Le projet des Serres urbaines Notre-Dame ne pourra pas aller de l’avant

C'est au centre communautaire situé au 89, rue Jean-René Monette qu'a eu lieu le vote.
Photo : Radio-Canada / Alexander Behne
Le projet des Serres urbaines Notre-Dame ne pourra aller de l'avant, après les résultats d'un scrutin référendaire qui avait lieu dimanche dans le district du Lac-Beauchamp, à Gatineau.
Le vote portait sur le changement de zonage pour accueillir le complexe d’aquaculture au 20, rue Main.
Sur les 103 personnes habiles à voter, 35 d'entre elles se sont prononcées en défaveur sur le projet
, a précisé la Ville de Gatineau, par voie de communiqué, dimanche soir. Au total, ce sont 65 personnes qui se sont présentées aux urnes, soit un taux de participation de 63 %.
Puisque le vote en défaveur du projet est majoritaire, le projet tel que proposé par le promoteur ne pourra pas aller de l'avant
, a ajouté la Ville, précisant qu'il s'agit du résultat officieux et que le résultat sera confirmé lundi après-midi.
Le projet d’aquaculture des Serres urbaines Notre-Dame, prévu dans le secteur du Vieux-Gatineau, semblait diviser la population.
Les membres des Serres urbaines Notre-Dame (SUN) tentaient de convaincre les électeurs en expliquant que ce projet socioéconomique serait important pour la revitalisation du quartier du Vieux-Gatineau. Selon Lyne Bouchard, présidente de l’organisation à but non lucratif qui dit viser l'amélioration des conditions sociales, environnementales et économiques du Vieux-Gatineau par l'agriculture urbaine, ce projet représentait dix années de travail et une occasion de dynamiser le quartier.
Le dossier avait reçu l'appui du conseiller municipal du district du Lac-Beauchamp, Daniel Girouard, qui vantait notamment les 30 emplois qui seraient ainsi créés.
Mais certains résidents disaient craindre le bruit et les odeurs que générerait un tel projet, lui reprochant de ne plus rien avoir de communautaire.
Un enjeu architectural?
En entrevue à l'émission Les Matins d'ici, Éric Duchemin, professeur et directeur scientifique du Laboratoire sur l'agriculture urbaine à l’Université du Québec à Montréal, qui a accompagné la Ville de Gatineau dans son programme d’agriculture urbaine, a estimé que c'est peut-être l'enjeu architectural qui a fait pencher la balance en défaveur du projet.
C’est quand même un gros projet, de très grande envergure, de 20 tonnes de poisson [...]. Un format industriel... [...]. On se rapprochait beaucoup des maisons [...], avec un espace de 5000 mètres carrés, donc on peut comprendre que les gens se posaient des questions
, a-t-il analysé. La nuisance première que je peux voir, c’est l’enjeu d’insertion architecturale du projet dans le quartier.
Ce type de projet reste peu commun au Québec, a-t-il également rappelé. Le résultat du référendum pourrait servir dans le futur, selon lui.
Il y a peut-être un apprentissage à faire pour un tel projet
, a-t-il dit.
Déception
La déception était palpable chez les promoteurs du projet, qui ont convié les médias à une conférence de presse lundi matin.
C’est un quartier [...] qui a été abandonné par la Ville de Gatineau depuis la fusion municipale, et je croyais que ce projet-là aurait été porteur. Alors j’ai mis toute mon énergie
, a déclaré la présidente des SUN , Lyne Bouchard, la gorge nouée par l’émotion. Vous pouvez pas vous imaginer toutes les portes qu’on a dû ouvrir pour arriver avec ce projet-là.
Pauline Bouchard, directrice générale de l’Association des gens d’affaires et professionnels du Vieux-Gatineau, s’est adressée aux opposants du projet. Pour ces personnes qui avaient des réticences face au site, j’espère qu’elles vont comprendre que ça vient de mettre un terme à 10 années de mobilisation de la communauté. On est plusieurs à croire au potentiel de ce secteur.
« On a voulu leur parler, mais ça n’a pas été possible. Ça doit être ça la game pour gagner un référendum. Tous les coups sont permis. »
Pour Sabrina Neault, une résidente du secteur qui était opposée au projet, d’autres vocations pourraient être données au terrain. Ça va sentir le poisson. Le monde ne veut pas sentir ça. [...] Qu’est-ce que j’aimerais voir là, c’est un gros parc.
Des élus réagissent
Je trouve que c’était un projet extraordinaire, qui amenait un rayonnement à la Ville de Gatineau, qui était innovant, qui est le fruit aussi de 10 ans de travail
, a déclaré la mairesse de Gatineau France Bélisle. Le résultat me déçoit.
« Je ne pense pas qu’il faut lancer la serviette d’un projet qui était vraiment unique et qui était le fruit d’autant d’efforts. »
La conseillère municipale du district de Bellevue et Présidente du Comité consultatif agricole, Alicia Lacasse Brunet, qui soutenait le projet, ne baisse pas les bras tout de suite.
On se remet encore du choc du résultat du référendum. On ne veut pas que les serres soient mises à l’eau tout de suite. [...] On est en mode solution
, a-t-elle déclaré en entrevue avec Radio-Canada.
« On se donne le droit de rêver encore un peu, parce que c’est de la haute technologie, c’est quelque chose de nouveau. »
La réaction du député de Chapleau, Mathieu Lévesque, abonde dans le même sens. Le Vieux-Gatineau, le quartier Notre-Dame [...] a besoin de revitalisation, a besoin de projets structurants pour pouvoir faire en sorte que le quartier revive et revienne à ce qu’il était.
M. Lévesque assure que sa porte sera toujours ouverte pour ceux qui voudraient reprendre le projet.
Un déni de démocratie ?
La Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, qui a été invoquée par les opposants au projet pour soumettre celui-ci à un référendum, a été remise en cause par les promoteurs. Au cœur du problème : seules 103 personnes avaient le droit de se prononcer sur le projet des SUN
.J’ai compris qu’il y a un vice démocratique. Il y a quelque chose qui ne marche pas dans cette loi-là. [...] J’habite à une rue de l’usine Résolu, et je n’ai pas eu le droit de vote
, a martelé Lyne Bouchard.
Au début, c’était une question de site, puis après ça, il y a eu plein de questions avec lesquelles les réponses étaient fournies pour dénigrer le projet
, a fait valoir Pauline Bouchard, en évoquant aussi des enjeux de désinformation au cours de la campagne. On va devoir vivre avec la démobilisation. Ça signifie un recul pour la revitalisation urbaine intégrée.
Pour la mairesse France Bélisle, l’enjeu n’est pas le référendum comme tel. Elle se pose plutôt la question à savoir comment il pourrait être évité d’aller en référendum dans des situations similaires
.
Est-ce que la situation ou le cadre dans lequel on traite des dossiers comme ça - schéma d’aménagement, zonage - , n’est pas la cause qui nous amène à des déceptions comme celle-là ? Le processus référendaire, on peut l’aimer ou pas l’aimer. Actuellement, c’est la loi, pis on l’a respectée.
Même son de cloche pour le député Mathieu Lévesque. Je respecte la démocratie. Il faut respecter le jugement des citoyens dans ces cas-là, et également le respect de la loi qui est ainsi faite.
L’élu ne ferme cependant pas la porte à une réforme de la loi, si la demande se présentait.
Il y a des discussions actuellement à l’UMQ . Certains élus municipaux, certains maires et mairesses aimeraient voir des changements au niveau de cette loi. [...] S’il y avait une demande formelle des élus municipaux, des conseillers, conseillères, maires et mairesses à l’UMQ ou les autres fédérations de municipalités au Québec, évidemment, on regarderait ça avec le plus grand sérieux
, a-t-il conclu.
Avec les informations de Catherine Morasse et Nathalie Tremblay