Le gouvernement du Nunavut veut le rejet de la poursuite sur l’enseignement en inuktut

Le gouvernement du Nunavut a récemment déposé une requête à la Cour de Justice du Nunavut pour que la poursuite relative à l'instruction en inuktut soit rejetée.
Photo : Radio-Canada / Matisse Harvey
Le gouvernement du Nunavut souhaite qu’un juge rejette la poursuite relative à l'instruction en inuktut qu’a entreprise l’organisme territorial inuit Nunavut Tunngavik Incorporated (NTI).
Au mois d’octobre, NTI a intenté une poursuite contre le gouvernement territorial en l’accusant d'avoir violé les droits à l'égalité des jeunes Inuit, protégés par la Charte canadienne des droits et libertés et de perpétuer une discrimination systémique
en ne leur offrant pas une éducation dans leur propre langue, même s’ils sont majoritaires.
L’inuktut est le terme employé pour désigner la langue inuit, qui regroupe plusieurs dialectes au Nunavut. Les plus couramment parlés sont l’inuktitut et l’inuinnaqtun.
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Le 4 avril, le gouvernement a déposé une requête à la Cour de Justice du Nunavut pour que la cause soit rejetée, arguant que le fondement de la contestation de NTI, qui repose sur l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, est erroné.
Le gouvernement affirme que l’organisme se sert de l’article 15, qui porte sur le droit à l'égalité devant la loi, pour élargir
les droits à l'éducation et à la langue énoncés dans d'autres parties de la Charte.
Les droits linguistiques, notamment les droits relatifs à la langue d'enseignement, n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 15 de la Charte et ne sont pas protégés par celle-ci
, affirme la motion.
L'autorité constitutionnelle en matière d'éducation, de préservation, d’utilisation et de promotion des langues inuit, relève du champ de compétences de l'Assemblée législative du Nunavut
, indique la motion.

La présidente de Nunavut Tunngavik Incorporated, Aluki Kotierk, lors du dépôt des documents de la poursuite à la Cour de Justice du Nunavut, le 13 octobre 2021, à Iqaluit.
Photo : Nick Murray/CBC
Un système d’éducation non adapté, selon NTI
La demande du gouvernement territorial de rejeter la poursuite a eu l’effet d’un coup de massue pour la présidente de NTI, Aluki Kotierk, qui voit dans ce geste une approche coloniale
.
Les enfants inuit doivent délaisser qui ils sont lorsqu’ils intègrent le système d’éducation
, soutient-elle. Ils doivent parler anglais et exceller dans un cursus scolaire qui n’est pas fondé sur leur culture.
Selon Aluki Kotierk, ces jeunes sont poussés à bout par un système qui ne correspond pas à leurs besoins.
Elle affirme que le gouvernement territorial interprète mal la Charte et que l’Assemblée législative a le devoir et la responsabilité de fournir des services et des programmes qui répondent aux besoins du public
qui est à majorité inuit.

En 2016, le dernier recensement de Statistique Canada relevait que la langue inuit était la langue maternelle de 65 % de la population du Nunavut, contre 72 % en 2001.
Photo : Radio-Canada / Matisse Harvey
Points de discorde
NTI demande à la Cour de justice du Nunavut d’intervenir en exhortant le gouvernement territorial à enseigner différentes matières en inutktut, dans tous les niveaux scolaires, et ce, durant les cinq années suivant la fin du litige.
À l’heure actuelle, l'éducation en inuktut n'est principalement disponible qu'avant la 4e année avec des programmes en anglais ou en français pour les années suivantes.
La langue inuit perd du terrain au profit de l’anglais depuis quelques années. Pour contrer cette tendance, la Loi sur l’éducation de 2008 devait instaurer, dès 2019, un parcours scolaire complètement bilingue de la maternelle à la 12e année, mais le gouvernement territorial n’est pas parvenu à atteindre cet objectif.
À l’automne 2020, l’Assemblée législative a plutôt adopté le projet de loi 25, pour modifier cette Loi sur l’éducation et celle sur la protection de la langue inuit afin de repousser une partie de son objectif de 20 ans. Sous cette loi, le gouvernement s’est engagé à offrir des classes d’inuktut à tous les niveaux d’ici 2039.
Selon NTI, le projet de loi 25 nuit aux élèves inuit en leur faisant perdre la maîtrise de leur langue et de leur culture et en minant leur capacité d’atteindre leur potentiel éducatif
.
L’organisme attend que la Cour de justice du Nunavut se positionne sur les prochaines étapes.
Avec des informations de Liny Lamberink