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L’urgence d’encadrer les cyberathlètes comme des athlètes à part entière

Un homme habillé en noir joue à un jeu vidéo à l'ordinateur à côté d'autres joueurs et joueuses.

François Savard est actif dans le domaine du sport électronique et des communautés en ligne depuis 2002. Il est le fondateur de la Fondation des gardiens virtuels et était jusqu'à récemment administrateur à la Fédération des sports électroniques du Québec.

Photo : Charles Ouimet

Radio-Canada

Au moment où le sport électronique connaît une ascension fulgurante au Canada, c’est le far west dans les réseaux compétitifs de jeux vidéo. Les cyberathlètes, qui ne peuvent compter sur une fédération officielle reconnue par le gouvernement, ont un besoin criant d’encadrement, que ce soit sur le plan de l’hygiène de vie ou pour prévenir les blessures.

Une chronique de François Savard

Dans les prochaines semaines, la Fédération québécoise de sports électroniques (FQSE) – pour laquelle mon mandat d’administrateur vient de se terminer – va déposer une demande officielle de reconnaissance au gouvernement provincial.

Il faut dire que la popularité du sport électronique n'est pas la même qu'il y a 20 ans, lorsque j'ai commencé à m'impliquer dans le milieu compétitif du jeu vidéo. On était loin du phénomène qui remplit aujourd’hui des stades et des millions de dollars offerts en bourses aux équipes gagnantes.

Une grande foule assiste à une compétition de sport électronique.

Le sport électronique (Esports) gagne en popularité.

Photo : Avec l'autorisation de MLG

À cette époque, il n’y avait absolument aucun encadrement des cyberathlètes, entraînements ou événements. Les joueurs et joueuses voulant s'améliorer devaient se tourner vers des personnes plus expérimentées, dont les conseils se résumaient souvent à mettre le plus d’heures possible dans le jeu. Le fameux grind.

Ce sont des conseils que moi-même je croyais bons lorsque j’étais actif en tant que compétiteur et que j’avais encore le rêve de devenir pro.

Pourtant, afin d’optimiser sa motricité fine et sa coordination œil-main et d’aller chercher les millisecondes de temps de réaction parfois nécessaires à la victoire, l’athlète en sport électronique – comme dans n’importe quel sport de haut niveau – doit maintenir une excellente hygiène de vie.

Plusieurs équipes professionnelles de sport électronique font d’ailleurs affaire avec des spécialistes de l’entraînement physique, des psychologues du sport et même des nutritionnistes pour atteindre ce niveau. Pourquoi ne ferions-nous pas de même pour les jeunes adeptes de jeux vidéo?

Le rôle du gouvernement

Dans le secteur public, puisqu’aucune fédération de sport électronique n’est reconnue par le gouvernement, l'encadrement des compétitions de jeux vidéo est quasiment nul. N’importe qui peut dire ou faire n’importe quoi, et il n’y a aucun standard ni barème.

Ce n’est pas du tout le cas dans les sports traditionnels, où les fédérations sportives ont tout intérêt à se faire accréditer. Non seulement elles reçoivent des incitatifs financiers comme des subventions, mais elles ont aussi un cadre de réglementation à suivre afin d’éviter des dérapages.

Dans les prochaines semaines, la FQSE va déposer une demande officielle de reconnaissance au gouvernement provincial. Il s’agit d’ailleurs de mon dernier mandat en tant qu’administrateur sortant.

Plusieurs joueurs et joueuses craignent que l'obtention d’accréditations vienne ruiner les événements bien ancrés actuellement au Québec, comme les LAN Party.

Quelques centaines de joueurs fourmillent dans une grande salle au travers des  rangées où sont installé les ordinateurs.

Les LAN Party sont une grande célébration où les adeptes de jeux vidéo se rassemblent, par centaines, pour jouer ensemble, traditionnellement en réseau local, mais plus couramment sur des serveurs en ligne.

Photo : Radio-Canada / Simon-Rail Laplante

Je comprends parfaitement l’intérêt de ces rassemblements festifs; j’en ai organisé une dizaine à travers les années et il serait difficile de compter le nombre exact d’événements auxquels j’ai participé. Il s’agit d’une expérience unique que je recommande aux adeptes de jeux vidéo de vivre au moins une fois dans leur vie. Cependant, nous parlons ici de réunions qui devraient être uniquement récréatives, et non pas compétitives.

S’il s’agit d’une compétition, alors tout devrait être fait pour s’assurer que l'horaire des tournois permette aux cyberathlètes de bien dormir et de prendre des pauses pour se lever et s’étirer lorsque les séries de parties durent plus de 45 minutes. La consommation de boissons énergisantes devrait aussi être contrôlée.

Dans les événements de plus haut calibre, des tests antidopage devraient aussi être considérés pour épingler les joueurs et joueuses qui prennent illégalement des médicaments comme l’Adderall, un psychostimulant, dans l’espoir d’améliorer leurs performances.

Des risques de blessures bien présents

Un autre problème souvent méconnu du grand public avec les compétitions de jeux vidéo est le risque de blessures physiques. Bien sûr, nous ne parlons pas de commotion cérébrale, comme il en existe trop souvent dans des sports comme le hockey ou le football. Nous parlons plutôt de blessures d’usure, comme la tendinite ou le syndrome du tunnel carpien.

Contrairement à plusieurs cyberathlètes qui ont dû arrêter subitement leur carrière professionnelle, j’ai été chanceux et je n’ai pas eu à subir d’opération. Néanmoins, j’ai dû me faire traiter par un spécialiste pendant un an à cause de problèmes de fourmillements et de sensations de décharge électrique dans les mains et les coudes.

Des jeunes jouent en réseau à un jeu vidéo.

L'ergonomie est importante dans le sport électronique.

Photo : iStock

Encore aujourd’hui, si je ne fais pas attention à ma position quand je joue, si je passe trop de temps à l’ordinateur, ou si je m’entraîne avec des poids, les symptômes reviennent.

Pourtant, ce type de blessure est évitable. En plus de prendre des pauses régulièrement, il existe des exercices d’échauffement et d’étirement simples que les joueuses ou les joueurs peuvent incorporer dans leur routine.

Évidemment, ce n’est pas en les laissant sans aide que les jeunes joueurs et joueuses vont savoir quelles bonnes pratiques incorporer dans leurs habitudes.

Le bon exemple des établissements d’enseignement

Les têtes dirigeantes d’établissements scolaires – autant publics que privés – qui offrent des programmes de sport électronique misent déjà sur l'enseignement des bonnes pratiques aux joueurs et joueuses.

Comme le mentionne le directeur de l’école secondaire Arvida à Jonquière, Carl Lévesque, le but de ces programmes n’est pas d’encourager les jeunes à jouer davantage, mais bien de leur apprendre à mieux le faire.

La majorité des programmes en sport électronique ont des conditions à respecter en matière de réussite scolaire et d’activité physique – c’est notamment le cas du Cégep de Drummondville, qui exige que les élèves se livrent à au moins deux heures d’activité physique par semaine. Si nous voulons vraiment motiver les jeunes à adopter de saines habitudes de vie, la meilleure solution est d’intégrer celles-ci à la pratique de leur passion (dans ce cas-ci, les jeux vidéo).

Un commentaire fréquemment reçu de la part de parents dont les enfants suivent ce type de programme est que leurs jeunes ouvrent moins leur console ou ordinateur de jeu à la maison et adoptent un style de vie moins sédentaire qu’auparavant. Une mère a même déjà mentionné que son fils avait commencé à cuisiner!

Ces programmes sont d’excellents vecteurs de motivation contre le décrochage scolaire et une source inestimable d’estime de soi et de sentiment d’accomplissement. Ils permettent aussi d’apprendre à socialiser et à travailler en équipe, de se sentir valorisé dans le dépassement de soi et l'acquisition de nouvelles compétences.

Des jeunes jouent à des jeux vidéo à l'ordinateur.

Des élèves de l'Académie Sainte-Marie qui pratiquent des sports électroniques

Photo : Courtoisie : Académie Sainte-Marie

Certes, tous les programmes ne s’équivalent pas. Par exemple, le Centre de formation professionnelle des Riverains (CFPR) et l’Académie Esports du Canada ont investi dans la recherche et développement afin d’optimiser leur offre. En revanche, d’autres initiatives sont maintenues à bout de bras par une personne du corps enseignant qui fait de son mieux avec le peu de ressources allouées.

Dans tous les cas, c’est mieux que rien du tout. Les jeunes vont quand même jouer, avec ou sans encadrement.

Mon but ici n’est pas de vous faire peur. Plusieurs cyberathlètes ont mené des carrières stimulantes sans jamais avoir de problème de santé. Mon argument est plutôt que, même si le milieu des compétitions de jeux vidéo évolue rapidement et qu’il apporte beaucoup de positif dans la vie de ses adeptes, il reste qu’il est encore jeune et qu’il y a place à amélioration.

Afin de s’assurer qu’un maximum de jeunes continue de s’épanouir sans tomber dans l’excès, tout ce qui manque, c’est un peu d'encadrement. La reconnaissance de la FQSE comme régie sportive serait une première étape.

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