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Surdoses : le bilan s’alourdit sans répit, malgré six ans d’état d’urgence en C.-B.

En février, 174 personnes sont mortes de surdose, une moyenne de 6,2 par jour.

Un groupe de personnes marche en portant des croix blanches dans la rue.

Le groupe Moms Stop the Harm défile à Vancouver en avril 2021 pour marquer le cinquième anniversaire de l'urgence de santé publique de la Colombie-Britannique concernant les décès dus aux drogues illicites. (Archives)

Photo : Radio-Canada / Ben Nelms

Depuis 2016, 9410 personnes sont mortes de surdose en Colombie-Britannique. Au sixième anniversaire de la déclaration de l’état d’urgence sanitaire en raison de la crise des surdoses, des voix s’élèvent pour demander plus de courage politique.

Rien sur nous, sans nous, le slogan populaire du mouvement pour les droits des personnes handicapées est régulièrement scandé par les activistes qui œuvrent pour la réduction des méfaits.

Guy Felicella, conseiller clinique au centre de consommation des drogues de la Colombie-Britannique, a survécu à six surdoses.

Aujourd’hui, il a sa place aux tables où sont prises les décisions et constate qu'il y a de plus en plus d’organismes embaucher des personnes ayant des expériences de vie liées à la consommation de drogues.

Or le fait d'inclure ces personnes et de les écouter ne signifie pas forcément que les actes suivent. Quand il s'agit de changer les politiques et les lois sur les drogues [les décideurs politiques] savent ce qu'il faut faire, [mais] ils ne font rien, assène-t-il.

Guy Felicella debout devant une maison.

Guy Felicella a vécu pendant 20 ans dans les rues du quartier Downtown Eastside. Après avoir subi une surdose en 2013, il a pu bénéficier d’un suivi et de traitement. Il souhaite que la façon d'obtenir de l'approvisionnement en drogue sécuritaire change en Colombie-Britannique.

Photo : Radio-Canada / Amélia MachHour

En février, 174 personnes ont perdu la vie en Colombie-Britannique, selon le bureau de la coroner.

Depuis le début de l’année, 78 % des victimes étaient des hommes, et 86 % des décès ont eu lieu à l'intérieur. Le mois de février 2022 est le 17e mois consécutif où il y a plus de 150 morts.

Le fentanyl continue d'être la substance prédominante trouvée dans les tests post-mortem. Toutefois, entre juillet 2020 et février 2022, l'étizolam a été détecté dans 41 % des cas. Cette substance rend le travail des intervenants de plus en plus difficile, car son effet ne peut pas être inversé par la naloxone.

Un besoin de courage politique, selon les activistes

Le ministère de la Santé mentale et des Dépendances de la Colombie-Britannique assure qu'il continue de proposer des solutions sur la base des conseils des personnes les plus touchées, notamment en élaborant un réseau provincial de pairs depuis 2019. Nous savons qu'il reste encore beaucoup à faire et nous continuerons de travailler avec [...] les personnes ayant une expérience vécue pour renverser cette crise.

Natasha Touesnard, directrice générale de l'Association canadienne des personnes qui utilisent des drogues, déplore l'inaction de la classe politique au Canada. Les personnes ont de bonnes intentions quand elles entrent dans [...] un poste au gouvernement pour représenter les gens, mais je crois fermement qu'une fois qu’elles ont cette position leur objectif est de [la garder], affirme-t-elle.

Natasha Touesnard constate que les changements dans les politiques sont encore très lents et progressifs. Elle trouve consternant qu'il n'y ait pas plus d'intervention d'urgence, surtout quand on est déjà dans une intervention d'urgence déclarée comme en Colombie-Britannique.

Quand 20 personnes meurent, chaque jour au Canada, [cela] doit être plus qu'une discussion, il faut qu'il y ait de l'action. [...] Pendant qu’ils parlent, nous mourons.

Une citation de Natasha Touesnard, directrice générale, Association canadienne des personnes qui utilisent des drogues

Natasha Touesnard appelle les décideurs politiques à plus de courage. Pour sa part, Guy Felicella pense que la clé du changement réside dans les détenteurs du pouvoir qui sont personnellement touchés, comme Gord Johns, député fédéral néo-démocrate de Port Alberni, qui porte le projet de loi C-216.

Un projet de loi fédéral pour décriminaliser

Ce projet, qui sera présenté au vote le 1er juin, prévoit la décriminalisation de la possession personnelle de drogues illicites, la suspension du casier judiciaire de ceux qui ont été accusés d'une condamnation pénale pour possession personnelle et la création d’une stratégie nationale pour répondre à la crise.

Il y a encore trois ans, Gord Johns ne connaissait pas de victime de surdose. Mais, au cours de la dernière année, il a perdu six personnes à cause de surdoses dans sa communauté de Port Alberni.

En attendant, des gens meurent [...] parce que les politiciens sont plus préoccupés par les votes et la réélection que par le fait de faire ce qu'il faut.

Une citation de Gord Johns, député fédéral néo-démocrate de Courtenay-Alberni

Le député exhorte le gouvernement fédéral à écouter les experts qui sont en première ligne de cette crise, tout comme il l’a fait pour la pandémie de COVID-19.

Nous avons perdu plus de personnes en Colombie-Britannique à cause de l'empoisonnement [des drogues] que nous en avons perdu à cause de la COVID-19, et nous ne voyons absolument aucune réponse du gouvernement fédéral.

Une citation de Gord Johns, député fédéral néo-démocrate de Courtenay-Alberni

Après six ans, il n'y a toujours pas eu de loi progressiste pour répondre adéquatement à cette crise, déplore Gord Johns. Ces vies n'ont tout simplement pas d'importance pour le gouvernement. C’est un problème que tous les députés connaissent et comprennent parfaitement. C'est en fait le courage qui leur fait défaut.

Une dame âgée avec des verres fumés et un t-shirt noir sur lequel il est écrit en anglais : mon fils, est assise devant une affiche avec plusieurs photographies de visages.

Leslie McBain, cofondatrice de « Moms Stop the Harm », a perdu son fils, Jordan Miller, d'une surdose en 2014. Elle affirme que la clé du succès dans le traitement des dépendances est d'offrir des choix.

Photo : La Presse canadienne / Chad Hipolito

Loin des négociations politiques, dans la rue, certains enchaînent les deuils de leurs proches. À Vancouver, Alain Marquis participe à des réunions à l’organisme VANDU depuis une vingtaine d’années. Ce consommateur de crack a perdu beaucoup beaucoup beaucoup d’amis à cause de surdoses. Après six ans, c’est encore la même affaire, dit-il en ajoutant vouloir un accès à des drogues sécuritaires.

Selon la cofondatrice de Moms Stop the Harm, Leslie McBain, les familles sont toujours dans une situation terrible, six ans plus tard. Elle ajoute que ce sont essentiellement des femmes et hommes blancs privilégiés qui prennent des décisions fondées sur la stigmatisation des personnes utilisatrices de drogues.

Combien de morts faudra-t-il avant que cette urgence soit traitée comme une urgence, se demande Leslie McBain. Doit-on arriver à 10 000, 15 000, 20 000 [morts]? Celle qui a perdu son fils Jordan en 2014 est fatiguée et très triste.

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