L’écoanxiété : un malaise à étudier et pour lequel on peut s’outiller

L'écoanxiété est de plus en plus présente chez les jeunes à travers le monde, a démontré une vaste étude publiée en septembre.
Photo : Radio-Canada / Maggie MacPherson
Les changements climatiques et leurs conséquences, notamment les feux de forêt extrêmes, les inondations historiques ou encore le dôme de chaleur qu’a connus la Colombie-Britannique, peuvent engendrer une forme d’anxiété dans la population. Plusieurs spécialistes cherchent à étudier le phénomène pour mieux outiller ceux qui en souffrent.
L’écoanxiété, c’est la détresse émotionnelle que les gens ressentent et qui résulte d’une peur et d’une appréhension des conséquences des changements climatiques
, explique le professeur adjoint à l’Université Simon Fraser et directeur de l’Alliance pour la santé mentale et le changement climatique, Keiffer Card.

Les communautés autochtones et racisées courent plus de risques d'être directement touchées par la crise climatique, selon des experts.
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Chez Lourdenie Jean, fondatrice de la plateforme L’environnement, c’est intersectionnel, l’écoanxiété se manifeste souvent par des rêves dystopiques où elle se retrouve prise au piège par un ouragan et qu'elle n'arrive pas à retrouver sa famille.
C’est vraiment récent que je me permette de nommer [l'écoanxiété] comme ça
, dit-elle, précisant qu'il est généralement plus complexe pour les membres des communautés autochtones et racisées de reconnaître les symptômes associés à l’écoanxiété.
C’est plus difficile souvent pour les communautés racisées de se sentir interpellées par la façon dont on définit l’écoanxiété parce que c’est difficile de détacher cette anxiété-là des autres types d’anxiété que leur marginalisation leur fait vivre
, dit-elle.

L'accès à l'eau potable est déjà un problème pour plusieurs communautés autochtones du pays.
Photo : Radio-Canada / Marie-Laure Josselin
Elle explique, par exemple, que certaines solutions environnementales mises de l’avant ne tiennent pas compte des réalités de nombreuses communautés.
C’est entre autres le cas, lorsque des initiatives sont lancées pour décourager la population de consommer de l’eau embouteillée alors que des communautés autochtones n’ont toujours pas accès à l’eau potable ou que des communautés racisées vivent dans des quartiers pauvres où elles s'inquiètent pour la salubrité de l’eau.
Ultimement, je ne pense pas que ce soit nécessaire que les gens s’approprient ce terme, mais je pense que c’est important qu’on se sente concerné.
C’est notamment pour cette raison que l’infirmière et assistante à l’enseignement à l’Université de la Colombie-Britannique Natania Abebe a décidé d’inclure les témoignages de plusieurs personnes issues de communautés diverses dans son projet de boîte à outils pour mieux comprendre l’écoanxiété.
Je ne pense pas qu’un groupe puisse ressentir plus d’écoanxiété qu’un autre. Par contre, je crois que tous les groupes n'ont pas la chance d’avoir une tribune pour en parler
, dit-elle.
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Sa boîte à outils, composée d’un film et de plusieurs questions, vise à aider la population et les éducateurs à mieux cerner les conséquences possibles des changements climatiques sur la santé mentale.
C’est simplement de reconnaître que, lorsqu’on voit l’environnement touché à ce point, il est normal de se sentir accablé et triste, mais ce ne sont pas des pathologies ou des maladies. C’est une réaction normale à ce qu’on constate sur la planète
, assure Natania Abebe.
La boîte à outils permet également de faire la distinction entre l’écoanxiété, l’écoparalysie, c’est-à-dire le sentiment d’être tellement accablé qu’on ne peut rien y faire, et le deuil écologique, soit le sentiment de tristesse et de deuil qui survient à la perte d’un paysage ou d’un écosystème.
Observer l’écoanxiété par les médias sociaux
Un groupe de chercheurs de l’Université Simon Fraser cherchera par ailleurs à déterminer si la détresse provoquée par les changements climatiques peut être mesurée grâce aux données tirées des réseaux sociaux comme Facebook, Twitter et Reddit.

Les données publiques de réseaux sociaux tels que Twitter, Facebook et Reddit seront étudiées afin de déterminer le niveau d'anxiété de la population face aux questions climatiques.
Photo : Getty Images / KIRILL KUDRYAVTSEV
Cela nous permettra d’examiner de quelle façon le niveau de détresse des gens évolue au cours d’une année et à quel point il est lié à des événements comme le dépôt d’un rapport sur l’environnement ou des manifestations
, explique le professeur adjoint Keiffer Card.
Ce n’est pas la première fois que son équipe se penche sur l’écoanxiété en Colombie-Britannique. L’année dernière, Keiffer Card a mené une étude démontrant l’impact que le dôme de chaleur a eu sur le niveau d’anxiété des répondants.