Quel est le revenu minimum pour vivre adéquatement à Sherbrooke?

Le revenu viable est évalué à environ 26 000 $ pour une personne seule à Sherbrooke.
Photo : iStock / Ozkan Ongel
Environ 26 000 $, c'est le revenu net nécessaire pour une personne seule afin de « vivre dignement et hors pauvreté » à Sherbrooke, selon l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques (IRIS). L'institut voulait ainsi démontrer le montant nécessaire après impôts et transferts pour vivre adéquatement dans sept villes du Québec, dont Sherbrooke.
Pour une famille incluant deux adultes et deux enfants d'âge préscolaire, ce revenu est établi à 62 131 $.
Le revenu viable calculé par l'IRISune certaine marge de manoeuvre pour faire face à des imprévus, ainsi que des dépenses comme des restaurants ou des vacances en dehors de la maison
, souligne la chercheuse Julia Posca.
Il diffère du seuil de la pauvreté, qui lui, est 30 % plus bas que le revenu viable
, affirme-t-elle. On considère qu'il y a environ une personne sur cinq au Québec qui est en dessous du niveau viable.
« On a développé l'indice du revenu viable pour avoir une meilleure idée de ce que ça prend comme revenu, non seulement pour couvrir ses besoins de base, mais pour se sortir de la pauvreté. »
Des données sous-estimées par rapport à l'inflation
Le revenu viable considère que les gens sont locataires, et qu'ils n'utilisent pas de voiture. Dans son calcul, l'IRIS
estime que le coût mensuel du loyer à Sherbrooke, pour une personne seule, s'élève à moins de 600 $ par mois. L'institut a également inclus des dépenses de 72 $ par mois pour des sorties au restaurant ou des activités, et 86 $ par mois pour le chauffage et l'électricité. Pour un couple avec deux enfants en garderie, le loyer est évalué à 868 $ par mois, et l'ensemble des nécessités (téléphone, internet, soins d'hygiène, vacances, etc.) à 1224 $ par mois.La chercheuse admet toutefois que les chiffres utilisés pour déterminer ce niveau minimal sont probablement sous-estimés. Les données ont été récoltées au début de l'année 2022, avant que l'inflation ne frappe les Canadiens de plein fouet.
C'est la première année qu'on est confronté à l'inflation
, soutient-elle.
Elle estime que ces données démontrent cependant le faible équilibre pour conserver un revenu décent, qu'une poussée inflationniste peut complètement faire basculer. La hausse du prix de l'essence, entre autres, frappe fortement les ménages dépendant d'une voiture. À Sept-Îles, d'ailleurs, où le transport en commun n'est pas accessible, le revenu viable est évalué à 8000 $ de plus qu'à Sherbrooke.
Ce qu'on réalise, c'est que dans les régions et les villes où le transport en commun est peu développé, les ménages doivent avoir une voiture et cela exerce une pression importante à la hausse sur leurs dépenses
, explique-t-elle. Il faudra faire attention à l'effet de l'inflation des ménages au bas de l'échelle.
« Ça reste un niveau minimal qu'on établit. Il n'y a pas de luxe qui est possible avec un tel niveau et en contexte inflationniste, ça monte la sensibilité qu'ont les ménages à la hausse des dépenses. »
Ajuster les salaires et les aides gouvernementales
La chercheuse croit que la volatilité du prix de l'essence et l'impact sur le portefeuille devraient influencer les élus à investir davantage dans le transport en commun, autant pour des considérations financières qu'environnementales.
Mais d'abord et avant tout, elle souligne que ces données démontrent l'importance d'ajuster les programmes gouvernementaux au coût de l'inflation. L'IRIS
recommande aussi que le gouvernement prenne en considération les données concernant le revenu viable pour ajuster ses aides aux personnes bénéficiant de l'aide sociale, de la pension de la Sécurité de la vieillesse ou du Supplément de revenu garanti, qui ne suivent pas le coût de la vie. De plus, pour le moment, le salaire minimum au Québec est de 14,25 $ l'heure alors qu'il devrait être au moins 18 $ l'heure pour atteindre le revenu viable.Année après année, ce qu'on constate, c'est que le revenu minimum permet uniquement de couvrir les besoins de base. Ça veut dire qu'on a des milliers et des milliers de travailleurs qui sont considérés comme pauvres
, affirme Julia Posca.
Tout comme Julia Posca, la directrice générale de Moisson Estrie est d'avis que la hausse du salaire minimum à 14,25 $ au Québec est insuffisante pour garantir aux citoyens une vie s'éloigne un tant soit peu du seuil de la pauvreté.
L'organisme confirme qu'il reçoit quotidiennement des citoyens qui vivent sous le seuil de la pauvreté, et qui sont prisonniers de leur propre situation socioéconomique.
Tout ce qui concerne le revenu d'appoint pour personne en difficulté est au-dessous du seuil minimal pour combler des besoins de base. Actuellement, une personne apte à l'emploi qui est sur l'aide sociale reçoit environ 681 $ par mois, ce qui équivaut à 8000 $ par année au total. [...] Malheureusement, un revenu minimal comme ça te permet difficilement d'avoir les outils nécessaires pour prendre des actions pour trouver un emploi
, indique la directrice générale, Geneviève Côté.
« On tombe facilement dans un cercle de besoins ou de pauvreté. »
Geneviève Côté croit que l'accessibilité aux différents services pour les personnes plus démunies doit être améliorée, pour régler en partie le problème.
Il y a aussi plein d'actions que l'on peut faire comme citoyens, il y a de belles initiatives qui sont faites dans chaque communauté. [...] Plus l'aide sera là, mieux ce sera et plus la prévention sera là, plus les résultats y seront.