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AnalyseTempête parfaite : peut-on éviter une récession? 

Le gouverneur Tiff Macklem entrant dans l'édifice ottavien de la Banque du Canada.

Devant cette crise inflationniste, plusieurs se demandent si les banques centrales seront capables d’intervenir sans provoquer de récession.

Photo : Reuters / Blair Gable

La chute de Walmart et de Target en bourse dans les derniers jours nous fait entrer dans un nouvel épisode de la crise inflationniste qui secoue l’économie. Les consommateurs sont de plus en plus imprévisibles et il est difficile d’imaginer comment les ménages vont réagir aux hausses marquées des taux d’intérêt qui sont à venir. 

Les grands détaillants à escompte profitent généralement d’un ralentissement de l’économie ou d’une inflation élevée. En principe, ces entreprises devraient pouvoir attirer des ménages qui cherchent des prix plus bas et afficher des profits en hausse avec le cours de leur action sur les marchés boursiers qui devraient continuer de progresser.

Cependant, la hausse des salaires, rendue nécessaire par les pressions inflationnistes et la pénurie de main-d'œuvre qui touchent aussi les États-Unis, vient réduire les marges de profits des grandes entreprises. Les coûts des grands détaillants augmentent, d’autant qu’ils sont frappés, eux aussi, par les ralentissements dans les chaînes d’approvisionnement.

Target a ainsi annoncé une chute spectaculaire de son bénéfice net de 52 % à son dernier trimestre, et Walmart a révisé à la baisse ses prévisions pour la prochaine année, prévoyant même un affaiblissement de sa rentabilité dans les prochains mois.

Target a chuté de 25 % mercredi en bourse. Et Walmart a cédé 12 % mardi et 7 % mercredi. D’autres détaillants à escompte, comme Dollar Tree, Dollar General et Costco, ont aussi connu de fortes chutes sur les marchés au cours de la semaine.

Et avec la chute depuis le début de l’année des valeurs technologiques, sensibles à la hausse des taux d’intérêt et au ralentissement de l’économie, le marché new-yorkais a maintenant perdu près de 20 % en 2022. Au Canada, le déclin boursier se limite à 5 % en raison de la hausse des titres énergétiques, galvanisés par des prix du pétrole qui dépassent 100 dollars le baril.

Le pire est-il à venir?

Chez nous, le taux d’inflation s’est élevé à 6,8 % en avril, en hausse d’un dixième de point par rapport au mois de mars, alors que les économistes s’attendaient à ce que l’indice des prix à la consommation plafonne. Les économistes semblent croire maintenant que l’inflation va monter encore davantage dans les prochains mois.

Le pire est probablement encore à venir dans le secteur de l’alimentation, selon Jimmy Jean, économiste en chef de Desjardins, qui était à Zone économie mercredi soir. Les prix des produits en épicerie ont grimpé de 9,7 % en avril 2022 par rapport à avril 2021, et ça pourrait grimper davantage étant donné les fortes augmentations dans les prix à l’importation.

Et puisque les contrats d’achat sont négociés à long terme, il est possible que les hausses se fassent sentir pendant plusieurs mois. Dans les circonstances, Jimmy Jean dit s’attendre à ce que les banques centrales prennent ça peut-être même encore plus au sérieux qu’elles l’ont fait jusqu’à maintenant. Autrement dit : il faudra monter encore plus rapidement les taux d’intérêt pour freiner l’inflation, selon lui.

C’est une situation complètement inédite. On n’a jamais été dans une situation où l'on doit revenir d’une pandémie, où il y a encore des problèmes de logistique, où il y a encore des pays qui sont aux prises avec la pandémie et dans un contexte de guerre. C’est très difficile de faire des prévisions dans un tel environnement.

Les pressions s’additionnent 

Il faut dire que l’économie est secouée de plusieurs façons :

  • la guerre en Ukraine et les sanctions contre la Russie entraînent une réduction ou une attente de réduction de l’approvisionnement en grains, en blé, en céréales, en gaz naturel et en pétrole; l’invasion, qui perdure et qui pourrait durer encore longtemps, crée une forte pression inflationniste;

  • les durs confinements en Chine ralentissent la production et dérèglent encore davantage les chaînes d’approvisionnement, ce qui provoque des retards, des délais, des pénuries, des hausses de prix; la Chine ne fait que commencer à relancer les activités à Shanghai;

  • la croissance demeure forte, malgré les révisions à la baisse des économistes, avec un chômage qui touche des planchers records; les niveaux d’épargne ont cependant baissé et la conjonction d’une inflation galopante avec des taux d’intérêt qui montent rapidement ne peut que ralentir la croissance du PIB.

Pour qui travaillent les banques centrales?

Sachant que l’inflation est alimentée, en grande partie, par un problème d’offre, est-il bien approprié d’augmenter fortement les taux d’intérêt, ce qui va affecter la demande? Selon l’économiste Joelle Leclaire, du Buffalo State College, invitée dans le cadre du balado Question d’intérêt, l’approche des hausses des taux est absolument contre-productive.

Quand on a une bonne demande, qu’on a des gens qui peuvent former des syndicats, qui se mettent ensemble afin de pousser pour des hausses de salaire, et que, d’un coup, on nous dit qu’il faut augmenter les taux d’intérêt, augmenter le taux de chômage, créer une récession, il faut se demander pour qui travaille la banque centrale. 

Pourquoi augmenter les taux d’intérêt? demande Joelle Leclaire. Si on sait que l’inflation vient d’un blocage de la chaîne de production, attaquons les chaînes de production! Si on sait que l’inflation vient d’une augmentation des prix de l’énergie, attaquons la source de l’augmentation des prix de l’énergie ou changeons notre production d’énergie. Ça, ça va réduire l’inflation. Augmenter les taux d’intérêt, c’est jouer avec le feu! Il y a beaucoup de gens qui auront mal!

L’économiste et stratège Martin Lefebvre, de la Banque Nationale, également invité à Question d’intérêt, se demande si les banques centrales seront capables d’intervenir sans provoquer de récession. C’est presque inévitable que, si on augmente les taux d’intérêt, à terme, ça va mener à un ralentissement. Le pari des banques centrales, c’est toujours de dire qu’on va être capable de bien jauger là où il faut s’arrêter. Mais, historiquement, elles n’ont presque jamais été capables de le faire.

Selon lui, dès 2023, les risques de récession vont grimper au Canada et aux États-Unis, compte tenu de la composition complexe de l’inflation et de l’effet des hausses de taux d’intérêt.

La consommation, c’est les deux tiers de l’économie. Déjà, on constate que les niveaux de confiance des ménages sont en baisse au Canada et aux États-Unis. Les profits des entreprises se rétractent. Les dépenses de consommation pourraient faiblir et même baisser. Il semble assez clair que l’enchaînement nous mène vers un ralentissement de l’économie, peut-être une récession.

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