Procès pour meurtre à Winnipeg : le crime haineux est à envisager, selon des experts

Les activités en ligne et les croyances de Jeremy Skibicki devraient être prises en compte dans l’enquête, croit le chercheur Helmut-Harry Loewen.
Photo : Radio-Canada
Selon certains experts, la cour devrait enquêter sur les motivations du Winnipégois Jeremy Skibicki, accusé du meurtre au premier degré de Rebecca Contois, qui était membre de la Première Nation de Crane River.
Ces accusations font suite à la découverte de son corps près d’un complexe d’appartements à Winnipeg.
Chercheur antifasciste et ancien professeur de criminologie et de sociologie à l’Université de Winnipeg, Helmut-Harry Loewen croit que les activités en ligne de M. Skibicki devraient être prises en compte.
« Je recommande fortement que ces accusations de meurtre au premier degré soient analysées de près, c’est-à-dire non seulement les publications [de l’accusé] sur les réseaux sociaux mais aussi les manières dont ces publications ont pu former sa façon de penser. »
Sur sa page Facebook, Jeremy Skibicki s’affiche comme un membre officiel de Holy Europe
, un groupe d’extrême droite, selon Helmut-Harry Loewen.
Sur le site de Holy Europe, ce groupe demande la rechristianisation de l’Europe et de ses colonies et promeut des croyances racistes profondément opposées, entre autres, à l’immigration et au multiculturalisme.
M. Loewen stipule que ces croyances doivent faire partie de l’enquête. Une accusation de crime haineux peut entraîner une peine plus sévère si l’accusé est reconnu coupable.
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L’avocat de Jeremy Skibicki, Leonard Tailleur, a pour sa part déclaré à CBC/Radio-Canada que son client doit être présumé innocent jusqu’à preuve du contraire.
C’est essentiel à notre système de justice criminelle. Sans cela, nous n’avons rien. J’aimerais que les gens gardent cela à l'esprit
, affirme-t-il.
M. Tailleur a conseillé à son client de ne pas s’exprimer publiquement sur cette affaire ou sur les accusations qui le concernent. Ces accusations n’ont pas été prouvées en cour.
Des documents de la cour indiquent qu’en 2019, la femme de M. Skibicki, dont CBC/Radio-Canada protège l’anonymat, avait demandé une ordonnance de protection de la cour à son endroit.
Toujours selon ces documents, il a été accusé deux ans plus tard de l’avoir menacée, de l’avoir agressée avec une arme et d’avoir désobéi à un ordre de la cour.
La date du procès de Jeremy Skibicki pour le meurtre de Rebecca Contois n’a pas encore été fixée. Sa prochaine audience au tribunal aura lieu le 25 juin prochain.
Peu de crimes qualifiés de haineux
Lorsque preuve est faite qu’une infraction est motivée par des préjugés ou par de la haine
, cela peut avoir un effet sur la sentence de l’accusé, selon le Code criminel du Canada.
Pourtant, le chercheur Helmut-Harry Loewen et le directeur de l’organisation Canadian Anti-Hate Network, Evan Baglord, s’entendent pour dire que les crimes sont rarement qualifiés de haineux.
Souvent, les procureurs de la Couronne disent ne pas avoir assez de preuves pour prouver une telle motivation devant un juge, selon Evan Baglord.
« Le résultat final, c'est que très peu d'accusés reçoivent une sentence plus sévère parce que leur crime était motivé par la haine. C’est extrêmement difficile à prouver. »
M. Baglord croit que davantage de crimes devraient être investigués comme étant motivés par la haine, y compris ceux perpétrés à l’endroit des femmes. Selon lui, ces derniers délits sont souvent considérés comme de la violence conjugale.
Lorsque nous enquêtons sur des crimes, nous ne tenons pas assez souvent compte du rôle qu'ont pu jouer l’idéologie ou la haine des femmes chez certains criminels. J’espère que c’est envisagé sérieusement dans le cas de Jeremy Skibicki.
Avec les informations de Rachel Bergen