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AnalyseL’inflation peut-elle mener à la récession?

Tiff Macklem en conférence de presse.

La Banque du Canada a haussé de 50 points de base son taux directeur mercredi, sa plus forte augmentation en plus de 20 ans, dans l'objectif de contrer l'inflation.

Photo : La Presse canadienne / Justin Tang

Des économistes évoquent un risque de récession de 30 à 40 % d’ici deux ans. Certains évoquent même une récession quasi assurée. Pourquoi? Parce que l’inflation frappe fort et que les banques centrales doivent frapper encore plus fort.

Comme la Banque du Canada l’a fait mercredi, la Réserve fédérale américaine annoncera en mai une hausse de 50 points de base de son taux directeur. C’est ce qu’attendent la plupart des économistes, qui prévoient d’autres hausses marquées comme celle-là en 2022. La Banque du Canada pourrait, elle aussi, ajouter des hausses de 50 points dès début juin.

Le taux d’inflation a atteint un sommet depuis 1981 aux États-Unis en mars, à 8,5 %. Les prix du mazout sont en hausse de 70 % sur 12 mois, les prix de l’essence, de 48 %. La croissance des prix des aliments est de 8,8 %, la plus forte hausse depuis mai 1981.

Il est bien possible qu’on s’approche du sommet de l’inflation, puisque la hausse des prix de l’essence s’est véritablement accélérée en avril 2021. Et donc, l’écart entre les prix d’il y a 12 mois et les prix actuels pourrait se rétrécir quelque peu.

Toutefois, les pressions inflationnistes demeurent fortes. La guerre en Ukraine, qui alimente l’inflation à vitesse grand V, se poursuit. Les problèmes dans les chaînes d’approvisionnement persistent alors que le confinement de Shanghai vient ajouter encore un peu plus de pression. Et, la demande des consommateurs est toujours très élevée.

Des hausses de salaire plus importantes?

De plus, la poussée de l’inflation et les attentes d’une inflation élevée amènent les travailleurs à demander des hausses salariales plus conséquentes. Les employeurs, qui doivent composer avec une pénurie de main-d'œuvre importante aux États-Unis également, tendent à augmenter leurs prix afin de payer les majorations salariales.

Les hausses de salaire alimentent encore un peu plus la demande et la consommation, ce qui fait monter les prix… et la roue tourne encore plus rapidement. Aux États-Unis, les économistes nomment wage-price spiral ce phénomène qui a largement contribué au choc inflationniste des années 70, écrivait le New York Times mercredi.

Un ancien économiste de la Réserve fédérale américaine, Roberto Perli, actuellement chef des politiques globales de la banque d’investissement Piper Sandley, établit le risque de récession à 90 % aux États-Unis. C’est ce qu’il affirme dans une note de recherche envoyée à ses clients, rapportée par le Globe and Mail.

Le Wall Street Journal écrivait, le 10 avril, que les économistes interrogés par le quotidien financier évaluent à 28 % le risque de récession d’ici 12 mois, contre 18 % en janvier.

En mode rattrapage

On peut se demander pourquoi les banques centrales ont attendu si longtemps avant de relever les taux d’intérêt. C’est peut-être facile à dire, vu d’ici, alors qu’on ne pouvait prévoir en début d’année qu’une guerre en Ukraine allait être déclenchée fin février. On cherchait, sans doute, à ne pas croire aux menaces de Vladimir Poutine et aux avertissements du gouvernement américain. Le résultat, c’est qu’aujourd’hui les banques centrales semblent être en mode rattrapage.

Il y a à peine six mois, la Banque du Canada niait que le taux de chômage était un bon indicateur des pressions inflationnistes, a dit l’économiste Stéfane Marion, de la Banque Nationale, à Zone économie mercredi soir. Or, les données nous prouvent qu’elle a peut-être été complaisante. De là la nécessité de faire un certain rattrapage, comme M. Macklem l’a annoncé.

L’économie roule à 120 sur une limite de vitesse à 100.

Une citation de Stéfane Marion, économiste à la Banque Nationale

Le taux de chômage au Canada est à 5,3 % actuellement, ce qui est plus bas que le taux d’inflation, à 5,7 %. Ce n’est que la troisième fois en 50 ans que le chômage est plus faible que l’inflation.

L’inflation est trop élevée, et faire baisser l’inflation sera notre tâche la plus importante, a déclaré au Wall Street Journal Lael Brainard, qui deviendra bientôt la vice-présidente de la Réserve fédérale américaine.

C’est une reprise non traditionnelle, ajoute-t-elle. Tout a été compliqué – comme si la pandémie n’était pas suffisamment complexe – par l’invasion de la Russie. Et le confinement strict des citoyens de Shanghai pour tenter d’étouffer l’éclosion de COVID-19 a le potentiel de faire durer quelques-unes des contraintes qu’on a pu voir dans les chaînes d’approvisionnement.

Agir rapidement

Il y a un besoin de normaliser la politique monétaire de façon raisonnablement rapide, a dit Tiff Macklem, mercredi matin. Non seulement la banque accélère sa hausse de taux, mais elle annonce aussi que les obligations gouvernementales qu’elle a achetées durant la pandémie – des centaines de milliards de dollars – et qui arrivent à échéance ne seront plus remplacées.

La Banque du Canada s’attend maintenant à ce que l’inflation atteigne presque 6 % en moyenne durant la première moitié de 2022. Il faudra attendre 2024 pour retrouver le taux cible de 2 %. Il faut ajouter, affirme la banque centrale, qu’il y a des risques également que les attentes face à une inflation élevée s'enracinent.

De plus, les entreprises tendent à convertir les coûts plus élevés des intrants en hausses de prix pour les consommateurs. Les dépenses de consommation se raffermissent, la reprise des exportations et des investissements des entreprises se poursuit et la hausse de l’immigration devrait participer à une augmentation de la capacité de production de l’économie.

La banque prévoit une croissance de l’économie canadienne de 4,25 % en 2022 et de 3,25 % en 2023, une prévision un peu vigoureuse, selon Stéfane Marion, compte tenu du ralentissement économique mondial qui pourrait s’annoncer l’an prochain. Selon lui, il y a environ 30 % de risque de récession au Canada.

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