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Sixième vague au Québec : « un déni de la réalité » - Dr Pierre-David Habel

Alors que les hospitalisations en lien avec la COVID-19 augmentent au Québec, certains médecins estiment qu'on se ferme les yeux quant à l'impact sur le système de santé.

Une femme se trouve devant l'Hôpital général juif de Montréal.

Les hospitalisations liées à la COVID-19 sont reparties à la hausse au Québec.

Photo : La Presse canadienne / Paul Chiasson

« Vivre avec le virus » ne devrait pas se faire « au détriment de toutes les autres missions de notre système de santé qui peine déjà en temps normal à fournir les soins requis aux malades “ordinaires” », dénonce le Dr Pierre-David Habel, un omnipraticien qui pratique au Nunavik.

Le Dr Habel estime qu’il y a en ce moment un déni de la réalité. Alors que la population essaie de retrouver une certaine normalité, les travailleurs de la santé se démènent pour limiter les conséquences sur les soins aux patients, et pas seulement ceux atteints de la COVID-19.

Je comprends que les mesures soient très impopulaires et difficiles à accepter, mais on fait comme si la COVID n'existait plus. Il y a une lassitude tellement forte qu'on préfère ne plus y penser.

Si sa région a été relativement épargnée par la COVID-19, les impacts de la pandémie se font tout de même sentir. Il constate régulièrement les dommages collatéraux engendrés par la pandémie : chirurgies reportées, procédures diagnostiques essentielles retardées (colonoscopies, gastroscopies, colposcopies), visites de médecins spécialistes annulées, etc.

Il dit être frustré, voire désespéré, de constater que ses patients ne peuvent pas bénéficier des soins nécessaires parce qu’une grande partie des ressources sont orientées pour faire face à la COVID-19. Ces gens vont souffrir des effets de la pandémie sans avoir été infectés.

COVID-19 : tout sur la pandémie

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Une représentation du coronavirus.

Le Dr Gilbert Boucher, président de l'Association des spécialistes en médecine d'urgence du Québec et urgentologue à l'Institut de cardiologie de Montréal, voit aussi l’impact de cette sixième vague dans les hôpitaux et surtout dans les urgences, qui débordent. On n’a même pas de place pour voir des patients. On doit demander aux accompagnateurs de quitter l’urgence parce qu’on n’a plus de place.

Le Dr Hoang Duong, président de l’Association des spécialistes en médecine interne du Québec, est aussi inquiet en ce qui concerne cette vague. Plus il y a de personnes qui consultent pour la COVID-19, moins il y a de ressources pour soigner les autres patients, rappelle-t-il.

Mercredi, la province a franchi le seuil des 2060 hospitalisations, un niveau jamais atteint depuis la mi-février; certains établissements doivent procéder à du délestage. À ceci s'ajoute les retards accumulés au cours des dernières vagues.

En ce moment, estime le Dr Habel, il n’y a pas d’équité pour tous les patients. Il croit que le gouvernement devrait davantage exposer au public les conséquences d'avoir des dizaines de milliers d'infections par jour afin qu’il comprenne la gravité de la situation. Ainsi, les gens pourraient adapter leurs comportements, réduire l’impact de cette vague et aider le système de santé à rester à flot.

Pour sa part, la Dre Amélie Boisclair, interniste intensiviste à l'Hôpital Pierre-Le Gardeur, estime que le gouvernement a choisi de subir cette sixième vague et qu’il n’a pas bien informé le public de son impact sur le système de santé.

Ce qui m’achale, c’est qu’il n’y a plus de sentiment d’urgence. Il y a un double message. D’un côté, on entend que les cas montent, qu'il y a du délestage et que le réseau est sous tension. De l'autre, comme on ne veut pas déplaire à la population, on se dit : "Tant pis, le personnel de la santé s’en occupera."

Une citation de La Dre Amélie Boisclair, interniste intensiviste à l'Hôpital Pierre-Le Gardeur

Manque de personnel, moins de soins

Une travailleuse de la santé fatiguée, vêtue d'une combinaison de protection, essuie la sueur sur son front dans une salle d'hôpital.

«Oui on s’occupe de tous les patients [pendant une vague], mais en obligeant le monde qui est déjà à bout à travailler quand même», dit la Dre Amélie Boisclair.

Photo : Getty Images / Morsa Images

Si le réseau est sous tension, a affirmé le Dr Jean Longtin, microbiologiste et expert clinique en appui à la gestion scientifique de la pandémie du ministère de la Santé du Québec, lors d’un point de presse mercredi, il a de la capacité. [...] Il peut réagir. [...] On croit que les outils sont là pour tenir le système debout.

Pour les médecins, la réalité sur le terrain est tout autre; les travailleurs de la santé sont au bout du rouleau.

En fait, la Dre Boisclair a l’impression de vivre une variation sur un même thème depuis deux ans. Si le public a connu des accalmies entre chaque vague, le personnel de la santé n’a jamais arrêté, dans l’espoir de rattraper une partie des retards causés par la pandémie. Elle croit que la population ne voit pas à quel point le système de santé est fragile et à quel point les travailleurs sont exténués.

Le Dr Boucher abonde dans le même sens. On est résilients, mais c’est très difficile, dit-il en rappelant qu’en ce moment, près de 13 000 travailleurs du réseau ne sont pas au travail à cause de la COVID-19.

Oui, les établissements de santé ont amélioré leur approche de gestion de la COVID-19 au fil du temps, mais selon le Dr Duong, il y a une limite à cette adaptation. Un patient qui a la maladie, même s’il n’a pas de symptômes graves, nécessite plus de ressources, explique-t-il. On doit l’isoler, c’est plus long pour le traiter, le transférer. Au bout du compte, on n’est pas aussi efficace et on ne peut pas offrir autant de soins à la population.

Donc, même si seulement 45 % des admissions ont pour cause principale la COVID-19, la pression demeure très forte sur le personnel soignant.

Lorsqu’on réorganise les soins et les travailleurs pour gérer une nouvelle vague de COVID-19, c’est aux dépens d’autres soins, précise la Dre Boisclair.

Le Dr Duong aimerait bien que la population soit davantage solidaire envers les travailleurs de la santé, mais aussi les patients et les personnes vulnérables. J’aimerais que les gens pensent à ces personnes-là. Pour certains, ce virus est encore très dangereux. Et certains attendent des procédures depuis maintenant deux ans. Chaque fois qu’on fait du délestage, ça signifie qu'ils vont attendre encore plus longtemps, dit-il.

La Dre Boisclair dit être frustrée de voir que le gouvernement ne tente pas d'atténuer les conséquences de cette vague. C’est quoi le meilleur moyen d'offrir des soins à temps? C’est de maîtriser la COVID, affirme-t-elle en ajoutant que le gouvernement devrait être moins timide dans ses avertissements au public.

Selon le Dr Duong, si tout le monde respectait les consignes de base, ce serait déjà un bienfait inestimable.

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