CISSS de la Gaspésie : un manque de transparence dans l’embauche des cadres

Le bureau du VGQ a lancé son audit en avril dernier. Son rapport est le résultat d'un an d'investigations dans la gestion du CISSS de la Gaspésie.
Photo : Radio-Canada / Roxanne Langlois
Ayant récemment fait face à des allégations de népotisme, le Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de la Gaspésie manque bel et bien de rigueur et de transparence dans le processus d'embauche de ses cadres. C'est l'un des constats que dresse la vérificatrice générale Guylaine Leclerc à la suite d'un audit lancé il y a un an.
On a identifié plusieurs problèmes graves de gestion, que ce soit au niveau de l'embauche des cadres, de la gestion contractuelle, et de la gouvernance du conseil d'administration
, résume la vérificatrice générale en point de presse.
Le Vérificateur général du Québec (VGQ) a rendu public son rapport, mercredi matin, à l'Assemblée nationale du Québec. Il fait notamment état du fait que le processus menant à l'embauche des cadres ne permettrait pas au réseau régional de la santé d’assurer un traitement équitable des candidats.
Les processus d'embauche pour 48 postes de cadres ont été analysés sur la période de trois ans visée par les travaux, soit de 2018 à 2021. Tandis que certains candidats non qualifiés ont été convoqués en entrevue, d'autres répondant aux exigences ne l'ont pas été.
La vérification du respect des exigences n’ayant pas été effectuée de manière rigoureuse, certains candidats n’ont pas été traités avec équité.
D'ailleurs, un processus d'embauche examiné semble avoir été réalisé pour sélectionner un candidat en particulier
. Il s'agit d'un cadre en place de façon intérimaire qui fait partie de la famille proche d’un cadre supérieur du CISSS
.

Le rapport de la vérificatrice général fait état de cinq constats sur la gestion du CISSS de la Gaspésie et propose cinq recommandations, dont celle de revoir le processus d'embauche des cadres.
Photo : Radio-Canada / Roxanne Langlois
Guylaine Leclerc précise cependant que les lacunes constatées dans les processus d'embauche concernent seulement les cadres, et non les syndiqués.
Au niveau du contrôle, il y avait franchement des déficiences. Et ça commence par la tête
, avance la vérificatrice générale. Elle rappelle que les cadres et les membres du conseil d'administration doivent être embauchés pour leurs compétences afin de jouer leur rôle adéquatement.
Parmi les cinq recommandations qu'elle adresse à l'organisation, le VGQ conseille d'ailleurs à l'organisation de revoir le processus d’embauche de ses cadres.
L'an dernier, une administratrice du CISSS gaspésien, Ann Béland, avait démissionné en déplorant le manque de transparence du réseau régional de santé.
Son départ est survenu alors que des allégations de népotisme avaient refait surface en raison d’une lettre anonyme faisant état de liens familiaux entre la présidente-directrice générale du CISSS, Chantal Duguay, et certains employés. Ces allégations avait été dénoncées par le député de Bonaventure, Sylvain Roy.
Des contrats de gré à gré
Un manque de rigueur dans la gestion des contrats du réseau de la santé gaspésien est aussi constaté par Guylaine Leclerc. Son rapport indique que ceux-ci ne seraient pas toujours octroyés à l'intérieur du cadre légal.

Le rapport fait état de l'octroi de contrats hors des règles légales.
Photo : Radio-Canada / Roxanne Langlois
Au total, 35 contrats octroyés à 24 fournisseurs ont été analysés. Parmi ces contrats, 16 auraient dû avoir été conclus par appel d'offres, mais la moitié ne l'ont pas été. Huit contrats ont été accordés de gré à gré même si les motifs justifiant le choix de cette manière de procéder étaient absents, insuffisants ou discutables
.
Dans certains cas, aucun contrat en bonne et due forme n’a été signé par les deux parties.
Le document indique également que les dépenses relatives aux contrats ne font pas l’objet d’un suivi adéquat
.
Climat de travail
Après avoir rencontré une trentaine d'employés, le VGQ conclut également que des enjeux liés au climat de travail
sont particulièrement présents sur le territoire de la Baie-des-Chaleurs.
Bien que les entrevues effectuées ne nous permettent pas de dresser un portrait complet de la situation, elles nous ont permis de dégager certains problèmes (ex. : sentiment d’inconfort, manque de civilité dans les communications, incompréhension à l’égard de certaines décisions).
D'ailleurs, le rapport dénote que le nombre de cadres ayant quitté leur emploi pour des motifs autres que la retraite
durant la période visée par l'analyse représente environ la moitié de tous ceux compilés sur le territoire du CISSS de la Gaspésie.

L'hôpital de Maria est le principal établissement de santé dans la Baie-des-Chaleurs. Au total, environ 3600 personnes travaillent au sein de 47 institutions réparties aux quatre coins de la Gaspésie (archives).
Photo : Radio-Canada / Isabelle Larose
La vérificatrice générale dresse également d'autres constats. Elle indique notamment que le conseil d'administration du CISSS gaspésien ne respecterait pas certaines règles de fonctionnement. De plus, les bonnes pratiques en matière de gouvernance ne seraient pas toujours appliquées, peut-on lire dans le document.
Enfin, de nombreux dossiers au CISSS de la Gaspésie sont encore en format papier et certains d’entre eux ne sont pas bien protégés.
L'audit portant sur le réseau gaspésien est le premier audit de performance réalisé par le VGQ depuis la création des CISSS et des CIUSSS, en 2015.
Un processus enclenché en mai 2021
Le processus d'audit a été déclenché à la suite du dépôt, par le député de Bonaventure, d’un volumineux dossier au ministère de la Santé et des Services Sociaux (MSSS), puis à la vérificatrice générale.
Selon ce que Sylvain Roy a indiqué à cette époque, des allégations de trafic d’influence, de falsification de données, d’ingérence à la DPJ, d’intimidation et de destruction de documents
lui avaient été rapportées par des témoins.

Le député de Bonaventure, Sylvain Roy, siège depuis juin 2021 comme indépendant à l'Assemblée nationale (archives).
Photo : Radio-Canada / Roxanne Langlois
L’élu gaspésien avait d’ailleurs demandé à ce que les dirigeants de l’organisation régionale soient démis de leurs fonctions le temps que l’audit soit complété par le VGQ.
La PDG du CISSS, Chantal Duguay, a annoncé qu'elle ne solliciterait pas de nouveau mandat à la fin de son contrat, le 31 mars 2022. Faute de successeur, elle est néanmoins demeurée en poste depuis.
Le CISSS de la Gaspésie confirme que le processus de sélection pour son poste est toujours en cours. Un deuxième affichage s'est conclu le 18 mars dernier.