Des communautés craignent d’être oubliées par le projet de loi 96

Des communautés craignent que le projet de loi 96 protège le français au détriment de la protection des langues autochtones.
Photo : Radio-Canada
Le projet de loi 96 sur la Charte de langue française suscite des inquiétudes en Abitibi-Témiscamingue. Des communautés autochtones et anglophones craignent de devenir encore plus vulnérables.
Ce projet de loi, adopté le 24 mai à l'Assemblée nationale, vise entre autres à renforcer les mécanismes de protection de la langue française.
La grande cheffe de la nation crie, Mandy Gull-Masty, dit comprendre l'objectif de la loi. Cependant, elle craint que le gouvernement, dans sa démarche, ne protège pas suffisamment les langues autochtones.
La manière dont la loi est écrite, c'est vraiment une approche pour protéger la langue française, mais on ne peut pas donner cette protection sans dire dans le processus qu'il y a d'autres langues aussi ici, des langues originaires du Canada et du Québec, et ça, ce sont des langues autochtones
, souligne-t-elle.
La cheffe de la communauté de Lac-Simon, Adrienne Jérôme, estime que cette loi s’attaque aux droits des Premières Nations.
Ils avaient même fait une résolution à l’Assemblée nationale, qui reconnaît les droits des nations autochtones, qu’ils vivent dans leurs langues, qu’ils aient leurs pouvoirs
, dit-elle.
« La première langue au Canada, c’étaient les langues autochtones. Il n’ y a comme aucun respect ni considération des droits et des langues autochtones. »
Le chef de la Première Nation de Long Point, Steeve Mathias, s’inquiète que les communications et les négociations avec le gouvernement provincial deviennent plus difficiles si le français est privilégié.
Moi, je suis bilingue, mais j’ai des gens sur le conseil qui ne comprennent pas ou qui ne peuvent pas lire le français
, dit-il. Il faut avoir le temps de faire l’analyse de la version anglaise [des documents].
Des étudiants désavantagés
Puisque le projet de loi 96 augmente les exigences en français au Cégep, on craint que cela désavantage les étudiants qui décident de se déplacer vers les villes afin de poursuivre des études postsecondaires.
Steeve Mathias partage cette inquiétude : il souligne que dans la communauté, l’anglais et l’anichinabé sont les langues d'enseignement.
Ça va créer, je pense, des jeunes qui ne poursuivront pas leurs études au Québec. Il va falloir qu'ils aillent à l'extérieur. On le vit déjà d'une certaine manière. Nos jeunes qui vont à l'extérieur, aller étudier pour étudier dans des villes avoisinantes en Ontario, ils lâchent l'école. C'est déjà trop difficile pour eux de poursuivre leurs études à l'extérieur à cause de l'éloignement et plein d’autres facteurs
, rapporte-t-il.
La directrice générale de l'organisme Neighbours, Sharleen Sullivan, craint aussi que les étudiants anglophones de l’Abitibi-Témiscamingue soient désavantagés s’ils veulent s’inscrire au Cégep.
Les Cégeps anglophones, à Gatineau et à Montréal, sont déjà surchargés. Si on limite le nombre de personnes qui peuvent être dans ces écoles-là, c'est sûr que peut-être il n'y aura pas de place pour les élèves de l'Abitibi-Témiscamingue
, déplore-t-elle.
Steeve Mathias, Mandy Gull-Masty et Adrienne Jérôme se disent solidaires avec les autres communautés autochtones au Québec pour dialoguer avec le gouvernement concernant la loi 96.
Le Conseil mohawk de Kahnawake (CMK) exprimait la semaine dernière son mécontentement concernant le projet de loi 96. Par communiqué de presse, le CMK a annoncé qu'il mettait sur pause ses relations avec le gouvernement, en attendant que ce dernier propose des solutions pour répondre aux besoins des autochtones.