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Immobilier : une bonne idée de dévoiler le contenu des offres d’achat?

De nombreux acheteurs qui doivent surenchérir à l’aveugle craignent de surpayer inutilement une propriété. Au Québec comme en Ontario, des voix réclament davantage de transparence.

Une affiche sur laquelle est écrit le mot vendu devant une maison.

De nombreux acheteurs craignent que la surenchère les oblige à payer des milliers, voire des dizaines de milliers de dollars de trop sur une nouvelle propriété.

Photo : Radio-Canada

Lorsque le secteur immobilier est en surchauffe, devrait-on rendre publiques les offres d’achat déposées?

Au Québec, la question a été posée lors d’une consultation lancée par le ministre des Finances Eric Girard l’an dernier. Pour l’instant, le ministère n’a rien proposé sur le sujet.

En Ontario, les vendeurs pourront divulguer le contenu des offres aux promettants-acheteurs s’ils le désirent dès le 1er avril 2023. Toutefois, cette mesure ne sera pas obligatoire.

Stephen Moranis, ancien président de la Chambre immobilière de la région de Toronto, et Murtaza Haider, professeur en gestion immobilière à l’Université métropolitaine de Toronto, ont répondu aux questions du journaliste François Sanche de La facture.

Certains acheteurs surenchérissent, alors qu’ils avaient déjà la meilleure offre. Ils paient trop pour rien. Est-ce courant?

Murtaza Haider : C’est une pratique courante de voir l’agent du vendeur inviter les agents des acheteurs qui ont fait les meilleures offres à améliorer leur prix. Dans ce cas, les acheteurs ignorent où leur offre se situe par rapport à celles des autres [...] Ils vont donc surenchérir à l’aveugle. Comme l’offre de propriétés disponibles est loin de suffire à la demande, les acheteurs ont peur de perdre. Ils vont donc surenchérir, même si leur offre était déjà la plus élevée. C’est une situation assez courante.

Le portrait de Murtaza Haider.

Murtaza Haider est professeur en gestion immobilière à l’Université métropolitaine de Toronto.

Photo : Radio-Canada / James Dunne/CBC News

Stephen Moranis : Partout au pays, les agents doivent dire aux acheteurs combien il y a d’offres [...] C’est donc fort possible que vous fassiez une offre très généreuse puisqu’on vous a dit qu’il y avait, disons, cinq offres sur la table [...] Les autorités réglementaires devraient protéger ces acheteurs. Certes, la situation est favorable aux vendeurs, mais les vendeurs d’aujourd’hui seront les acheteurs de demain.

Je suppose que rendre les offres publiques n'éliminerait pas la surchauffe du jour au lendemain?

Murtaza Haider : Les prix montent quand la demande dépasse l’offre de maisons disponibles, et ce, peu importe si les offres se font à l’aveugle ou non. Par contre, on va constater des impacts à petite échelle. Si une propriété se vend 250 000 $ plus cher en raison d’une surenchère à l’aveugle, la valeur des maisons du voisinage va s’ajuster en fonction de cela. Les prix des autres inscriptions vont monter. Ils ne seront pas moins élevés parce qu’il n’y a pas assez de maisons à vendre. Donc, à l’échelle d’un quartier ou d’une rue, la surenchère à l’aveugle fait monter les prix si la première maison s’est vendue beaucoup trop cher.

Que répondez-vous à ceux qui croient que la divulgation des offres rendrait le processus plus complexe?

Stephen Moranis : C’est compliqué seulement si on ne simplifie pas la façon de faire! Ce n’est pas différent de la façon dont on vend une peinture du Groupe des Sept, de Picasso ou de Monet. Tout le monde voit le prix monter. La technologie permet de faire ça de façon complètement ouverte et transparente, jusqu’à ce que vous décidiez que c’est trop cher pour vous. Alors je pense qu’il y a des solutions pour simplifier le processus.

Un homme dans la soixantaine pose en complet et cravate.

Stephen Moranis a déjà été président de la Chambre immobilière de la région de Toronto

Photo : Gracieuseté de Stephen Moranis

Murtaza Haider : Cette technologie existe déjà. Mais je pense qu’il y a une réticence de la part des législateurs. Les gouvernements devraient pouvoir nous dire si la surenchère à l’aveugle a un impact sur l’accès à la propriété, si cela contribue à la surchauffe, et pourtant ils n’ont pas cette information. Il n’est pas nécessaire de savoir qui a fait quelle offre [pour protéger les renseignements personnels des acheteurs, NDLR]. Par contre, nous devons savoir où se situe notre offre par rapport aux autres, ou de combien notre offre surpasse celle des autres.

Proportion des propriétés vendues en surenchère au Québec en 2019

Unifamiliales : 10 %

Copropriétés : 14 %

Plex : 14 %

Proportion des propriétés vendues en surenchère au Québec en 2021

Unifamiliales : 48 %

Copropriétés : 41 %

Plex : 32 %

Source : Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (ACPIQ)

Sommes-nous prêts à plus de transparence?

Murtaza Haider : L’industrie de l’immobilier repose sur la confiance. Et la confiance s’acquiert avec la transparence. Sans transparence, il y a un fort ressentiment [...] L’industrie devrait avoir comme priorité d’être équitable et transparente à la fois pour les acheteurs et les vendeurs. Elle ne peut pas seulement protéger les intérêts des vendeurs et laisser les acheteurs se débrouiller. Ce sont les agents des vendeurs qui ont toutes les cartes en main. Les gouvernements doivent rétablir un équilibre.

Stephen Moranis : Je suis d’accord avec Murtaza. Présentement, le vendeur a l’avantage, et l’industrie de même que les autorités réglementaires encouragent et soutiennent ça. Je préconise la transparence pour ramener la confiance du consommateur envers les autorités réglementaires et l’industrie du courtage. Ce qui ne veut pas dire que ça va favoriser l’accès à la propriété. Les maisons sont peu abordables notamment parce qu’elles sont peu nombreuses sur le marché. Avec plus de transparence, certaines maisons pourraient même se vendre encore plus cher! Parce que les acheteurs auraient davantage confiance dans le système et seraient convaincus d’avoir été traités de façon équitable.

Que pensez-vous de la proposition ontarienne de permettre la divulgation des offres seulement si le vendeur est d’accord?

Stephen Moranis : Nous sommes rendus au-delà de rendre cette option volontaire. Ça devrait être obligatoire. Si les offres sont multiples, le processus devrait être ouvert et transparent afin que les gens puissent avoir confiance.

Les propos ont été résumés afin de faciliter la compréhension.

Le reportage du journaliste et animateur François Sanche, de la journaliste à la recherche Kim Chabot et de la réalisatrice Stéphanie Desforges est diffusé à La facture le mardi à 19 h 30 et le samedi à 12 h 30 à ICI Télé.

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