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Le vol annulé d’Andrea Horwath

La campagne tire à sa fin et Doug Ford demeure en tête, mais Andrea Horwath refuse d'abandonner. Récit de 48 heures passées avec la cheffe du NPD.

La cheffe néo-démocrate attend l'avion nolisé qui n'arrivera finalement pas, dans la salle d'attente de l'aérogare privée adjacente à l'aéroport Pearson de Toronto.

La cheffe néo-démocrate attend l'avion nolisé qui n'arrivera finalement pas, dans la salle d'attente de l'aérogare privée adjacente à l'aéroport Pearson de Toronto.

Photo : Radio-Canada / Natasha MacDonald-Dupuis

Samedi, mi-matinée. La lueur bleue de la tablette éclaire son regard studieux. Entourée de ses proches conseillères, Andrea Horwath attend le vol nolisé pour sa virée nord-ontarienne. Une collègue s’approche et les têtes se lèvent d’un coup.

L'appareil a un problème mécanique. Le visage de la cheffe se crispe.

Aw, that’s really, really a shame.

La cheffe néo-démocrate, qui tente depuis 13 ans de devenir première ministre de l’Ontario, s’affaisse momentanément dans son fauteuil. Un autre revers. Elle se ressaisit aussitôt et avale un Timbit au chocolat.

Est-ce trop tôt pour un Nouveau démocratique? demande à la blague celle qui lui a transmis la mauvaise nouvelle. (Le cocktail officieux de la campagne est un gin-tonic à l’orange.)

L’avion cloué au sol, est-ce une métaphore? La doyenne des chefs de la campagne électorale hausse les épaules, résiliente. Un trait de caractère utile pour maintenir le sourire sous le déluge de questions des journalistes sur sa troisième position dans les sondages, sa campagne qui semble faire du surplace et son avenir politique si elle est défaite.

Mme Horwath veut parler de soins dentaires, de la pénurie d’infirmières, de la crise des opioïdes. À la hâte, son équipe s’installe près du tarmac de l’aéroport Pearson pour qu’aient lieu les points de presse prévus à Sault-Sainte-Marie et Thunder Bay. Il faudra se contenter de Zoom.

Andrea Horwath fait un point de presse sur le tarmac d'un aéroport, devant son autobus de campagne.

Le décor était moins enchanteur que prévu, près du tarmac. Nous avons dû nous dépêcher, parce qu'un avion transportant des réfugiés ukrainiens était sur le point d'arriver.

Photo : Radio-Canada

Un peu plus d’une semaine avant, Mme Horwath a eu un autre faux départ pour le Nord de l’Ontario : le matin même elle a eu un résultat positif à la COVID-19. Elle a dû s’isoler pendant plusieurs jours.

C’était incroyablement frustrant, parce que j’avais réussi à éviter la COVID-19 pendant deux ans et demi, et là, ça m’a frappée en plein milieu de la campagne, confie-t-elle. Les deux premiers jours étaient horribles, j’étais clouée au lit.

Avez-vous brisé un miroir, coudonc ? Ma question peu orthodoxe la fait rire.

J’avoue me demander si l’on ne m’a pas jeté un sort, laisse-t-elle tomber.

Plan B : Kitchener

Arrêt-surprise en route vers Windsor, notre nouvelle destination. L’équipe Horwath est certaine de pouvoir y ravir trois circonscriptions remportées de justesse par les progressistes-conservateurs en 2018.

Kitchener-Sud—Hespeler, où le NPD a perdu par moins de 800 voix, Kitchener—Conestoga, le siège détenu par Mike Harris, le fils de l’ancien premier ministre, et Cambridge, le fief de la cofondatrice du Nouveau Parti bleu, Belinda Karahalios. Les néo-démocrates espèrent que la petite formation de droite grugera juste assez de votes à Doug Ford pour leur permettre de s’immiscer.

Les trois candidates néo-démocrates de la région sont des mères de famille. Elles sont donc en bonne posture pour convaincre d'autres mères, l’un des électorats les plus susceptibles de basculer d’un parti à l’autre, me confie avec enthousiasme l’une des conseillères de Mme Horwath.

La cheffe est accueillie par un dance party spontané d’une trentaine de partisans. Une femme, fin quarantaine, l’apostrophe. Son loyer a encore augmenté, son salaire trop peu élevé. Elle a besoin d’aide. Mme Horwath hoche vigoureusement de la tête et lui dit qu’elle se bat pour les gens comme elle.

Mme Horwath discute avec un groupe de femmes de la région de Windsor qui peinent à payer leur loyer.

Mme Horwath discute avec des femmes de la région de Windsor qui peinent à payer leur loyer.

Photo : Radio-Canada / Natasha MacDonald-Dupuis

Les analystes sont unanimes : il sera difficile pour le NPD de l’emporter le 2 juin.

Mais l’équipe Horwath m’assure qu'elle fera mentir les sondages, même si des luttes serrées s'annoncent dans la région de Toronto, où le NPD a raflé des sièges en 2018. Des gains dans 10 autres circonscriptions sont possibles, me disent ses conseillères, par exemple dans Ottawa-Ouest–Nepean et Brantford–Brant.

Lorsque je tente d’en parler avec la cheffe, elle dit laisser la stratégie aux stratèges. Elle ne consulte ni les sondages ni les articles d’opinion. C’est essentiel pour ma santé mentale, dit-elle en toute franchise. Elle ne connaît même pas son itinéraire plus d’un jour à l’avance.

De retour dans l'autocar, Lady Gaga, Kim Mitchell et les Indigo Girls nous accompagnent jusqu’à Windsor.

Moment cocasse en campagne. Le petit-fils d'une candidate du NPD de la région du Niagara prend les rênes de l'autocar.

Moment cocasse en campagne. Le petit-fils d'une candidate du NPD de la région du Niagara prend les rênes de l'autocar.

Photo : Radio-Canada / Natasha MacDonald-Dupuis

Jour 2 : Windsor

Qui m’a laissé cette fleur?, demande Andrea Horwath, plus réveillée que nous, en montant dans l'autocar. Elle brandit une petite clématite violette que les journalistes ont distraitement enjambée quelques secondes plus tôt.

Le soleil plombe sur le royaume de l’automobile et la cheffe s’apprête à multiplier, encore une fois, les annonces en santé. La question dominante, selon elle.

Premier arrêt : Essex. S’il y a une circonscription que Doug Ford veut voler aux néo-démocrates, c’est celle-là. Le député sortant, Taras Natyshak, ne se représente pas. C'est une affaire personnelle : M. Natyshak avait le don d’irriter le premier ministre sortant avec ses attaques ciblées en période de questions.

Mais aussi, une victoire à Essex serait signe que les progressistes-conservateurs auraient gagné le pari de séduire les cols bleus, un peu comme Boris Johnson l’a fait au Royaume-Uni.

Andrea Horwath chaudement accueillie par ses partisans à Essex.

Andrea Horwath chaudement accueillie par ses partisans à Essex.

Photo : Radio-Canada / Natasha MacDonald-Dupuis

Une stratégie de longue haleine, pilotée par le ministre du Travail, Monte McNaughton, qui a lentement courtisé les syndicats de la construction et travaillé à promouvoir et financer la formation de la main-d'œuvre des métiers spécialisés.

Plus récemment, Doug Ford a inondé la région d’investissements. L’ouverture de la première usine de batteries pour véhicules électriques au pays, annoncée en grande pompe tout juste avant la campagne, va créer 2500 emplois d’ici 2024. Ce n'est pas rien.

Doug Ford a ignoré la région jusqu’à tout récemment, rétorque la candidate et députée sortante de Windsor-Ouest, Lisa Gretzky. Elle en sait quelque chose : son conjoint est travailleur à l’usine d'assemblage de Windsor depuis plus de 20 ans.

Quand l’usine menaçait d’éliminer le troisième quart de travail, Doug Ford ne daignait pas répondre aux appels ni aux courriels du président de la section locale 444 d’Unifor. Quand [l’usine d’aluminium] Nemak a décidé de fermer, Doug Ford n’a rien fait. C’est Andrea qui s’est battue pour ces travailleurs à l’Assemblée législative.

Sa cheffe lui donne une petite tape encourageante dans le dos.

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L’après 2 juin

C'est tout ou rien : si Mme Horwath ne gagne pas jeudi soir, difficile de penser qu’elle pourra demeurer à la tête du parti au sein duquel elle évolue depuis les années 1990. J’ai beau lui poser et reposer la question, elle refuse de spéculer sur l’aboutissement de ce qu’elle décrit comme le travail de [sa] vie.

Laissons les Ontariens se prononcer le 2 juin. Je vais continuer de me battre jusqu'au dernier jour. Et lorsque ce jour viendra, j’accepterai le résultat.

Je ne sens aucune déception dans sa voix. De la sérénité, peut-être.

Quelques heures plus tard, l'autocar de campagne se gare devant Queen’s Park, l'arrêt final des journalistes. Un crépuscule sans nuages nous accueille.

L'équipe d'Andrea Horwath nous salue et le véhicule continue son chemin, un éclair orange dans la nuit.

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