De la clandestinité à l’acceptation : lever le voile sur l’histoire queer d’Edmonton

Ron Byers se souvient d'une époque où il était impossible de s'afficher comme ouvertement gai à Edmonton.
Photo : Radio-Canada / François Joly
Plus de 40 ans après avoir été mise sous les projecteurs de force, la communauté LGBTQ2+ d’Edmonton voit son histoire être cataloguée par deux groupes d’historiens.
Il y a quelques semaines, l'Edmonton Queer History project lançait son nouveau site web (Nouvelle fenêtre) (en anglais). Celui-ci recense les lieux importants de l’histoire de la communauté LGBTQ2+ d’Edmonton. Le projet se concentre sur des lieux du centre-ville.
C’est quelque chose dans quoi je suis tombé pendant la pandémie
, explique Rob Browatzke, le copropriétaire de l'Evolution Wonderlounge, le dernier bar gai d’Edmonton. Il est l’un de ceux qui a contribué à la recherche nécessaire à la création de la carte interactive du projet.
Je suis impliqué dans la vie nocturne queer depuis près de 25 ans. En apprendre sur les débuts de la communauté, c’était une façon d’en apprendre plus sur moi-même.
Le Queer History prévoit organiser des visites guidées plus tard cette année.

L'Evolution Wonderlounge est le dernier bar gai d'Edmonton.
Photo : Radio-Canada / François Joly
Cette histoire est avant tout celle d'une lutte pour l’égalité et le respect des droits. L’organisation du premier festival de la fierté était, par exemple, une réaction à l’un des événements les plus traumatiques de l’histoire de la communauté LGBTQ2+ d’Edmonton.
Le 30 mai 1981, la police d'Edmonton procède à une descente au spa gai Pisces. Au total, 56 hommes sont accusés de s’être trouvés dans une maison de débauche et condamnés à payer une amende de quelques centaines de dollars.
L’orientation sexuelle de plusieurs d’entre eux est ainsi exposée au grand jour dans les journaux. À ce jour, il est difficile de mesurer le réel impact de cette opération pour laquelle la police d’Edmonton s’est excusée en 2019. La rafle du Pisces et la couverture médiatique qui en a découlé ont dévoilé au grand jour l’existence de la communauté LGBTQ2+.
Ce n’est pas juste d’apprendre au sujet de la communauté queer, c’est l’histoire d’Edmonton au sens large. Toutes les communautés marginalisées méritent que leurs histoires soient racontées.
Des lieux oubliés
Conserver l’histoire des premiers bars gais d’Edmonton est l’un des objectifs de l'Edmonton Queer History project. Sur la 104e Rue, on retrouve encore des vestiges du Flashback et du Roost, deux bars gais qui ont connu leurs heures de gloire dans les années 1980.
Pour plusieurs membres de la communauté LGBTQ2+, ces bars étaient des sanctuaires où il était possible d’être soi-même, raconte l’historien Ron Byers.
Je me souviens d’une époque ou il n’y avait aucun endroit, dans cette ville, où je pouvais aller et m’afficher comme un homme gai et avoir une bière avec un autre homme gai.
Il est l’un de ceux qui sont à la barre d’un deuxième projet, le Rainbow Story Hub (Nouvelle fenêtre) (anglais seulement), qui regroupe des témoignages de membres de la communauté LGBTQ2+.

Cet immeuble de la 104e Rue abritait autrefois le bar gai Roost. On y retrouve maintenant les bureaux de l'Agence des services frontaliers du Canada. On devine encore les contours du drapeau de la fierté sur le seuil de la porte.
Photo : Radio-Canada
C’est aussi sur la 104e Rue que se trouvaient les bureaux de la Gay Alliance Toward Equality (GATE), un des premiers groupes de défense des homosexuels au Canada. L’organisation, qui se nomme aujourd’hui le Pride Centre d’Edmonton, existe toujours.
Une plaque située devant l’édifice rappelle l’importance de l’organisation dans l’histoire d’Edmonton. Ron Byers aimerait en voir d’autres installées devant d’autres bâtiments et lieux publics, notamment le Club 70, le premier bar gai de l’histoire d’Edmonton. Celui-ci a ouvert ses portes en 1969 avant de changer de nom, de propriétaire et d’emplacement à plusieurs reprises pour finalement fermer ses portes en 2012.
La communauté victime de son succès
La disparition de la plupart des bar et club gais est un symptôme du changement de mentalité qui s’est opéré depuis les années 1980.
Nous sommes plus acceptés que jamais et donc nous avons moins besoin de lieux exclusifs pour la communauté LGBTQ+, ce qui est une merveilleuse nouvelle.
C’est cependant aussi le produit des transformations technologiques, selon le responsable des communications du Comité Franco-Queer de l’Ouest, Martin Bouchard.
L’apparition des applications [de rencontre], notamment sur les téléphones intelligents, a vraiment changé la donne
, rappelle-t-il.

Pour Rob Browastzke, l'histoire des communautés marginalisées mérite d'être racontée.
Photo : Radio-Canada / François Joly
Il ajoute cependant qu’il reste du chemin à faire. Il reste de la violence à la sortie des bars gais de la planète tous les soirs, même dans des villes dites "plus ouvertes", comme Montréal.
Ces bars ont d’ailleurs encore leur utilité, selon Rob Browastzke. Rien ne bat l’expérience en personne
, croit-il.
Il explique que ceux-ci permettent aux personnes originaires des régions rurales de faire leur entrée dans la communauté. Ils sont aussi utiles aux touristes qui ne sont pas familiers avec les lieux qui sont généralement accueillants envers les personnes LGBTQ2+.