Des municipalités sans soutien pour protéger leurs rivières à saumon

L'étude révèle des lacunes dans la gestion des eaux usées et la protection des cours d'eau (archives).
Photo : Radio-Canada
Le ministère de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques n'en fait pas assez pour aider les municipalités protéger leurs cours d'eau.
C'est ce qu'avance la Fondation Rivières et le Conseil de l’Eau Gaspésie Sud dans une étude qui révèle des lacunes dans la gestion des eaux usées et la protection de trois grandes rivières à saumon de la Gaspésie.
L'étude rendue publique par les deux organisations relève la présence de phosphore dans la Petite Cascapédia, la Bonaventure et dans la rivière du Grand Pabos Ouest.
Les deux organismes demandent à Québec d’offrir un meilleur soutien financier et un meilleur accompagnement aux municipalités pour éviter ce type de pollution.
Présent dans les eaux usées, le phosphore favorise la prolifération d'algues vertes dans les embouchures des rivières, ce qui peut nuire aux saumons.
Des zones où l’eau était auparavant cristalline sont maintenant remplies d’algues. C’est le cas entre autres dans la rivière Bonaventure.
L'étude attribue cette prolifération à l'absence de déphosphatation des stations d'épuration des municipalités de Chandler et de New Richmond ainsi qu'au manque de performance du processus de déphosphatation de la Ville de Bonaventure.
Absence de norme
Le directeur général de la Fondation Rivières, André Bélanger, constate que les municipalités gaspésiennes sont laissées à elles-mêmes pour faire face aux problèmes de prolifération d’algues vertes à l’embouchure de leurs rivières.
Les municipalités nous ont appris qu'elles n’ont pas de norme à appliquer. Il n’y a personne au ministère de l’Environnement qui leur dit d’appliquer telle norme, telle limite ou tel traitement
, explique André Bélanger.
André Bélanger note aussi que de telles normes sur le phosphore existent lorsque les eaux usées sont relâchées directement dans la baie des Chaleurs, mais n’existent pas lorsque les eaux usées sont relâchées à l’embouchure des rivières.
C’est une sorte d’erreur administrative qui s’est produite il y a quelques années
, explique-t-il, en constatant que ça n’a pas encore été corrigée.
La contrepartie de l’absence de norme est l’absence de financement pour aider les municipalités, estime l'étude.
Seule Bonaventure s’est munie d’un dispositif pour capter le phosphore dans ses eaux usées, et ce, aux frais des contribuables.
Bureaucratie
Pour l'ingénieure des eaux Érika Ouellet et chargée de projets au Conseil de l'Eau Gaspésie Sud, le ministère de l’Environnement ne surveille pas assez la présence de phosphore dans les rivières.
Les solutions aux problèmes sont paralysées par la lenteur bureaucratique. Il y a des chantiers administratifs en place pour se pencher sur ces points, mais ce sont des délais quand même assez longs qui sont prévus. Comme on voit déjà des développements d’algues dans nos milieux, on aimerait que ça soit accéléré
, explique Érika Ouellet.
Je ne veux vraiment pas mettre le blâme sur les municipalités, mais il y a des délais administratifs et des expertises qui sont nécessaires. Il y a aussi des instances gouvernementales qui ne s’entendent pas sur certains points
, explique-t-elle.
« Elles sont prises dans un capharnaüm bureaucratique pour obtenir le financement et trouver l’accompagnement. »
L'étude rappelle aussi que la municipalité de Caplan et le secteur Newport de la Ville de Chandler rejettent encore leurs eaux usées sans traitement dans la baie des Chaleurs, faute d'avoir le soutien disponible pour développer rapidement leurs stations d'épuration.
Les retards s'accumulent aussi dans ces deux dossiers.
Les stations d’épuration de ces deux municipalités auraient dû être opérationnelles en 2021.
Avec la collaboration d'Élise Thivierge