Québec s’engage à mieux soutenir les jeunes de 18 ans qui quittent la DPJ

Le manque de services destinés aux jeunes de la DPJ lorsqu'ils atteignent l'âge de 18 ans est un problème dénoncé depuis longtemps.
Photo : Ivanoh Demers
Pour faciliter leur transition vers l’âge adulte et éviter qu’ils se retrouvent à la rue à 18 ans, les jeunes confiés à la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) auront droit à plus de services au Québec. Le ministre Lionel Carmant envisage même de créer un plan d’action interministériel comme il l’a récemment fait pour la santé mentale.
De l’aide pour se loger, un meilleur accompagnement pour la scolarisation, un revenu garanti, un meilleur accès aux services de santé : voilà autant de mesures que la commission Laurent recommandait de mettre en œuvre pour aider les jeunes de 18 à 25 ans qui sont passés par la DPJ.
Oui, on peut aller jusque-là
, confirme aujourd’hui le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant. On y travaille. Il faut y aller un pas à la fois, évidemment, mais c'est ce qu'on regarde.
M. Carmant vient de mandater un comité national de coordination, composé de la directrice nationale de la protection de la jeunesse, des directeurs régionaux et d’autres experts du domaine.
Ce comité, dont les travaux commenceront en juin, aura pour mission de réviser le Programme qualification jeunesse (PQJ). Bien qu’il serve à préparer les jeunes de la DPJ à la vie adulte, ce programme n’est accessible qu’à un nombre limité de jeunes et offre des services limités.
Pourtant, chaque année, ce sont environ 2000 jeunes de la DPJ qui atteignent l'âge de 18 ans.
J'aimerais que tous les jeunes y aient accès. Ce qu'on veut, c'est augmenter le nombre d'intervenants et rendre le programme le plus admissible possible.

Le ministre Lionel Carmant admet que le Québec a un sérieux retard à combler en ce qui concerne la transition des jeunes de la DPJ vers l'âge adulte.
Photo : Radio-Canada / Sylvain Roussel
Le ministre Carmant s’attend à recevoir le rapport du comité à l’automne. Le calendrier est serré, mais cela lui permettrait peut-être d’obtenir du financement à temps pour le budget 2023-2024 dans le but de bonifier rapidement le PQJ.
Il faut d'abord amener l'argent, et ensuite, on va valoriser les choses, mais ça, c'est mon travail, et ils peuvent compter sur moi
, dit-il.
De l’espoir
Jeudi dernier, l’Assemblée nationale a adopté la réforme de la Loi sur la protection de la jeunesse presque trois ans après la mort tragique d'une fillette à Granby, ce qui a été la bougie d’allumage de ce long processus.
Au départ, le projet de loi 15 comportait peu de mesures tangibles pour faciliter la transition vers la vie adulte. Or, après avoir essuyé des critiques, le ministre Carmant a ajusté le tir et fait adopter des amendements pour tenir compte de cette nécessité.
On est remplis d'espoir face à ça et on espère vraiment que les services seront en place pour répondre aux besoins de nos jeunes
, indique Jessica Côté-Guimond, fondatrice du Collectif des ex-placés DPJ, qui est elle-même passée par le système.
Mme Côté-Guimond reste néanmoins sur ses gardes : Ça va être important de bien comprendre ce qu'ils ont l'intention de faire dans la bonification du PQJ. C'est certain que dans l'état actuel, ça ne répond pas aux besoins de tous les jeunes.
On veut continuer de collaborer avec le ministre pour s'assurer que ça aille dans la bonne direction, s'assurer que tous les besoins sont comblés et qu'on ne parle pas uniquement d'un soutien psychosocial.
Ce qu'on demande, ce n'est pas de leur donner un chèque : c'est de s'intéresser à eux et de mettre en place un filet de sécurité pour eux
, dit-elle.
Cibles et mesures
Lesley Hill, qui a participé aux travaux de la commission Laurent, rappelle que le manque de services pour les jeunes de la DPJ est criant lorsqu’ils atteignent 18 ans, ce qui met à mal l’égalité des chances.
Il n'y a aucun jeune présentement dans les familles soi-disant normales du Québec qui quitte le nid complètement autonome à l'âge de 18 ans. Ce qu'on demande à ces jeunes-là [à la DPJ], c'est totalement irréaliste!
, dit-elle.
Mme Hill salue la volonté du ministre Carmant, qui va plus loin qu’on a été depuis les 40 dernières années
. Elle croit cependant qu’il faudra mesurer l’efficacité des changements qu’il apportera au PQJ en se fixant des objectifs clairs et mesurables.
Est-ce que les jeunes arrivent à avoir un logement stable? C'est quoi, leur taux de diplomation? C'est quoi, leur taux d'employabilité? Idéalement, on saurait c'est quoi, leur revenu moyen à 30 ans, et si c'est similaire aux 30 ans du reste du Québec.
Un plan interministériel?
Tant Mme Hill que Mme Côté-Guimond réclament que le gouvernement élabore aussi un plan d’action interministériel pour la transition vers l’âge adulte des jeunes de la DPJ.
On travaille beaucoup en silo au Québec. La santé et les services sociaux travaillent ensemble, mais ils ne parlent pas au ministre de l'Éducation, par exemple
, illustre Mme Côté-Guimond.
Non seulement c'est envisageable, mais c'est une bonne idée
, répond le ministre Lionel Carmant. Bien qu’il n’ait pas encore abordé cette question avec ses autres collègues du conseil des ministres, il y voit déjà des avantages évidents.
Ça viendrait consolider la contribution des autres ministères, que ce soit l'Éducation, le Travail, les programmes qu'on veut impliquer autour du PQJ [...]. Ça nous donnerait également un plan financé sur plusieurs années d'avance.
Le ministre cite en exemple son plan d’action interministériel en santé mentale, lancé en janvier dernier, qui prévoit plus d’un milliard de dollars sur cinq ans.
Sans être trop précis, M. Carmant promet aussi d'impliquer le Collectif des ex-placés DPJ au cours des prochains mois afin de faire avancer l'ensemble de ce dossier.