Budget Freeland : un train de mesures pour faire face au coût de la vie
Ottawa injecte 7,4 milliards de nouvelles dépenses en 2022-2023, notamment pour rendre le logement plus abordable et rehausser les capacités militaires du Canada.

Chrystia Freeland a présenté son deuxième budget aux Communes.
Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld
Si la ministre des Finances voulait relancer l’économie il y a un an, cette fois-ci, avec le dépôt du budget 2022-2023, Chrystia Freeland tente surtout de répondre aux effets inattendus de la crise sanitaire sur le coût de la vie et à ceux de la guerre en Ukraine.
C’était d’abord attendu : d’ici 2025, les ménages canadiens ayant un revenu inférieur à 90 000 $ par année pourront s’offrir des soins dentaires gratuitement. Le régime débutera avec les enfants de moins de 12 ans dès cette année. Les particuliers gagnant en deçà de 70 000 $ annuellement n’auront pas à payer de quote-part, c’est-à-dire ce qui n’est pas remboursé sur la facture du dentiste.
La mesure, fortement inspirée du programme du Nouveau Parti démocratique, coûtera à l’État canadien 5,3 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années et entraînera une dépense récurrente de 1,7 milliard par la suite.
Il s’agit de la seule nouvelle mesure phare en matière de santé du budget intitulé Plan pour faire croître notre économie et rendre la vie plus abordable. Rien, encore une fois, en ce qui a trait à la demande des provinces d’augmenter les transferts pour faire passer la part d'Ottawa dans les coûts de santé de 22 % à 35 %.
Un besoin de 3,5 millions de nouveaux logements
Le Canada souffre d’une criante pénurie de logements, et les jeunes acheteurs se cognent le nez à la porte du marché immobilier. Le gouvernement leur offrira plusieurs outils pour les soutenir dans l’achat d’une première propriété.
Ottawa créera entre autres un compte d’épargne libre d’impôt destiné spécifiquement à eux, dont les cotisations seront déductibles d’impôt, et les retraits, non imposables.
Un paiement ponctuel de 500 $ sera parallèlement offert à ceux qui ont de la difficulté à trouver un logement abordable.
Mais il faut surtout construire des habitations, et le gouvernement se donne l’objectif de doubler le taux de nouvelles constructions dans la prochaine décennie, malgré l’explosion du prix des matériaux.
Ainsi, quatre milliards de dollars iront dans un fonds de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) pour appuyer la construction de nouveaux logements.
Il faudra de nombreuses années de forte croissance de l’offre pour régler les problèmes d’accès à un logement abordable très réels auxquels les Canadiens font face dans de nombreuses régions
, peut-on lire dans le budget.

Zone économie : entrevue avec la ministre Chrystia Freeland
Pas de plan de retour à l’équilibre budgétaire
L’économie au pays se porte si bien que le gouvernement réévaluera des dépenses précédemment annoncées et qui devaient servir à la relance économique. Jusqu’à 3 milliards de dollars pourraient ainsi être réaffectés à d'autres postes budgétaires.
La crise économique de la COVID est passée, a déclaré la ministre Freeland en déposant son deuxième budget. C’est vraiment le moment pour une approche responsable.
Cette approche responsable est plus importante aujourd’hui que jamais à cause de l'incertitude économique au niveau mondial et à cause du niveau d’inflation élevé.
Le déficit au solde budgétaire de 2021-2022 s’est d’ailleurs nettement contracté de 144,5 à 113,8 milliards de dollars. Il atteindra 52,8 milliards cette année et diminuera progressivement jusqu’à 8,4 milliards dans cinq ans. Mme Freeland ne donne pas d’horizon quant à l’équilibre budgétaire mais, si la tendance se maintient, il pourrait être atteint en 2027-2028.
Sans les nouvelles dépenses, la situation budgétaire s'est améliorée de 15,6 milliards de dollars depuis un an. La croissance économique conjuguée à la hausse de prix, notamment du pétrole, gonflent les revenus de l'État.
La dette fédérale s’établit maintenant à 1213,7 milliards de dollars, la pandémie l’ayant fait presque doubler, et recule légèrement en proportion du produit intérieur brut de 46,5 à 45,1 %, le plus faible parmi les pays du G7.
Le ministère des Finances prévoit cependant que le PIB réel, après un rebond de 4,6 % en 2021, augmentera de 3,9 % cette année, une baisse par rapport aux prévisions de 4,2 % dans la mise à jour économique de décembre.
Les Canadiens font face à des coûts de la vie plus élevés que prévu, qui mettent en difficulté les finances des ménages dans tout le pays, et qui pourraient freiner l’activité économique et miner la confiance au fil du temps.
Les chaînes d’approvisionnement avant l’environnement
L’inflation de 5,7 % sur une année en février découle entre autres des ruptures dans les chaînes d’approvisionnement. Le gouvernement prévoit 3 milliards de dollars d’ici 2026-2027 pour développer une stratégie canadienne sur les minéraux critiques, améliorer les infrastructures destinées à la circulation de marchandises au Canada et renforcer l’industrie des semi-conducteurs.
Un fonds de croissance de 15 milliards de dollars sera d’ailleurs mis sur pied afin d’attirer des investissements privés pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, diversifier l’économie et restructurer les chaînes d’approvisionnement.
Globalement, Chrystia Freeland fait peu de place à l’environnement dans son plan budgétaire, sinon la transition vers les véhicules électriques, que son gouvernement promet de soutenir, et les subventions au secteur des énergies fossiles, auxquelles elle compte mettre fin, tout en bonifiant le crédit d’impôt de 37,5 à 60 % pour le captage et le stockage de carbone.
Les petites entreprises en croissance y trouveront néanmoins leur compte en bénéficiant d’un taux d’imposition réduit sur la première tranche de 500 000 $ de revenus jusqu’à ce qu’elles atteignent un capital imposable de 50 millions de dollars.

Résumé et analyse avec Gérald Fillion
Les banques davantage taxées
Le budget annonce en revanche l’augmentation du taux d’imposition sur les banques et compagnies d’assurance vie de 1,5 point de pourcentage, ce qui représente la moitié de la promesse électorale faite par les libéraux fédéraux l’été dernier.
Cela dit, les institutions financières devront en plus payer un impôt ponctuel de 15 % sur le revenu imposable supérieur à un milliard de dollars pour l’année 2021.
L’État fédéral s’attend ainsi à recevoir 6,1 milliards de dollars de plus d’ici cinq ans en revenus, puis à générer 445 millions par année subséquemment.
Les Canadiens fortunés qui ne paient pas leur juste part d’impôt seront les prochains à être ciblés par Ottawa, qui prend l’engagement dans le plan budgétaire d’examiner un nouveau régime fiscal minimal.
7,2 milliards de dollars pour l’armée
Au cours des cinq années qui viennent, le ministère de la Défense nationale verra son trésor renflouer de 7,2 milliards de dollars pour respecter les priorités en matière de défense, y compris la défense continentale et les engagements pris envers les alliés du Canada
.
L’argent servira principalement à investir dans l’équipement pour renforcer les capacités des Forces armées canadiennes. Au total, 875 millions serviront à mieux gérer les cybermenaces.
Ces milliards demeurent encore bien loin de l’objectif fixé par l’OTAN, soit de consacrer 2 % du PIB aux dépenses militaires. Cette somme équivaudrait à faire augmenter le budget militaire du pays à 16 milliards de dollars de plus par année.
L’invasion en Ukraine par la Russie a d’ailleurs mis davantage de pression sur le Canada dans ce dossier. Il réservera du moins 500 millions de dollars pour fournir une aide militaire supplémentaire aux Ukrainiens ainsi qu’un milliard en possibilité de prêts.