Législatives au Liban : la diaspora a de l’espoir mais ne se fait pas d’illusions

Sabine El Hayek (au centre) vit à Oakville, près de Toronto. Elle est allée voter lors des élections législatives libanaises, la fin de semaine dernière.
Photo : Fournie par Sabine El Hayek
Les Libanais seront appelés aux urnes dimanche pour renouveler les 128 titulaires des sièges de député de la Chambre à l'occasion des élections législatives du pays. Pour une grande partie de la diaspora, ces élections, qui surviennent deux ans après le début d'une crise économique sans précédent au Liban, suscitent l’espoir d’un avenir meilleur pour leur pays, même si beaucoup savent que le changement prendra du temps.
Jad El Tal, 25 ans, montre fièrement son pouce toujours teinté d’encre mauve à la caméra de son ordinateur, preuve qu’il est bien allé voter dimanche dernier.
J’ai eu le privilège de voter
, lance le Torontois.
Les Libanais qui vivent à l'étranger, comme lui, ont été autorisés à voter aux élections législatives de leur pays pour la première fois en 2018.
Jad El Tal pense qu’il est plus important que jamais pour les Libanais de faire entendre leur voix. Il s’agit en effet des premières élections nationales depuis le marasme économique dans lequel a été plongé le Liban, le soulèvement populaire de 2019, la double explosion meurtrière du port de Beyrouth en août 2020 et la pandémie de COVID-19.
J’ai le cœur brisé. [...] Quand je retourne au Liban – et j’ai la chance d’y retourner deux fois par année –, je vois qu’il y a beaucoup de désespoir parmi la population et les jeunes. Il y a beaucoup de mépris. J’espère que cela les poussera à aller voter
, dit-il.
Encouragés par des organisations de la société civile et par des militants libanais de partout dans le monde, plus de 225 000 Libanais vivant à l’étranger se sont d’ailleurs inscrits pour voter aux législatives cette année, soit près de trois fois plus qu’en 2018, selon le groupe de réflexion Arab Reform Initiatives.
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C'est le cas de Sabine El Hayek, une enseignante d’Oakville, près de Toronto, qui est allée voter pour la première fois de sa vie dimanche. Arrivée au Canada il y a quatre ans, elle explique qu’elle a longtemps soutenu un des partis traditionnels du pays. La semaine dernière, elle a cependant décidé d'accorder son vote à un nouveau venu.
Là, l’enjeu est vraiment important. On doit faire quelque chose. On ne peut plus refaire les mêmes erreurs chaque fois [...]. Ça fait des années qu’on vote pour les mêmes personnes et ça ne fonctionne pas
, explique-t-elle.
« On veut voir un État, un État qui se construit. »
Un système difficile à changer
Même s’il espère que la situation politique et économique s’améliore au Liban, Jad El Tal ne se fait pas d’illusions. La révolution, dit-il, ne se fait pas en un jour ni en une seule élection.
Il espère que les nouveaux partis d’opposition réussiront à gagner entre cinq et dix sièges au Parlement, ce qui leur donnerait assez de poids, croit-il, pour leur permettre de construire des coalitions politiques.
J’espère que cela va permettre de créer des fissures dans le système pour que nous puissions avoir un Liban qui représente vraiment la population d’ici 5, 10, 15 ou 20 ans.
Professeure adjointe à la Norman Paterson School of International Affairs à l'Université de Carleton, Lama Mourad partage cet avis.
Le changement politique est possible, mais il est clair que les obstacles auxquels font face les nouveaux acteurs politiques au Liban sont majeurs. Dans le meilleur des scénarios, il y a l’espoir d’avoir quelques nouveaux acteurs au Parlement. Ça ne sera pas un changement immense, mais l’idée consiste à faire comprendre à la classe politique que la population veut du changement
, explique-t-elle.
Quand l’espoir s’effrite
Hamsa Diab Farhat, cofondatrice de la campagne Lebanon Strong mise sur pied à la suite des explosions dans le port de Beyrouth, comprend ses compatriotes qui n'iront pas voter.
C'est très difficile de garder espoir parce que ce sont toujours les mêmes politiciens et les mêmes dirigeants, mais l'espoir est capital
, dit-elle.
Sa belle-sœur, Miriam Farhat, avoue d’ailleurs n'avoir jamais voté dans son pays d’origine.
À chaque scrutin, ils disent qu’ils veulent du changement, mais c’est toujours pareil. [...] Mes parents ont fui la guerre civile et, jusqu’à aujourd’hui, ils ne peuvent pas retourner y vivre. Ils sont âgés et, là-bas, il n’y a pas d’électricité. Gagner sa vie est difficile
, explique-t-elle.
Certaines personnes sont tellement fatiguées de tout cela et de la politique qu’ils ne veulent plus [aller voter]. Le message que je leur envoie est : s’il vous plaît, allez voter, parce que c'est important
, dit pour sa part Jad El Tal.