Visiter l’épave du Scotsman comme un archéologue subaquatique

Les vestiges du navire ont été découverts en 2002 à 30 mètres de profondeur.
Photo : IRHMAS
Une réplique numérique tridimensionnelle de l’épave du Scotsman, un grand voilier marchand qui a sombré dans le fleuve Saint-Laurent il y a 175 ans, a été créée grâce au travail d’une équipe multidisciplinaire basé sur l'expérience subaquatique d'un groupe d'archéologues québécois associés au projet Odyssée Voir la mer.
Propriété d’une riche famille écossaise de Montréal, le Scotsman quitte la métropole canadienne de l’époque le 20 novembre 1846 en direction de Liverpool, au Royaume-Uni. Le lendemain, près de l'île du Bic, il heurte des récifs pendant une tempête et coule rapidement, emportant dans la mort huit des neuf membres de l'équipage.
Le Service hydrographique du Canada a découvert les vestiges du navire en 2002 à 30 mètres de profondeur. Toutefois, ce n’est qu’en 2015 qu’ils ont été formellement associés au Scotsman.
L’épave du Scotsman, un voilier de bois recouvert de plaques de cuivre de 25 m de long sur 6 m de large, est très bien conservée, protégée par la noirceur et les eaux glaciales du fleuve.
Pour un archéologue subaquatique, c'est une pièce de collection. C'est l’un des derniers témoins de la grande navigation à voile
, affirme Vincent Delmas, de l’Institut de recherche en histoire maritime et archéologie subaquatique (IRHMAS ).
« C’est au même moment où Montréal se développe et où les bateaux à vapeur commencent à prédominer. Mais il reste quelques navires [à voile] comme celui-là un petit peu partout dans le monde qui continuent de faire des traversées transatlantiques. »
Un groupe d'archéologues de l’IRHMAS
a visité le Scotsman à trois reprises depuis 2018 en documentant tout ce qu'ils ont découvert.Les images et vidéos recueillies ont permis aux spécialistes du Centre de développement et de recherche en intelligence numérique (CDRIN
) de reconstituer de larges portions de l'extérieur du navire. Ce travail technique et des recherches historiques ont permis de créer un modèle 3D et d’offrir une deuxième vie au bateau.
Modélisation de l'épave du Scotsman
Photo : CDRIN
Une immersion sous-marine
On veut mettre les gens dans les souliers des archéologues subaquatiques
, explique M. Delmas. L'intelligence artificielle et les techniques 3D permettent aujourd'hui de reproduire les conditions dans lesquelles travaillent les archéologues, à trente mètres de profondeur.
Une fois programmé, le casque de réalité virtuelle va simuler l'univers sous-marin de l'épave, incluant la faune aquatique
, ajoute M. Delmas. Notons qu’une quarantaine d’espèces animales colonisent aujourd’hui le bateau.
Quatre utilisateurs pourront explorer le Scotsman en même temps lors d’une expérience muséale qui se veut multisensorielle et immersive. Une des manettes servira de lampe portative, l'autre de plan détaillé de l'épave
, note Vincent Delmas.
« Les familles vont se trouver dans une salle de plusieurs mètres carrés. Elles vont pouvoir déambuler sur le site en marchant autour des vestiges en regardant avec leur lampe de poche. »
Un archéologue virtuel accompagnera les apprentis plongeurs et commentera ce qui apparaît devant eux.
« On veut que les gens cherchent et soient en contact avec les vestiges. Qu’ils se rendent compte que l’exploration n’est pas facile, qu'il y a du plancton dans ta face, que tu ne vois rien. »
Moderniser l’archéologie
Pour Jean-François Malouin, président de Super Splendide qui a participé à la création du modèle virtuel 3D avec CDRIN
, l’expérience permettra aux visiteurs de se placer dans la peau des archéologues.On n’a pas voulu faire quelque chose de didactique, ou de verbeux. Ça va inciter des gens à regarder, à se tourner vers la science et l’archéologie. Ils vont se rendre compte que la science, c'est presque une aventure d’Indiana Jones
, se réjouit Jean-François Malouin..
Le Scotsman virtuel devrait être intégré à l'exposition du Musée maritime du Québec, à L'Islet, dans Chaudière-Appalaches, d'ici quelques mois. Il pourra aussi être offert au réseau de bibliothèques du Québec.