Condominiums : quand les assurances compliquent la vie des syndicats de copropriété

Le reportage d'Olivier Bachand
Photo : Radio-Canada
Les syndicats de copropriété au Québec affirment qu'il est de plus en plus difficile d'être indemnisé par les compagnies d'assurances. Depuis un changement apporté au Code civil en 2018, il faut prouver qu'un copropriétaire est responsable du sinistre afin que l'assureur paye la facture.
Il y a un peu plus d'un an, dans un immeuble de condos de Griffintown, à Montréal, un copropriétaire a eu une mauvaise surprise pendant qu'il faisait la vaisselle.

Jean-Sébastien Côté est administrateur du syndicat de copropriété Le William.
Photo : Radio-Canada
Le lavabo a cédé. La colle n'a pas tenu, toute l'eau qu'il contenait s'est répandue par terre et ça a causé un sinistre
, explique Jean-Sébastien Côté, administrateur du syndicat de copropriété Le William. On a dû faire appel à des experts en sinistre pour nettoyer le tout, assécher les parties, enlever les planchers, refaire les moulures
, ajoute M. Côté.
Ce dégât d'eau n’a pas touché les autres appartements.
Comme la loi l’y oblige, le syndicat de copropriété a fait faire les travaux de réparation, qui ont coûté 20 000 $. Or, lorsqu'il s'est adressé à l'assureur du copropriétaire pour payer la facture, le syndicat a essuyé un refus.
L'assureur a répondu qu’il n’était pas tenu de rembourser cette somme et que le syndicat de copropriété devait démontrer qu'il y avait faute de la part du copropriétaire
.
Démontrer la faute de la personne qui lave sa vaisselle, ça devient un petit peu difficile.
De plus, le syndicat de copropriété ne peut pas être indemnisé par son assureur puisque le montant des dommages se situe sous sa franchise de 50 000 $.
Cela signifie que c'est le syndicat lui-même, donc l'ensemble des copropriétaires, qui doit acquitter le montant.
La modification d'un article du Code civil en 2018 a changé la façon dont les compagnies d'assurances indemnisent leurs clients en copropriété.
Auparavant, les copropriétaires touchés par un sinistre étaient dédommagés presque automatiquement par leur assureur.
Même si le copropriétaire n'était pas responsable, son assureur pouvait prendre en charge les réparations chez lui en cas de dommages.
Cela simplifiait la résolution des plus petits sinistres qui étaient en deçà de la franchise du syndicat parce que chaque copropriétaire allait faire appel à son propre assureur.
L’assureur dit en substance que dorénavant, tu dois prouver une faute ou une responsabilité de mon assuré pour que je te rembourse ta franchise ou le montant des travaux
, explique Me Stefania Chianetta, avocate, médiatrice et arbitre en droit de la copropriété.
Les syndicats en sont rendus à engager des experts en sinistre privés eux-mêmes, donc il y a des frais qui s'accumulent
, ajoute Me Chianetta.

Me Stefania Chianetta, avocate, médiatrice et arbitre en droit de la copropriété
Photo : Radio-Canada
Selon cette avocate, les compagnies d'assurances se laissent difficilement convaincre que leur assuré a une part de responsabilité lorsqu'un sinistre survient dans son appartement.
On s’est rendu compte à mesure que les refus étaient presque systématiques de la part des assureurs des copropriétaires.

Pierre Babinsky, directeur des communications au Bureau de l'assurance du Canada
Photo : Radio-Canada
C'est faux d'affirmer que les assureurs refusent systématiquement de payer lorsqu'il y a des réclamations pour une franchise dans le cas d'un sinistre
, rétorque Pierre Babinsky, directeur des communications au Bureau de l'assurance du Canada.
Les dossiers litigieux ne représentent qu'une minorité des réclamations et les assureurs s'acquittent de leurs responsabilités
, selon le Bureau d'assurance du Canada.
Un bain qu'on laisse couler, qui déborde et qui cause des dommages, eh bien, c'est assez simple de relier la responsabilité à l'occupant des lieux, et à ce moment-là, l'assureur payerait. Mais ce n’est pas toujours évident de déterminer ça […]. Il peut aussi y avoir des cas plus compliqués
, reconnaît M. Babinsky, par exemple un lave-vaisselle qui fuit.

Élise Beauchesne, présidente de l’Association québécoise des gestionnaires de copropriétés
Photo : Radio-Canada
On a un copropriétaire qui a acheté un nouveau lave-vaisselle, raconte Élise Beauchesne, de l’Association québécoise des gestionnaires de copropriétés. Le lave-vaisselle était défectueux, probablement un problème chez le manufacturier. Mais quand le lave-vaisselle a fait défaut et causé un dégât d'eau, l'assureur du copropriétaire nous a envoyés vers le syndicat, vers le manufacturier du lave-vaisselle.
Si par exemple ta laveuse ou ton lave-vaisselle a lâché ou qu'un des composants du lave-vaisselle a lâché, je pense que c'est au copropriétaire de poursuivre soit le fabricant, soit l'installateur, pas au syndicat
, fait remarquer Me Stefania Chianetta.
L'Association québécoise des gestionnaires de copropriétés réclame des changements à la loi pour faciliter la démonstration de la faute d'un copropriétaire quand un sinistre se produit dans son unité.
On s'assure contre une situation imprévisible pour avoir une paix d'esprit. Là, ça cause beaucoup plus d'inconvénients et de stress aux gens parce qu'ils ne savent jamais si leur assureur va payer ou non.
Avec les nouvelles règles, plusieurs syndicats de copropriété ont l'impression de s'être transformés en compagnies d'assurances.
Le ministre des Finances, Éric Girard, qui est responsable du dossier, se dit conscient de ces problèmes et n'exclut pas de revoir la loi.
Entre-temps, d'autres sinistres surviennent et les factures s'accumulent.
D'après le reportage d'Olivier Bachand