'est un peu comme Joy scientificen Floride, on met l'argent et on va essayer de créer une entreprise. On sait qu'on a d'autres vraies solutions vertes, par exemple le barrage à Grand-Sault avec la centrale hydroélectrique, on pourrait créer environ le même montant d'énergie, mais ça pourrait coûter moins cher, prendre moins de temps, et pas avoir de déchets nucléaires
, souligne-t-elle.
Jusqu’ici, toutefois, ces controverses n’ont pas refroidi l’intérêt que portent les politiciens libéraux et conservateurs pour le développement du nucléaire.