73 postes de résidents boudés en médecine familiale au Québec
Le Dr Mathieu Pelletier, directeur médical adjoint du GMF-U du Nord de Lanaudière, estime que le manque de popularité de la médecine familiale pourrait avoir des répercussions pendant des années.
Photo : Radio-Canada / Davide Gentile
Bien des étudiants en médecine au Québec préfèrent les spécialités à la médecine familiale. Des centaines de postes de résidents n’ont pas été pourvus depuis 10 ans.
Selon des données obtenues par Radio-Canada, 73 postes de résidents en médecine familiale n’ont pas été pourvus dans les facultés de médecine québécoises cette année, soit la majeure partie des 99 places vacantes à travers le Canada. Des postes situés surtout en région.
L’an dernier, un record de 75 postes n’avaient pas été pourvus au Québec. On en compte des centaines au total depuis une décennie.
À 1000 patients en moyenne par médecin de famille, le problème se révèle incontournable quand les manchettes font état de près d’un million de Québécois sans médecin de famille.
« Je vais avoir ma clientèle à moi »
Dans quelques semaines, Marjorie Gagné terminera sa résidence en médecine familiale après deux ans de formation clinique dans un GMF de la région de Lanaudière.
Éventuellement, comme patronne, je vais avoir ma clientèle à moi, et c’est vraiment cette possibilité-là d’avoir des gens qu’on suit, qu’on connaît par coeur, qui m’a intéressée
, explique cette étudiante originaire de Rivière-du-Loup.
La médecine familiale n’était cependant pas son premier choix au début de ses études en médecine. Un projet de recherche avorté dans une spécialité l’a amenée à réorienter sa carrière vers la médecine familiale.
Il y a un peu une culture médicale qui semble tendre vers le fait que c’est beaucoup moins glamour d’aller vers la médecine de famille que d’aller en spécialité
, constate aujourd’hui Marjorie Gagné.
« On entend souvent des phrases comme : "Je vais juste être médecin de famille", ce qui est un peu dommage pour notre profession. »
Le médecin et directeur médical adjoint du GMF-U du Nord de Lanaudière, le Dr Mathieu Pelletier, est bien au fait de cette culture, pour l’avoir constatée lors de ses études dans les années 2000.
Aujourd’hui professeur titulaire au Département de médecine familiale de l’Université Laval, il regrette que la profession souffre d’un manque de popularité.
L’an passé, 3 places de résidents sur 12 n’ont pas été comblées au GMF
, cite-t-il en exemple.
« C’est une tendance qu'on voit dans le Québec au complet, et ça va avoir des impacts sur des années si on ne réagit pas dès maintenant. »

Il ne faudra pas compter sur une augmentation du nombre d'étudiants en médecine pour améliorer l'accès à un médecin de famille au Québec. Un reportage de Davide Gentile.
Des efforts pour développer les milieux de stage
Porte-parole des quatre facultés de médecine au Québec, le doyen de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, le Dr Patrick Cossette, rappelle que le nombre d’admis à la résidence de médecine de famille a presque doublé en 15 ans
.
Par courriel, il précise que les places restées vacantes sont principalement hors des grands centres urbains [...] et qu’un bon nombre de facteurs qui rendent une profession attrayante ne dépendent pas des facultés de médecine
.
Nous avons ouvert plusieurs campus délocalisés depuis près de 20 ans pour attirer et former les étudiantes et étudiants en région au premier cycle [...] et nous poursuivons les efforts pour développer de nouveaux milieux de stage [GMF-U] dans toutes les régions du Québec pour y accueillir toujours plus de résidents en médecine de famille dans les années à venir
, poursuit le Dr Cossette.
Selon la présidente de la Fédération des médecins résidents du Québec, la Dre Jessica Ruel-Laliberté, ça reste une préoccupation, à la Fédération, de s’assurer qu’il y ait un intérêt et qu’on puisse valoriser la médecine familiale au Québec
.
Compte tenu du contexte politique des derniers mois, je vous dirais que, pour nous, le grand message, c’est qu’on voit un lien direct entre des propos qui sont tenus par le gouvernement qui fait du "doctor bashing" puis le fait que des étudiants, par la suite, voient la médecine familiale comme moins attrayante que d’autres spécialités
, ajoute-t-elle.