La possession de petites quantités de drogues bientôt décriminalisée en C.-B.

La Colombie-Britannique voit en cette exemption un moyen de contrer la crise des surdoses qui a fait 2224 morts en 2021.
Photo : CBC / Maggie MacPherson
Il faudra attendre quelques mois, mais, à compter de l'an prochain, une personne prise en possession de petites quantités de drogues illégales pour usage personnel sur le territoire de la Colombie-Britannique ne sera ni arrêtée ni mise en accusation. Les ministres fédérale et provinciale de la Santé mentale et des Dépendances en ont fait l’annonce mardi à Vancouver.
Aujourd'hui, nous franchissons les premières étapes d'une mesure audacieuse et d'un changement de politique important qui s'imposent
, indique la ministre fédérale de la Santé mentale et des Dépendances, Carolyn Bennett, qui rappelle que plus de 9000 Britanno-Colombiens sont morts d’une surdose depuis l’état d’urgence lancé dans la province en 2016.
Avec cette nouvelle mesure, qui prendra effet le 31 janvier 2023, les adultes de 18 ans et plus pourront être en possession d’une quantité cumulative maximale de 2,5 grammes d'opioïdes, de cocaïne, de méthamphétamine et de MDMA pour leur consommation personnelle.
Pour la mettre en place, Carolyn Bennett a utilisé l'article 56.1 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, qui lui permet d'accorder une exemption de l'application de ladite loi.
La ministre fédérale et son homologue provinciale, Sheila Malcolmson, se sont voulues fermes et ont rappelé qu’il ne s’agit pas d’une légalisation de la possession de drogues.
« La décriminalisation n'est pas la légalisation. La décriminalisation supprime les sanctions pénales pour la possession de petites quantités de drogues illicites pour un usage personnel. Le trafic de drogue reste illégal. »
Sheila Malcolmson ajoute que les forces de police pourront ainsi se concentrer sur le crime organisé et les trafiquants de drogue plutôt que sur les utilisateurs individuels
.
Le fait de ne plus interdire sur le pénal la possession personnelle de petites quantités de certaines substances contrôlées n'est qu'un outil parmi une gamme complète de solutions pour lutter contre la crise des surdoses à laquelle nous faisons face
, indique pour sa part Carlyn Bennett.
Changer la façon de voir la dépendance et la consommation de drogues
Les gouvernements estiment que cette stratégie est un outil supplémentaire pour freiner la crise des surdoses en Colombie-Britannique et réduire la stigmatisation des personne qui consomment des substances illicites, les amener à se tourner vers des services de soutien, mais aussi pour changer le paradigme entourant la dépendance et la consommation de drogues.
Elle reflète la reconnaissance de notre gouvernement sur le fait que la consommation de drogues est une question de santé publique, et non une question criminelle
, explique Sheila Malcolmson.
Ainsi, les personnes qui ont en leur possession le seuil autorisé par cette exemption ne seront plus accusées, arrêtées, et leurs drogues ne seront pas saisies. En revanche, elles recevront de l’information sur la consommation de drogues et sur les soutiens en matière de soins de santé.
Selon Sheila Malcolmson, ce nouveau programme est un moyen de freiner la crise des surdoses, mais non d’y mettre fin.
Il n'y a pas de solution miracle pour mettre fin à la crise des surdoses, mais la décriminalisation des personnes qui consomment des drogues est essentielle pour endiguer la vague de la crise des drogues toxiques.
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Une exemption propre à la Colombie-Britannique et limitée dans le temps
Si la possession de petites quantités de certaines drogues est acceptée, le trafic et la production de drogues restent interdits par la loi.
L'exemption ne s’appliquera pas dans certains lieux comme les écoles primaires et secondaires, les garderies, les transports en commun, les navires et les hélicoptères de la Garde côtière canadienne, ou encore les aéroports, puisque le transport au-delà des limites des frontières provinciales est également exclu.
La décriminalisation de la possession de petites quantités de drogues ne sera en vigueur que sur le territoire de la Colombie-Britannique et sera d’une durée temporaire de 3 ans, soit du 31 janvier 2023 au 31 janvier 2026. À son échéance, l’exemption sera, soit révoquée, soit remplacée par une autre. Entre-temps, elle fera l’objet d’un suivi et d’une évaluation rigoureuse par une tierce partie pour mesurer les progrès de façon continue.
Une bonne nouvelle pour Vancouver
Lors de la conférence de presse, le maire de Vancouver, Kennedy Stewart, s’est dit heureux d'apprendre qu’un accord qui privilégie les soins de santé plutôt que les menottes
avait été conclu entre la province et le fédéral.
Je peux vous dire que j'avais envie de pleurer et que j'ai encore envie de pleurer
, raconte celui qui dit recevoir, chaque début de semaine, un état de la situation sur son territoire.
Chaque lundi, je reçois un courriel qui m'indique combien de personnes sont mortes de surdoses à Vancouver au cours de la semaine précédente.
Il indique que 9 personnes sont mortes à la suite d'une surdose la semaine dernière et que 180 autres ont été sauvées. La semaine précédente, 12 personnes sont mortes, et 200 ont pu être sauvées.
Selon lui, l’annonce de la décriminalisation des drogues simples permettra notamment de s’attaquer à la crise des surdoses qui vise injustement ceux qui vivent dans l'itinérance, qui ont des problèmes de santé mentale, qui sont racisés, qui sont Autochtones
.
Il nous reste cependant beaucoup de travail à faire pour garantir une vie digne aux consommateurs de drogues. Il reste encore, entre autres, à assainir l’approvisionnement en drogues par un approvisionnement réglementé et non contaminé
, conclut-il.