Les premiers renforts promis par Québec aux infirmières arrivent dans les hôpitaux
Le personnel soignant peut enfin souffler un peu. Les agentes administratives formées en urgence pour le soulager de diverses tâches commencent à arriver dans le système de santé. Une initiative de 750 M$ au cœur du plan de redressement du réseau que Québec présente aujourd’hui.

« Prenez un numéro », peut-on lire sur cette pancarte dans l'urgence d'un hôpital.
Photo : Radio-Canada
Depuis quelques semaines, Claudia Anani travaille comme agente administrative à l’urgence de l’hôpital Jean-Talon, qui fait partie du CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal.
Ça bouge beaucoup, ça court dans tous les sens, il faut vraiment être active, rigoureuse et savoir gérer les priorités
, constate-t-elle.
Arrivée au Canada il y a un peu plus de deux ans, Mme Anani était curieuse de découvrir ce nouveau milieu, lié à sa formation en gestion acquise en Afrique de l’Ouest.
Tout personnel du domaine de la santé a pour objectif d’aider, de sauver des vies. J’ai besoin de savoir que j’ai pu apporter mon aide à quelqu’un lorsque je reviens à la maison
, dit-elle.
Outre Claudia Anani, trois nouvelles agentes administratives ont rejoint depuis peu l’équipe de l’urgence de l’hôpital pour une première période d’un an.
Elles peuvent répondre au téléphone, sortir les dossiers, aller chercher un patient à la salle d’attente, l'emmener en salle d’examen ou l’accompagner en radiologie
, explique la chef d'équipe Kim Lapiana.

Le reportage de Davide Gentile
Chaque jour, plus d’une centaine de patients fréquentent en moyenne l’urgence de l’hôpital. Autant de patients à gérer, particulièrement en période de pandémie.
Et l'arrivée de ces renforts a été accueillie avec enthousiasme, assure l'infirmière Valérie Arès.
« C’est une très bonne nouvelle. On a moins de tâches administratives à faire, donc on peut se concentrer à être davantage auprès des patients. »
Infirmière à l’urgence de Jean-Talon depuis 17 ans, Mme Arès affirme que ces adjointes contribuent à limiter l’engorgement.
3000 bourses de 4000 $
Depuis l’an dernier, Québec déploie différentes stratégies pour retenir et attirer des infirmières dans le système public de santé. Même si la province en compte 75 000, les départs et les cas d'épuisement professionnel ont fait les manchettes depuis le début de la pandémie.
Lorsque le ministre Christian Dubé a annoncé, le 1er décembre dernier, des bourses de 4000 $ pour former de façon accéléré 3000 agentes administratives d’ici l’été 2022, il avait, frais en mémoire, l’accueil très mitigé des infirmières aux conventions collectives signées les mois précédents.
La raison pour laquelle c'était important, c'est que, durant les négociations de conventions au cours des dernières années, on s'est rendu compte, puis on a écouté vraiment les infirmières, qu'elles passaient trop de temps à des tâches administratives pour la formation qu'elles ont, alors qu'on pourrait déléguer beaucoup de tâches administratives à des gens pour qui c'est la formation et l'intérêt de le faire
, déclarait alors le ministre de la Santé.
Selon les données obtenues par Radio-Canada, près de 2000 bourses (64 %) ont jusqu'ici été distribuées par les établissements de santé pour former des agentes administratives en deux mois.
Certains établissements, comme le CIUSSS du Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal, le CISSS de l’Outaouais et celui du Bas-Saint-Laurent, ont dû procéder à une sélection, compte tenu du nombre de candidatures reçues.
Le ministre des Finances, Eric Girard, a d'ailleurs prévu 152 millions de dollars par année dans son dernier budget pour augmenter le nombre d’agents administratifs en appui au personnel clinique. Un investissement total qui dépasse les 750 millions de dollars sur cinq ans.
Des bourses de 20 000 $ pour former des auxiliaires
Une autre mesure, dévoilée au mois de décembre, pourrait aussi venir réduire la charge de travail des infirmières, cette fois à partir de 2023.
Au moins 2000 infirmières auxiliaires commencent une formation accélérée dans toutes les régions du Québec. Elles pourront obtenir leur diplôme en 14 mois, au lieu des 22 normalement requis.
Et ce ne sera pas trop tôt, car sur le terrain, les besoins se font sentir.
Roger Lafleur, directeur des soins infirmiers à l’urgence de l’hôpital Notre-Dame, est parvenu à en recruter une vingtaine depuis un an.
Elles servent à alléger la tâche entre autres des infirmières
, explique-t-il, à l’instar des agentes administratives.
Prise des signes vitaux, prise de sang, administration des médicaments aux patients, les tâches sont nombreuses.
Il y a presque un an, j'étais obligé de retenir cinq personnes pour le quart de travail suivant, alors qu'aujourd'hui, je n'en ai presque plus
, se réjouit M. Lafleur.
Il faut dire que la situation était devenue critique au début de l’an dernier.
Exaspérées par leurs conditions de travail et le temps supplémentaire obligatoire (TSO), une quinzaine d’infirmières avaient diffusé en pleine une nuit un appel à l’aide sur les réseaux sociaux au nom de l’équipe de l’urgence de Notre-Dame.
Lors de notre passage la semaine dernière, nous avons retrouvé l’une des auteures de la vidéo qui constate un meilleur climat de travail.
Les infirmières auxiliaires nous aident beaucoup, reconnaît Inès Achour, infirmière à l’urgence de l’hôpital Notre-Dame. Je commence à voir une amélioration. Ce n'est pas parfait, mais je pense que ça s’enligne dans la bonne voie.
Un dialogue se serait installé avec l’équipe de gestion.
Comme le dit sa collègue infirmière auxiliaire, Dalila Ghelid, ça enlève de la charge sur les infirmières pour qu’elles puissent se focaliser sur les dossiers, sur les prescriptions des médecins, etc.
Le Québec compte plus de 29 000 infirmières auxiliaires.