Logement locatif : les grands investisseurs se tournent vers Edmonton
Plus de 3500 logements locatifs sont actuellement en construction au centre-ville.

Le projet The Parks, situé au coin de l'avenue Jasper et de la 108e Rue Nord-Ouest, comptera près de 1000 logements.
Photo : MacLab Developpement Group
Les fonds d’investissement, les compagnies d’assurance et les régimes de retraite sont de plus en plus nombreux à miser sur la construction d’importants complexes résidentiels locatifs à Edmonton. Cet engouement soulève cependant des questions quant à l’accès au logement abordable.
Au coin de l’avenue Jasper et de la 108e Rue Nord-Ouest, une tour d’habitation de 30 étages s’apprête à ouvrir ses portes. Plutôt que d’être vendus sous forme de copropriétés, les 345 logements seront offerts en location par une filiale du groupe IG Gestion de patrimoine.
[Plusieurs] grands investisseurs se sont tournés vers ce genre d’actif au cours des dernières années, et ce, dans plusieurs coins du pays
, explique Paul Chaput, vice-président d'Institutional Property Advisors, une entreprise qui se spécialise dans le développement et la vente de projets résidentiels locatifs.
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Ils voient ça comme un investissement beaucoup moins risqué que l’immobilier commercial, en particulier depuis [le début de] la pandémie
, renchérit Emmett Harfield, propriétaire et partenaire d'Intelligence House, une firme de consultants immobiliers.
Selon ses calculs, le centre-ville d’Edmonton compte une douzaine de projets d’immeubles locatifs de grande envergure actuellement en construction. Ceux-ci compteront 3610 logements au total. Des phases de développement additionnelles pourraient cependant venir s’ajouter, ce qui viendrait faire grandir encore davantage le parc immobilier.
Selon Paul Chaput, l’Alberta intéresse les investisseurs, notamment parce que le prix des terrains y est moins élevé qu’à Vancouver ou Toronto.

Paul Chaput explique que les investisseurs sont notamment attirés par Edmonton par les coûts de construction moins élevés qu'à Toronto ou Vancouver.
Photo : Radio-Canada
La Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) offre également des prêts avec une période d’amortissement pouvant aller jusqu’à 50 ans, ce qui permet de financer plus facilement certains de ces projets de construction.
Emmett Hartfield croit que la hausse des prix du pétrole et un solde migratoire positif avec les autres provinces aideront à soutenir la demande pour le logement en Alberta.
Changement de paradigme
Plusieurs experts décrient, depuis plusieurs années, la financiarisation du secteur immobilier résidentiel. Une part de plus en plus importante du parc immobilier canadien est détenue par de grands investisseurs.
Dans un article paru dans le Journal of Urban Affairs, la professeure adjointe Martine August, de l’Université de Waterloo, affirme que la proportion d’appartements détenus par ces derniers est passée de 0 à 10 % entre 1996 et 2020.
Selon elle, le phénomène entraîne une hausse des loyers et un accès plus difficile au logement abordable.
Paul Chaput admet que les loyers peuvent être élevés dans certains des nouveaux immeubles locatifs récemment construits à Edmonton, mais que ceux-ci permettent une offre plus diversifiée qui répond à la demande du marché.

Le marché immobilier a connu des hausses fulgurantes dans la plupart des grandes villes canadiennes, ces dernières années.
Photo : Radio-Canada
Les gens qui choisissent d’y habiter libèrent des logements que quelqu’un d’autre peut se permettre de louer. Ça ajoute des options et ça permet à des gens avec toutes sortes de revenus de devenir locataires.
Même s’il croit qu’il faut demeurer vigilant face à une potentielle hausse du prix des loyers, le conseiller municipal Andrew Knack est d’avis que les avantages dépassent les inconvénients quand il est question de gros investissements privés dans le logement locatif.
Quand on regarde le pour et le contre, je crois qu’il y a beaucoup plus de positif, parce que ça nous permet de densifier notre ville
, explique-t-il.
Edmonton, qui est l’une des grandes villes canadiennes les plus étendues, s’est fixé des objectifs de densification ambitieux.
Il y a 10 ans, plus de 95 % de notre développement se produisait à l’extérieur de l'Anthony Henday [une autoroute périphérique]. Maintenant, nous sommes à près de 25 % de la croissance qui a lieu dans des quartiers existants
, ajoute-t-il.
Andrew Knack rappelle que ce ne sont pas tous les projets qui sont soutenus par de grands investisseurs institutionnels. À son avis, la présence de plus petits joueurs dans le marché immobilier met, pour l’instant, la capitale à l'abri d’une enflure des prix.
Il croit que davantage d’investissements dans HomeEd, un organisme à but non lucratif détenu par la Ville chargé d’offrir des logements abordables, permettraient de maintenir une saine compétition dans le secteur locatif.
L’inflation menace l’industrie de la construction
L’inflation pourrait cependant venir jouer les trouble-fête. On voit les prix augmenter littéralement de jour en jour
, explique Rohit Gupta, président du groupe Rohit, une entreprise de construction.
Il explique que les prix des matériaux et de la main-d'œuvre ont forcé son entreprise à augmenter les prix de certains de leurs projets de 10 % en seulement six mois.
Plus que l’augmentation rapide, ce sont les ruptures d’inventaire pour certains matériaux et l’imprévisibilité des prix qui causent le plus de problèmes, selon lui. Il ajoute qu'il est de plus en plus difficile de budgéter le prix d’un chantier.

Pour Rohit Gupta, le principal irritant est l'imprévisibilité des hausses de prix.
Photo : Radio-Canada
Certains projets sont maintenant un peu trop risqués à son goût. Mon équipe et moi croyons que l’inflation va commencer à affecter les projets de grande envergure à cause de leur durée et de leur complexité. [Les entreprises] vont peut-être se tourner vers des projets plus courts et plus simples.
On s’attend à un ralentissement des gros projets pendant les 12 prochains mois.
La hausse des taux d’intérêt pourrait également venir freiner l’élan du marché immobilier. Paul Chaput et Emmett Harfield croient cependant que les perspectives à long terme demeurent positives pour l’économie albertaine.