Élections ontariennes : l’écoute d’Andrea Horwath contre le pep de Doug Ford
Il est difficile de ne pas remarquer le contraste entre les arrêts de campagne des deux adversaires politiques.
Chargement de l’image
Le chef progressiste-conservateur, Doug Ford, et la cheffe néo-démocrate, Andrea Horwath
Photo : La Presse canadienne
Leurs personnalités sont aux antipodes, leur style de campagne aussi. Alors que Doug Ford et Andrea Horwath parcourent la province depuis maintenant 16 jours, une tendance se dégage dans leur manière d’interagir avec les électeurs. Si les néo-démocrates privilégient les rencontres intimistes, les progressistes-conservateurs, eux, optent pour des mises en scène tape-à-l'œil pour bâtir leur image de marque.
Vendredi dernier, à la même heure, dans la même région, Andrea Horwath et Doug Ford prenaient la parole pour vendre leur plateforme électorale.
Les événements des deux partis auraient difficilement pu être plus différents. Chez un fabricant de pièces automobiles, le chef du Parti progressiste-conservateur, Doug Ford, tout sourire, saluait plus de 60 travailleurs massés derrière lui dans un décor industriel. Au même moment, la cheffe Nouveau Parti démocratique (NPD) s’installait dans une cour arrière, pour échanger avec quatre aînés.
L’idée a toujours été d’interagir avec les gens. Ça n’a jamais été de faire des discours
, explique Andrea Horwath en entrevue avec Radio-Canada.
Le même décalage se répète depuis le déclenchement de la campagne. Alors que Doug taille de l’acier à Timmins, portant un casque à visière, Andrea prend part à un brunch intime pour la fête des Mères à Ayr. Pendant que Doug visite un chantier à Kitchener, Andrea échange autour d’un café avec des résidents de Paris, en Ontario.
Les arrêts de la caravane néo-démocrate sont certainement plus intimistes. La cheffe rencontre une poignée de citoyens à la fois et les écoute pendant de longues minutes.
« Je puise mon énergie de mes rencontres, alors quand je fais campagne, ça doit tourner autour des gens. »
Lorsque les deux chefs tiennent des points de presse en simultané, le contraste est frappant. J’ai remarqué la différence aussi
, admet un membre de l’équipe d’Andrea Horwath, même s’il juge que les deux approches se justifient.
En fait, le NPD mise sur l’empathie et l’écoute de la cheffe pour marquer des points. Ça fait partie de ses forces, parler aux gens, les écouter
, raconte un de ses collaborateurs.
Autre observation : Andrea Horwath n’a pas encore mis les pieds dans une seule usine, alors que Doug Ford le fait plusieurs fois par semaine. Le NPDvictimes de la COVID-19
.
Pour le politologue Peter Graefe, l’approche simple et modeste des néo-démocrates correspond à un recadrage de la cheffe après 10 ans passés dans l’opposition à Queen’s Park.
« Elle n’est pas toujours en train de critiquer, de montrer du doigt ou de trouver des problèmes. C’est une personne qui est quand même gentille, heureuse. Qui a la capacité d’avoir des discussions faciles avec des gens qu’elle vient de rencontrer », explique le professeur à l’Université McMaster.
« [Andrea Horwath] pourrait être chez nous, pour nous parler autour d’une tasse de café. C’est pour donner cette impression. »
Quant aux visites d’usine et de chantier de Doug Ford, la formule ne date pas d’hier. « Ça me fait beaucoup penser aux annonces de Stephen Harper, qui faisait souvent la même chose. Pour démontrer, avec les gens derrière le chef, qu’il y a quand même des gens qui appuient ce programme », indique Peter Graefe.
L’usine offre aussi l’avantage d’un environnement contrôlé, sur un terrain privé, ce qui permet d’éviter les manifestants qui voudraient s’opposer au message du chef.
À noter qu’Andrea Horwath a tout de même mis la main à la pâte – littéralement – quand elle a préparé des pizzas lors du passage dans une trattoria de Stratford. Elle était aussi en compagnie de quelques travailleurs de la construction lors du dévoilement de son programme pour la rénovation écoénergétique.
Le NPD
a eu quelques moments plus dynamiques, comme l’arrêt à Essex ou son rassemblement à Brampton en compagnie de Jagmeet Singh, mais sa campagne reste somme toute beaucoup plus décontractée.Incursion en territoire conservateur
Depuis le début de la campagne, la caravane du NPD
passe beaucoup de temps dans des circonscriptions bleues. Oxford, Perth-Wellington ou d'autres circonscriptions qui ont été remportées avec des majorités fracassantes par l’équipe de Doug Ford en 2018.Certains de ces sièges sont considérés comme sûrs par les progressistes-conservateurs; peu importe les circonstances, le candidat ou la position du parti dans les sondages, ces circonscriptions resteront bleues. À moins d’un revirement inattendu.
Dans les dernières semaines, la cheffe a surtout concentré ses efforts sur l’expansion, plutôt que la protection des 40 circonscriptions remportées en 2018. Pourquoi alors faire des centaines de kilomètres pour visiter une circonscription où le sort de l’élection est pratiquement déjà scellé?
« C’est important d’avoir des conversations dans les circonscriptions qui n’ont pas penché en notre faveur la dernière fois. »
Pourtant, les sondages semblent indiquer que plusieurs députés néo-démocrates sortants sont vulnérables et pourraient ne pas retourner à Queen’s Park après le 2 juin.
Ils ont d’excellentes campagnes, ils ont prouvé leur crédibilité dans leur circonscription et je suis convaincue qu’ils seront capables de conserver leur siège
, assure la cheffe.
Si la tendance se maintient dans les sondages, il ne serait pas étonnant de voir le NPD
changer sa stratégie et ses itinéraires pour que la cheffe aille prêter main-forte à ses candidats en danger. Les circonscriptions de Brampton et celles de Windsor semblent particulièrement vulnérables face à la machine conservatrice.« Une partie de la stratégie avec ces arrêts-là, c’est de faire une annonce quelconque, relativise Peter Graefe. La capacité de gagner une circonscription est souvent moins importante que le décor qui est offert. » Par exemple, Mme Horwath pourrait décider de visiter un bastion conservateur simplement pour avoir accès à une ferme qui s’y trouve.
Qu’en est-il de Steven Del Duca?
Steven Del Duca a arrêté de porter ses lunettes quelques semaines avant le déclenchement des élections. Une intervention chirurgicale oculaire au laser qu’il considérait depuis longtemps
lui a permis de s’en débarrasser. Au cours des derniers jours, le chef du Parti libéral a aux pieds des baskets blanches, pour une touche décontractée. Nul doute, une opération de restylage est en cours.
Manches roulées, veste sport, Steven Del Duca essaie de se montrer sous un autre jour. Un nouveau chef, pour la « nouvelle équipe libérale » comme il le répète souvent.
Les arrêts de campagne de l’équipe libérale sont aussi plus petits; les libéraux disposent de moins d’argent pour organiser des événements à grand déploiement. Le chef se retrouve la plupart du temps à visiter de petits commerces ou des restaurants. On l’a vu plusieurs fois échanger autour d’un café.