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Le Parti conservateur demande à ses députés de se taire sur l’avortement

En pleine tempête sur l’arrêt Roe c. Wade aux États-Unis, les députés conservateurs à Ottawa sont appelés à rester discrets.

Candice Bergen, debout, à la Chambre des communes.

La directive est venue du bureau de la cheffe par intérim, Candice Bergen.

Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld

Quelques heures seulement après des révélations explosives aux États-Unis sur l’avenir de l’accès à l’avortement, le Parti conservateur du Canada (PCC) a envoyé une directive claire à ses élus.

Les conservateurs ne commenteront pas la fuite de l’avant-projet d’une décision par la Cour suprême des États-Unis, peut-on lire dans la missive acheminée aux députés conservateurs et à leur personnel – un courriel d'abord publié par le Globe and Mail et obtenu par Radio-Canada.

Lundi, le site américain Politico a dévoilé l’avant-projet d'une décision majoritaire rédigée par le juge conservateur Samuel Alito qui qualifie d’infondé l’arrêt Roe c. Wade. Si cette conclusion est effectivement retenue, la Cour suprême des États-Unis pourrait annuler le droit à l’avortement dans le pays.

Cette consigne de ne pas commenter est la preuve que ce parti n’est pas capable de s’assumer dans ses positions et qu’il ne fait pas confiance à ses propres députés, indique une source conservatrice influente au sein de l’organisation.

La direction du parti est consciente que c’est un enjeu problématique qui crée des tensions à l’interne, poursuit-elle, et veut éviter des tiraillements comme la formation politique en a connu sous le leadership d’Erin O’Toole.

La décision d’envoyer cette note vient directement du bureau de la cheffe intérimaire Candice Bergen, selon une autre source conservatrice de l’ouest du pays. [Mme Bergen] voit son rôle comme [quelqu'un qui] doit protéger l'image de marque du parti jusqu'à l'arrivée du prochain leader, et elle veut éviter les enjeux qui polarisent, explique ce conservateur.

Il ajoute que, d'après lui, le dossier est épineux pour Candice Bergen, puisque la population de sa circonscription est très religieuse et socialement conservatrice. Son réflexe, c'est d'éviter ces enjeux autant que possible, avance cette source.

Par voie de communiqué, la principale intéressée a bel et bien indiqué qu’il n’était pas approprié de commenter des enjeux qui sont devant la Cour suprême américaine.

Elle a également affirmé que l’accès à l’avortement n’avait pas été restreint sous le gouvernement de Stephen Harper et que le Parti conservateur n’allait pas déposer de législation ou rouvrir le débat sur l’avortement.

Au printemps 2021, une députée du PCC, Cathay Waganthall, avait toutefois présenté un projet de loi privé pour tenter d'interdire les avortements sexo-sélectifs. Une majorité du caucus conservateur avait voté en faveur de la législation, dont Candice Bergen.

Un enjeu aux États-Unis, pas au Canada?

Gérard Deltell avant une réunion du caucus conservateur en février dernier.

Le député conservateur Gérard Deltell

Photo : The Canadian Press / PATRICK DOYLE

Comme Mme Bergen, plusieurs membres du parti estiment qu’il est prématuré de se prononcer sur une fuite de documents, dans un dossier qui concerne les États-Unis et non le Canada.

« C’est un enjeu américain qui touche les Américains, le Canada n'a rien à voir là-dedans. »

— Une citation de  Gérard Deltell, député conservateur de Louis-Saint-Laurent

Au bout du fil, un autre député québécois, qui préfère garder l'anonymat, renchérit : Le dossier est réglé au Canada et ce qui se passe aux États-Unis ne concerne qu'eux.

Mais sur la colline du Parlement mercredi à Ottawa, un élu conservateur a offert une opinion différente, choisissant du même coup d'ignorer la consigne envoyée par le bureau de Candice Bergen. Le débat n'a jamais été clos, a lancé le député albertain de Peace River-Westlock, Arnold Viersen, aux journalistes sur place.

« Je me vois comme un défenseur des droits de la personne et les droits débutent à la conception. J'espère pouvoir me battre pour les enfants à naître au Canada. »

— Une citation de  Arnold Viersen, député conservateur de Peace River-Westlock

Une prise de position bien distincte de celle de l'élue conservatrice ontarienne Melissa Lantsman qui pense que les femmes doivent être protégées et que leurs droits doivent être défendus.

Des candidats à la chefferie divisés

La députée Leslyn Lewis met son masque sur ses oreilles, alors qu'elle sort de la rencontre du caucus conservateur.

La députée Leslyn Lewis se présente comme « pro-vie ».

Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld

La question de l'avortement pourrait également rebondir lors du premier débat du PCC, organisé jeudi par le groupe Canada Strong & Free. La députée Leslyn Lewis, qui se présente pour une deuxième fois à la tête du parti, est connue pour ses positions anti-avortement.

Sur la controverse entourant Roe c. Wade, elle a tout de même choisi de rester silencieuse. Mme Lewis ne commentera pas la fuite de documents de la Cour suprême américaine, car il ne s’agit pas d’une décision finale, a indiqué son porte-parole par écrit.

De son côté, l’équipe de Jean Charest explique que celui-ci est pro-choix. Il ne s’opposerait pas à ce que des députés déposent des projets de loi d’initiative personnelle sur la question, mais un gouvernement sous son leadership ne présentera ni n'appuiera jamais une législation sur les droits reproductifs, précise-t-on.

Quant à Patrick Brown, il affirme que l’avortement au Canada devrait être légal, sécuritaire et, à mon avis, rare. Il ajoute qu’il va toujours défendre le droit des femmes de prendre leurs propres décisions concernant leur santé reproductive.

Pour sa part, l’équipe de Pierre Poilievre a fait une courte déclaration dans laquelle elle affirme qu' un gouvernement Poilievre ne proposera ni n'appuiera aucune législation restreignant l'avortement de quelque manière que ce soit.

En 2021, M. Poilievre avait voté contre le projet de loi privé de Cathay Waganthall, qui visait à rouvrir le débat sur l'avortement au pays.

Libéraux et bloquistes à l'attaque

Des militants pro-choix manifestant devant la Cour suprême.

« Anti-avortement = anti-femmes », peut-on lire sur une pancarte, et « Les catholiques appuient l'avortement », sur une autre, lors d'une manifestation devant la Cour suprême des États-Unis mardi.

Photo : Getty Images / Anna Moneymaker

Les adversaires des conservateurs n'ont pas tardé à saisir la balle au bond. Présentement, il y a un leadership conservateur où tous les candidats essaient d'aller chercher le vote des anti-choix, avance la ministre libérale Mélanie Joly. Pour moi, je trouve ça extrêmement préoccupant.

Le premier ministre Trudeau a quant à lui réitéré l'importance du droit à l'avortement par l'entremise de Twitter.

Après la période des questions, la leader adjointe du Bloc québécois, Christine Normandin, a déposé une motion concernant le libre choix des femmes en matière d’avortement.

Le texte se lisait comme suit : Que la Chambre réitère que le corps de la femme n’appartient qu’à elle seule et reconnaisse son libre choix en matière d’avortement, pour quelque raison que ce soit.

Cette motion, qui exigeait le consentement unanime pour être adoptée, a été bloquée par des « Nay! » venant des banquettes conservatrices.

Le droit est fort, selon le NPD

Le chef du NPD, Jagmeet Singh, s’est dit attristé par ces derniers développements autour de la question de l’avortement au sud de la frontière. À ses yeux, ce droit n’est pas menacé du point de vue légal au pays. Au Canada, notre droit est fort, fait-il valoir.

Toutefois, il exprime des inquiétudes autour du mouvement anti-avortement au Canada. Oui, j’ai des craintes quand on a des candidats pour la chefferie d’un parti qui n’appuient pas le droit à l’avortement, a-t-il fait remarquer en référence au PCC.

D’après Jagmeet Singh, le gouvernement canadien doit se battre pour assurer un meilleur accès à ces services au pays, dans les secteurs ruraux notamment. C’est inutile d’avoir un droit sans y avoir accès, fait-il remarquer.

Selon lui, Ottawa doit se prévaloir des dispositions de la Loi canadienne sur la santé pour forcer les provinces à fournir des services adéquats à leur population.

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