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La saison de rêve des crabiers s’est volatilisée

Des travailleurs sur le quai manipulent des équipements de pêche. En arrière-plan : un bateau.

Le crabe des neiges ne se vend pas aussi bien que prévu et la présence des baleines complique la pêche. (archives)

Photo : Radio-Canada / Bruno Lelièvre

En Gaspésie comme au Nouveau-Brunswick, les prix sont à la baisse et les transformateurs peinent à écouler leurs marchandises.

À Boston, en mars, au Seafood Expo North America, tous les espoirs étaient permis. Le marché était à des niveaux records et Pêches et Océans annonçait de substantielles hausses de quotas.

Mais les consommateurs et les chaînes en ont décidé autrement, commente Bill Sheehan, vice-président de E. Gagnon et Fils de Sainte-Thérèse-de-Gaspé

En Gaspésie comme au Nouveau-Brunswick, les prix, qui étaient d'environ 8,50 $ la livre en début de saison, sont à la baisse et tournent maintenant autour de 6 $. Ils seront réajustés en fin de saison.

Bill Sheehan et le représentant des crabiers traditionnels des Îles-de-la-Madeleine, Paul Boudreau, s’entendent pour dire que ce sont encore de bons prix, mais jugent que la saison est finalement beaucoup plus difficile que l’an dernier.

Principalement pour les usines, relève Paul Boudreau.

M. Boudreau ajoute que les pêcheurs des Îles-de-la-Madeleine sont inquiets. Ça préoccupe beaucoup le monde. Les gens étaient optimistes en début de saison et, probablement, trop optimistes, mais le marché a voulu corriger parce que le prix du crabe était sûrement rendu à un prix trop élevé par rapport à ce que les acheteurs sont prêts à payer pour ce produit.

Des pêcheurs manipulent des casiers de pêche au crabe et du matériel de pêche.

Des pêcheurs de crabe madelinots en pleins préparatifs en vue du début de la saison de pêche au crabe. (Archives)

Photo : Radio-Canada / Luc Manuel Soares

Pour Paul Boudreau, c'est l’inflation qui est d'abord venue jouer les trouble-fêtes.

Le crabe des neiges est surtout vendu aux États-Unis où on le retrouve sur le menu des croisières et des casinos. C’est sûr que les croisiéristes ne peuvent pas nécessairement vendre une croisière 200 $ ou 250 $ de plus du billet parce qu’ils vont servir du crabe à manger au monde. Les gens font des choix et ils prennent des substituts, ce qui fait en sorte que le marché est réduit, illustre M. Boudreau.

Bill Sheehan, qui est aussi président de l'Association québécoise de l'industrie de la Pêche (AQIP), note que plusieurs éléments extérieurs sont venus stopper l’optimisme de l’industrie.

C’est hors de notre contrôle, dit-il, comme le taux de change, comme la guerre en Ukraine, comme les baleines, donc il y a une tonne de facteurs qu’on ne contrôle pas vraiment, mais qui ont un impact direct sur le prix.

Des employés de l'usine E. Gagnon au travail.

Le crabe se vend beaucoup moins bien, selon le vice-président de l'usine E. Gagnon. (Archives)

Photo : Radio-Canada / Martin Toulgoat

Il explique qu’un des éléments qui expliquent la chute des prix est la présence du crabe russe sur le marché américain.

L’an dernier, rapporte Bill Sheehan, les importations russes ont représenté un peu plus de 36 % du marché de 110 millions de livres de crabe. Le président américain, Joe Biden, a décrété un embargo sur ces importations, mais il ne commencera que le 23 juin.

Ce délai occasionne des maux de tête aux transformateurs du golfe puisque les crabiers russes se pressent pour vendre leurs produits avant cette échéance. Chaque prix qu’on met pour le crabe du golfe en vente, le prix du crabe russe, pour s’en départir, est diminué, constate Bill Sheehan.

Du crabe des neiges

Un des éléments qui expliquent la chute des prix est la présence du crabe russe sur le marché américain, selon Bill Sheehan.

Photo : Radio-Canada / CBC

Cette dynamique temporaire crée une spirale à la baisse. Ça a brisé le marché, observe le président de l’AQIP. Quand le marché descend, les acheteurs, à la place de prévoir leurs achats pour les 12 prochains mois, regardent le marché s’effondrer.

Le marché américain est donc stagnant et le crabe du golfe ne s'y vend plus. Dans les usines, ça bouge un peu, mais c’est au compte-gouttes, indique Bill Sheehan. Ce n’est vraiment pas la même situation que les dernières années. C’est difficile à bouger. On doit en avoir vendu la moitié. Les autres années, ça s’était vendu pratiquement à l’avance.

Même son de cloche à l’usine des Fruits de mer de l’Est-du-Québec, à Matane, où le directeur technique, Stéphane Garon, parle d’un marché fermé et de ventes nettement sous les attentes.

Bill Sheehan note par contre que le marché semble se stabiliser.

Une pêche qui se complexifie

Pendant ce temps, sur l’eau, en Gaspésie, la pêche ne va pas aussi bien que prévu. Les crabiers sont sortis en mer beaucoup plus tard qu’ils l’auraient souhaité. Ils ont ensuite perdu des jours de pêche en raison des mauvaises conditions météorologiques.

Les problèmes anticipés par la fermeture de grandes zones de pêche pour protéger les baleines noires des empêtrements les ont rattrapés.

Le beau temps qui a suivi a par la suite facilité le repérage des baleines et plusieurs zones de pêche ont été fermées, rapporte le porte-parole des crabiers, Daniel Desbois. Cinq ou six baleines, dit-il, ont fermé 80 % du golfe.

Daniel Desbois, président de l'Association des crabiers de la Gaspésie.

Daniel Desbois croit que la majorité des crabiers de la Gaspésie ne parviendront pas à pêcher tout leur quota. (Archives)

Photo : Radio-Canada

Le président de l’Association des crabiers gaspésiens estime que les pêcheurs ont ramené à quai un peu moins de 70 % de leurs quotas jusqu’à maintenant.

Les dernières semaines de pêche s’annoncent par contre plus ardues dans la zone 12, où plusieurs zones de pêche sont fermées. Ces fermetures et réouvertures de zones sont un véritable casse-tête.

Au moment de l’entrevue, Daniel Desbois s’apprêtait justement à sortir en mer pour récupérer des casiers. J’ai déménagé des casiers au dernier voyage parce qu’une zone a fermé, raconte-t-il. Là, je vais les chercher parce que ça vient de fermer où je les ai placés. Tu viens de trouver du poisson, tu es en rentrant, et avant que tu arrives au port, l’endroit où tu viens de mettre [les casiers] est fermé. Ça change complètement mon patron de pêche.

De plus, plusieurs pêcheurs vont se retrouver au même endroit à un moment, en fin de saison, où les prises sont généralement moins bonnes.

Daniel Desbois croit que la majorité des pêcheurs ne parviendront pas à pêcher tout leur quota d’ici le 30 juin. Si on atteint 80 % en général, ce sera bien, évalue M. Desbois.

Selon Paul Boudreau, les crabiers des Îles-de-la-Madeleine s’en tirent un peu mieux. Il estime que la plupart des crabiers ont déjà pris les deux tiers de leur quota et qu’ils seront en mesure de capturer ce qui leur a été alloué.

Avec la collaboration d'Alice Proulx

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