Ottawa verse deux milliards en transferts en santé aux provinces

Le reportage de Christian Noël
Photo : La Presse canadienne / Nathan Denette
Le gouvernement fédéral annonce un « investissement majeur » de 2 milliards de dollars pour aider les provinces et les territoires à faire face aux listes d'attente et au retard causé par le délestage pendant la pandémie.
En effet, des centaines de milliers d'opérations chirurgicales non urgentes ont été annulées depuis deux ans.
Ces délais n'ont pas seulement un impact sur la santé des gens à court et à long terme, ils ont aussi un impact sur le stress des familles et de leurs proches [ainsi que sur celui] de notre personnel
, a déclaré le ministre de la Santé, Jean-Yves Duclos, lors d'une conférence de presse à l'Université d'Ottawa vendredi.
Accompagné de ses collègues Carolyn Bennett (Santé mentale et Dépendances) et Kamal Khera (Aînés), M. Duclos a précisé que cette somme de 2 milliards sera versée aux provinces sous forme de complément ponctuel en vertu du Transfert canadien en matière de santé.
L'argent sera distribué en fonction de la population de chacune d'entre elles et pourra être utilisé de façon inconditionnelle.
Sommes allouées par province :
- Ontario : 775,5 M$
- Québec : 450,0 M$
- Colombie-Britannique : 272,4 M$
- Alberta : 232,3 M$
- Manitoba : 72,4 M$
- Saskatchewan : 61,8 M$
- Nouvelle-Écosse : 51,8 M$
- Nouveau-Brunswick : 41,2 M$
- Terre-Neuve-et-Labrador : 27,2 M$
- Île-du-Prince-Édouard : 8,6 M$
- Territoires du Nord-Ouest : 2,4 M$
- Yukon : 2,2 M$
- Nunavut : 2,1 M$
Cette enveloppe de 2 milliards découle directement du projet de loi C-17 (Nouvelle fenêtre) déposé vendredi par la vice-première ministre Chrystia Freeland à la Chambre des communes. Elle fait suite à un chèque de 4 milliards signé à la même période l'an dernier par Ottawa pour des raisons similaires.
Lors de la dernière campagne électorale, l'automne dernier, les libéraux avaient promis un investissement immédiat de 6 milliards de dollars pour combler les retards provoqués par la pandémie.
Au cours des deux dernières années, les provinces et les territoires ont annulé des centaines de milliers d'interventions chirurgicales non urgentes, laissant ainsi de nombreux Canadiens en attente d'une arthroplastie de la hanche, d'une chirurgie de la cataracte ou d'un traitement contre le cancer, par exemple.
Le transfert de nouvelles sommes aux provinces signifie donc que le remplacement de la hanche que votre mère ou votre père attendait ne sera plus reporté
, a illustré Jean-Yves Duclos vendredi. Pour beaucoup de Canadiens, l'annonce d'aujourd'hui sera un énorme soulagement.
Bataille fédérale-provinciale à l'horizon?
Alors qu'Ottawa et les provinces se préparent à entamer des négociations sur la hausse des transferts en santé, le ministre Duclos a par ailleurs présenté vendredi ce qu'il a appelé sa vision de l'avenir de la collaboration fédérale-provinciale
en la matière.
Le gouvernement Trudeau, a-t-il expliqué, a établi les priorités suivantes : la réduction des listes d'attente; l'accès à la médecine familiale; les soins aux aînés, y compris les soins à domicile qui leur sont offerts; la santé mentale et la lutte contre la toxicomanie; la numérisation des dossiers et la télémédecine.
Le fédéral pourrait éventuellement exiger des provinces qu'elles dépensent de nouveaux fonds dans ces domaines prioritaires, ce qu'il a déjà fait par le passé avec des ententes sur la santé mentale et sur les soins à domicile.
Or, le Conseil de la fédération, qui réunit les premiers ministres des 13 provinces et territoires du Canada, répète depuis plus de deux ans que les transferts en santé doivent être accrus de manière inconditionnelle.
Dans ce contexte, une bataille fédérale-provinciale est-elle à prévoir? Le ministre Duclos a déclaré vendredi que les Canadiens ne sont pas intéressés par un débat juridictionnel ou une lutte fiscale ou financière
entre Ottawa et les provinces au sujet de l'argent et des compétences de tout un chacun.
« Nous devons reconnaître que si nous n'agissons pas rapidement et de manière décisive, la survie à long terme du système de santé universel et public que les Canadiens chérissent est en danger. »
Les patients qui attendent d'être opérés et les familles qui espèrent avoir accès aux services de santé familiale veulent des résultats
, a-t-il soutenu. Les Canadiens ne sont pas intéressés par un débat budgétaire stérile.
Les priorités présentées vendredi sont des éléments sur lesquels tout le monde s'entend
, a répété le ministre à plusieurs reprises durant la conférence de presse.
Cela étant dit, le gouvernement canadien ne peut pas prétendre et ne voudra jamais essayer de microgérer les services de santé à l'échelle des provinces et des territoires
, a-t-il assuré.
L'opposition à Ottawa soupçonne néanmoins le gouvernement Trudeau d’établir un cadre de discussion qui puisse lui être favorable.
Le chef adjoint du Parti conservateur, Luc Berthold, croit que les libéraux tentent de s'ingérer dans les compétences des provinces
, soulignant qu'aucune d'entre elles n'a demandé des sommes ponctuelles comme celles-là
.
Même son de cloche au Bloc québécois, où on souligne que les 450 millions de dollars offerts au Québec représentent environ 1 % de ses dépenses annuelles en santé. C'est des peanuts et, qui plus est, ce n'est pas récurrent
, souligne la députée Christine Normandin.
« Déjà, en établissant les "priorités", ça sonne beaucoup comme des conditions [...]. Visiblement, [le ministre] arrive avec ses grosses pattes. »
Sur Twitter, le cabinet de la ministre québécoise des Relations canadiennes, Sonia LeBel, a affirmé que l'annonce de vendredi représente un premier pas temporaire concernant la contribution financière du gouvernement fédéral dans les soins de santé
.
Notre demande demeure une augmentation récurrente et sans conditions des transferts canadiens en santé
, a-t-il poursuivi, soulignant qu'il s'agit d'une demande unanime
de l'Assemblée nationale et de l'ensemble des premiers ministres.
La santé est une compétence du Québec et nous avons l’expertise pour nous occuper de notre réseau de santé
, a ajouté le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, sur le même réseau social.
Il reste encore beaucoup à faire
, admet Duclos
Les provinces et les territoires soutiennent que la part des dépenses de santé assumée par le gouvernement fédéral est bien inférieure à ce qu'il avait promis de payer lorsque le système de santé public a été créé, il y a des décennies.
Ils réclament donc une hausse des transferts qui ferait passer la contribution d'Ottawa de 22 % à 35 % des coûts de système, ce qui représente environ 28 milliards de dollars de plus par année, dont 6 milliards au Québec.
Le premier ministre Justin Trudeau a répété à de nombreuses reprises au cours des deux dernières années que le contexte pandémique ne se prêtait pas à de telles négociations. Mais il s'est également montré ouvert à en faire plus pour aider les provinces, une position reprise par le ministre Duclos vendredi.
Bien que l'annonce d'aujourd'hui soit une excellente nouvelle, nous savons qu'il reste encore beaucoup à faire
, a-t-il déclaré.
Le ministre s'est toutefois gardé de dire combien d'argent exactement les provinces pourraient s'attendre à recevoir au terme des négociations qui se préparent.
Avec les informations de Véronique Prince, de CBC et de La Presse canadienne