Mena’Sen : la Fédération régionale des OSBL d’habitation demande une enquête de Québec

La vente du Faubourg Mena'Sen soulève de nombreuses questions.
Photo : Radio-Canada / Thomas Deshaies
La Fédération régionale des organismes sans but lucratif (OSBL) d'habitation Estrie-Montérégie demande à Québec d'enquêter sur la vente du Faubourg Mena'Sen, à Sherbrooke, qui est passé des mains d'un OSBL à celles d'une entreprise privée au coût de 18 millions $.
La présidente de la Fédération et directrice des Habitations l'Équerre de Sherbrooke, Denise Godbout, a interpellé la ministre de l'Habitation, Andrée Laforest, dans ce dossier. La Fédération veut savoir qui a empoché les 18 millions $ pour l'immeuble de 170 logements. Une question que se sont d'ailleurs également posée les élus de Sherbrooke mardi lors d'une séance du conseil municipal.
On n'a pas d'information, déplore Denis Godbout. Ce qu'on sait, c'est que le 1er mars, une demande de lettre patente supplémentaire a été déposée au Registre des entreprises et ils ont changé de nom pour l'Orientation éphémère. Éphémère oui, puisque le 4 avril, la compagnie s'est dissoute. Aussi, le 1er mars, ils ont demandé que la clause, qui prévoit qu'en cas de dissolution de la compagnie, tous les biens qui restent soient distribués à une personne ou plusieurs personnes morales qui suivent des objectifs similaires, soit annulée.
Le 4 avril, il y a une déclaration de dissolution et la compagnie déclare qu'elle s'est départie de ses biens et qu'elle a divisé ses actifs proportionnellement entre ses membres. Mais on ne sait pas qui sont ses membres
, ajoute-t-elle.
« Il y a des questions à poser aux administrateurs. Qu'est-ce qu'ils ont fait avec les 18 millions? Qu'est-ce qu'ils veulent faire? On n'a pas de réponse. Ce qu'on nous dit, c'est qu'ils n'ont rien à nous dire. »
La mairesse de Sherbrooke, Évelyne Beaudin, soutient pour sa part que la Ville a tenté d'avoir des réponses. Là aussi, les élus se sont heurtés à un mur.
Pourquoi décider de vendre? Pourquoi cesser la mission de logement abordable de l'OBNL? Et où est rendu le 18 M$ de la transaction?
s'interroge la mairesse de Sherbrooke.
« Quand on a posé des questions sur ce qui est arrivé de l'argent, et à quoi allait servir l'argent de la transaction, on nous a dit grosso modo de nous mêler de nos affaires. »
Une loi pour empêcher des ventes similaires
Pour le moment, Denise Godbout souligne qu'elle n'a toujours pas reçu de réponse de la ministre. Mais elle espère que celle-ci pourra aussi intervenir dans le dossier pour éviter d'autres ventes similaires. On demande également à la ministre de passer une loi rapide pour que d'autres OBNL ne soient pas vendus dans le privé. Il existe déjà une loi avec les coopératives qui a été adoptée en 2015. Cela sera simple et relativement rapide de passer une loi.
Elle-même affirme être contactée fréquemment par des acheteurs potentiels. Elle souligne que le conseil d'administration a refusé toutes les offres. On se fait solliciter très souvent. Le privé est très agressif. Il appelle, il rappelle. Il faut faire quelque chose rapidement.
Denise Godbout ne prête pas de mauvaises intentions aux nouveaux propriétaires, mais déplore la grande opacité du dossier, d'où la nécessité de cette enquête. Elle affirme d'ailleurs que des résidents ont entendu parler de certaines augmentations pour l'an prochain. Elle soutient qu'ils sont en panique, et ont très peur pour l'accessibilité de leur logement
. Les nouveaux vendeurs ont peut-être de bonnes intentions, mais elles n'ont pas été communiquées.
Le Parti québécois espère une annulation de la vente
La députée de Gaspé et porte-parole en matière d'habitation pour le Parti québécois, Méganne Perry Mélançon, affirme qu'en Commission parlementaire, elle a obtenu un engagement du ministre des Finances Éric Girard qu'une législation sera apportée pour avoir des mécanismes de protection pour les OBNL d'habitation
.
Il faudra voir si cela sera légiféré et si cela aura un impact sur les derniers cas de figure qu'on a eus, dont celui de Sherbrooke
, explique la députée de Gaspé.
Méganne Perry Mélançon espère même que la transaction puisse être renversée. Il faudra vérifier quelles sont nos avenues possibles au niveau légal, parce que la Loi sur les compagnies devra être modifiée.
Interpellé par Radio-Canada, le ministère des Finances n'a pas voulu accorder d'entrevue, mais a souligné que la situation et les faits rapportés nous préoccupent, et que si une enquête est nécessaire pour faire la lumière, nous n'hésiterons pas à aller de l'avant.
Pour le moment, nous devons compléter notre analyse, notamment des moyens à notre disposition pour intervenir, mais chose certaine, nous prenons la situation au sérieux.
Deux administrateurs responsables de la vente du Faubourg Mena'Sen à qui Radio-Canada a parlé n'ont pas voulu fournir d'explications sur l'utilisation des fonds. L'un d'eux, Serge Dubois, accordera une entrevue sous peu.
Avec les informations de Thomas Deshaies