Les pêcheurs et les transformateurs s’entendent sur le prix de la crevette

Les pêcheurs et les transformateurs s'entendent sur le prix de la crevette au débarquement (archives).
Photo : Radio-Canada / Marc-Antoine Mageau
Après trois mois de pourparlers, les négociations sur le prix de la crevette au débarquement sont maintenant terminées. Les pêcheurs et les transformateurs sont parvenus à une entente jeudi.
Les usines de transformation ont accepté de payer 1,60 $ pour la grosse crevette, 1,38 $ pour la crevette de deuxième catégorie et 1,22 $ pour la petite crevette.
On a accepté cette proposition, dans le seul but de sauver la saison de pêche et de conserver nos employés d’usine qu’on est en train de perdre actuellement
, lance, sans cacher sa déception, le directeur de l'Association québécoise des industriels de pêches (AQIP), Jean-Paul Gagné.
« Ce n'est pas de gaieté de cœur, ni parce que c'est rentable pour les usines. On le fait pour sauver tout ça et sauver nos clients à la longue. »
Plus tôt cette semaine, la Régie des marchés agricoles avait donné raison aux transformateurs qui offraient un prix moyen de 1,12 $ la livre, soit le même prix que l’an dernier.
Les crevettiers, insatisfaits de cette offre, menaçaient de rester à quai. L'AQIP, au lendemain de la décision de la Régie, a déposé une nouvelle offre aux pécheurs. Ces derniers ont par la suite fait une contre-offre aux usines.
Ce n’est pas une décision qui fait plaisir à l’ensemble des usines, c’est bien clair, mais il semble qu’il n’y a pas moyen autrement, même si on a remporté la décision de la Régie qui nous donnait raison
, affirme M. Gagné.
« Ce n’est pas des choses qui devraient arriver. »
Il rappelle qu'à la dernière saison de pêche, la Régie avait tranché en faveur des pêcheurs sur le prix de la crevette.
L’an dernier, ça n’a pas fait notre affaire la décision de la Régie, mais on a ouvert nos usines quand même parce qu’on n'a pas le choix. On a une responsabilité dans nos régions maritimes, c’est pour ça qu’on le fait aussi
, soutient M. Gagné.
Une entente pour passer à travers la crise
L'industrie traverse une crise importante en raison de prix stagnants sur le marché international qui ne couvre pas les augmentations de salaires et de carburant.
Le directeur de l’Office des pêcheurs de crevette du Québec, Patrice Element, indique d'ailleurs que les crevettiers sont les plus gros consommateurs de diesel de toute la flotte de l’est du Canada
.
Les pêcheurs conjuguent également avec des baisses de quotas de 12 %, cette année, et 18 %, l'an prochain.
Avec cette entente, il espère que les transformateurs et les pêcheurs passent à travers
la saison de pêche.
« L’entente à laquelle on est arrivé aujourd’hui, ce n’est pas une entente qui va permettre à personne de réaliser des profits spectaculaires ou même de réaliser des profits point final. »
Par contre, c’est une entente qui, à nos deux points de vue, va permettre de payer nos frais et va permettre de limiter les pertes à un niveau qui va assurer que les pêcheurs vont prendre la mer et que les transformateurs vont transformer de la crevette
, souligne-t-il.
Les entreprises de pêche ont toutefois accès à un appui financier de la part de Québec, contrairement aux transformateurs, pour veiller au maintien de leurs activités et préserver les emplois liés au secteur de la capture.
Les usines subissent déjà des conséquences
Jean-Paul Gagné estime que les usines subiront de grandes pertes à la suite de cette entente.
Le déficit sera équivalent à la qualité et la taille de la crevette qui va sortir. […] On veut qu’il y ait de la grosse crevette, mais il n’y aura pas juste des grosses crevettes, ça on le sait d’avance. On ne peut pas deviner ce qu’il y a dans la mer actuellement
, mentionne-t-il.
M. Gagné explique ces futures pertes par ce prix trop élevé
que les clients refuseront de débourser.
« On est conscient que le marché ne prendra pas ce prix-là, il est trop élevé. On le voit dans le crabe des neiges : tout le monde est plein d’inventaires et ça ne sort pas. »
Selon lui, certaines usines ont également perdu des employés en raison d'un ralentissement dans l'industrie.
Crevette du Nord Atlantique, à L’Anse-au-Griffon, a perdu des employés. Ils sont en train de perdre des directeurs de qualité. On ne peut pas payer du monde à rien faire dans une usine
, confie-t-il.
Près de 600 emplois directs dépendent de la pêche et de la transformation de la crevette en Gaspésie et dans la région de Matane.
On va essayer de faire la meilleure saison de pêche quand même, mais on sait, au départ, qu’on est en état de faiblesse du côté des usines
, partage Jean-Paul Gagné.
Il soutient qu'aucune solution ne s'offre aux transformateurs pour limiter les impacts de l'entente.
Avec les informations de Joane Bérubé et Bruno Lelièvre