Un rapport met en évidence l’ampleur et l’impact des bassins de décantation en Alberta

Le nombre de bassins de décantation a connu une expansion fulgurante, surtout au cours des vingt dernières années, soulignent les auteures du rapport.
Photo : Fournie par Global Forest Watch Canada
Un rapport produit par deux groupes de défense de l'environnement vient jeter une nouvelle lumière sur le développement tentaculaire des bassins de décantation en Alberta ainsi que sur leurs impacts sociaux et environnementaux.
L’étude (Nouvelle fenêtre) (en anglais), intitulée 50 ans de croissance des bassins de décantation. Cartographie des décennies de destruction par les résidus des sables bitumineux est le produit d'une collaboration entre la Société pour la nature et les parcs du Canada (SNAP) et Environmental Defence Canada.
Les co-auteures du rapport, Aliénor Rougeot, responsable du programme climat et énergie pour Environmental Defence et Gillian Chow-Fraser, responsable du programme boréal pour la section régionale albertaine de SNAP, expliquent avoir notamment eu recours à l’imagerie satellite et à des entrevues avec les populations autochtones riveraines pour mener à bien leur travail.
Le résumé du rapport indique d’emblée que des décennies d’exploitation minière dans les sables bitumineux, au nord de la province, ont provoqué des dégâts environnementaux et socioculturels immenses.
Aliénor Rougeot croit que la portée et l’ampleur de ces dégâts sont moins connues du public puisque les industries pétrolières ne disent pas tout.
Le but de ce rapport est [donc] de porter à la connaissance du public canadien de nouvelles informations sur les bassins de rejet dans les sables bitumineux de l’Alberta
, explique-t-elle dans une entrevue avec Radio-Canada.
Extension à ciel ouvert
Selon elle, l’un des premiers enseignements de l’étude est que les bassins de rejet, qui sont d’immenses réservoirs de fluides (déchets) toxiques générés par la production de pétrole
, ont connu une expansion fulgurante au cours des quarante-cinq dernières années.
Ces bassins couvrent [en 2020] une superficie de plus de 300 km2, soit 2,6 fois la taille de [la ville de] Vancouver
, affirme-t-elle, ajoutant que ce rapport montre aussi que les déchets eux-mêmes [...] feraient environ 240 fois [la superficie] du West Edmonton Mall [0,49 km2].
Le rapport souligne aussi à quel point la croissance a été rapide. En prenant par exemple comme repère les vingt dernières années, la taille des bassins a crû de 300 % alors même que les entreprises continuent de dire qu’elles s’intéressent à l’environnement.
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Impacts environnementaux
Les bassins de décantation sont des étangs artificiels construits et utilisés par les sociétés pétrolières pour retenir les résidus des eaux utilisées pour séparer le sable du bitume et produire du pétrole.
Pour produire un baril de pétrole dans les sables bitumineux, il faut de 3 à 4 barils d’eau recueillie d’une rivière. On fait passer ensuite toute cette eau par les sables bitumineux pour en extraire le pétrole. L’eau résiduelle, très toxique, est acheminée vers les bassins
, précise Aliénor Rougeot.
Selon les auteures du rapport, ce procédé, combiné au développement tentaculaire des bassins de décantation, augmente en conséquence les impacts sur la nature environnante, car les eaux récupérées et retenues dans des bassins s’en trouvent contaminées par des métaux lourds et des produits chimiques.
Elles contiennent beaucoup de contaminants et certains composés toxiques et, comparativement aux cours d’eau naturels, elles en contiennent des concentrations plus élevées.
Gillian Chow-Fraser relève aussi le fait que ces fluides peuvent fuir et contaminer les plans d’eau naturels et l'écosystème environnant.
Impacts sur les communautés riveraines
La contamination de la nappe phréatique et des cours d'eau environnants entraînent des conséquences sur la santé humaine, particulièrement celle des populations autochtones qui vivent près des bassins de rétention des résidus souillés.
La plupart des membres de ces communautés que nous avons interrogés ont pointé des changements dans la terre et dans l’eau qu’ils utilisent au point qu’ils se privent d’en consommer
, souligne Gillian Chow-Fraser.
À la lumière de toutes ces informations, le rapport en est arrivé à la conclusion que la production de pétrole au Canada est dévastatrice pour la nature et pour la biodiversité, très dangereuse pour la santé, surtout celle des communautés autochtones locales
, déclare Aliénor Rougeot.
La production de pétrole perpétue en ce sens ce que l’on appelle une injustice environnementale dans la région. Nous avons bien illustré tout cela par de nombreuses cartes, des photos ainsi que par des témoignages de populations autochtones vivant près des bassins.

Les deux auteures ont eu notamment recours à l'imagerie satellite pour prendre la mesure de l'envergure des bassins de décantation ainsi que l'ampleur de leurs conséquences.
Photo : Fournie par Global Forest Watch Canada
La réhabilitation des sites, un leurre
Les auteures du rapport jugent la situation d’autant plus préoccupante que, selon elles, il n’existe à ce jour aucun procédé de réhabilitation des sites contaminés qui fasse l’unanimité au sein de la communauté scientifique.
Légalement, ce sont les industries pétrolières qui doivent s’occuper de la réhabilitation des sites contaminés. Or, remettre en état des kilomètres carrés de terres contaminées est impossible
, croit Aliénor Rougeot.
Selon elle, on entend aussi, souvent, une industrie dire avoir réhabilité un site. Non seulement les populations autochtones avoisinantes ne le considèrent pas comme réhabilité, mais aussi l’espace cité ne représente que 0,1 % [des terres contaminées].
Gillian Chow-Fraser est tout autant pessimiste à ce sujet. L’industrie pétrolière avait l’occasion de montrer qu'elle est capable de réduire les bassins de décantation, mais au lieu de cela et comme le montre notre cartographie, elle a procédé à leur extension, et ce, même en présence de la loi
, dit-elle.
Recommandation urgente
Les auteures du rapport rappellent que les bassins de décantation en Alberta contiennent 1400 milliards de litres d’eau toxique, soit l'équivalent de 560 000 piscines olympiques. Elles recommandent donc de freiner leur expansion.
Selon elles, la décision la plus urgente à prendre à cet effet est d’interdire tout nouveau projet de bassin de décantation et toute extension de projet existant.
Tant qu’on n’aura pas trouvé de solution aux problèmes [environnementaux et sociaux] existants, il ne faudrait pas continuer à en créer d’autres et à exacerber la situation
, tranche Aliénor Rougeot.
Avec des informations de Julien Latraverse