Vers une 6e vague de COVID-19 : ce qu’il faut savoir

Le Québec a renoncé à devancer la fin du port obligatoire du masque dans les lieux publics, prévue pour la mi-avril, et propose d'attendre quelques semaines de plus pour lever cette mesure dans les transports collectifs.
Photo : La Presse canadienne / Graham Hughes
Les signes sont de plus en plus clairs : le Canada est sur le point de connaître une sixième vague de COVID-19, comme c’est le cas dans plusieurs pays européens.
Jeudi, le directeur national de santé publique du Québec par intérim, le Dr Luc Boileau, a déclaré qu’il était trop tôt pour dire si le Québec vivra une sixième vague.
Cependant, selon Benoit Barbeau, le Québec et le Canada en vivront sans contredit une. On voit ce qui se passe en Europe. Nous aussi, on va la vivre
, dit le professeur du Département des sciences biologiques de l'UQAM et spécialiste en virologie.
Au Royaume-Uni, les cas ont recommencé à augmenter il y a près d’un mois. Depuis une semaine, les hospitalisations ont crû de plus de 20 %. Le nombre d’hospitalisations est presque au même niveau qu’au sommet de la vague de janvier. Le taux de positivité est d’environ 15 % et est en hausse. Rappelons qu’un taux de plus de 5 % est le signe d’une épidémie non contrôlée.
En France (Nouvelle fenêtre), depuis le début du mois de mars, le nombre de cas est à la hausse et le taux de positivité est désormais de près de 30 %. Les hospitalisations commencent à s'intensifier légèrement.
Au cours des deux dernières semaines, les cas ont augmenté de 69 % au Royaume-Uni, de 67 % en Italie, de 60 % en Finlande, de 41 % en Grèce et de 9 % en Allemagne.
Au Québec, le nombre de nouveaux cas et d’hospitalisations a recommencé à croître cette semaine. D'ailleurs, les chercheurs du groupe CIRANO (Nouvelle fenêtre) confirment qu'une hausse de l’incidence des cas semble se dessiner
. Selon leurs calculs, il y a eu entre 13 500 et 19 500 nouveaux cas par jour du 17 au 22 mars. De plus, le taux de positivité, qui était tombé sous la barre de 10 % en février, dépasse maintenant 15 %.
En Ontario, les cas et les hospitalisations ont également recommencé à augmenter; le taux de positivité y dépasse 13 %. De plus, de récentes analyses des eaux usées indiquent que les infections se multiplient, soit quelques jours après le retrait par la province de l’obligation du port du masque dans les lieux publics.
Des chercheurs de l'Université de la Saskatchewan ont eux aussi observé une hausse de la concentration de COVID-19 dans les eaux usées, de l’ordre de 66 % à Saskatoon et à Prince Albert.
En Alberta, le taux de positivité oscille entre 20 et 27 %; la concentration de COVID-19 dans les eaux usées est aussi en augmentation.
La question qui demeure : quelle sera l’intensité de cette vague? Pour l’instant, M. Barbeau ne pense pas qu'elle aura la même envergure que celle de décembre et de janvier derniers. Il faudra toutefois surveiller la situation en Europe dans les prochaines semaines pour avoir une meilleure idée de l'ampleur de la prochaine vague.
Chose certaine, la situation reste fragile pour les systèmes de santé. Si le nombre d’hospitalisations au pays a baissé depuis janvier, ce chiffre est plus élevé que lors de toutes les vagues précédentes de la pandémie. Près de 4000 Canadiens sont toujours hospitalisés en raison de la COVID-19.
Même si nous sommes dans une bien meilleure situation maintenant qu'il y a un ou deux mois, il y a encore beaucoup de COVID-19 et de personnes hospitalisées atteintes de la COVID-19
, a déclaré à CBC le Dr Isaac Bogoch, spécialiste des maladies infectieuses, médecin à l'Hôpital général de Toronto et membre du groupe de travail ontarien sur le vaccin contre la COVID-19. Malheureusement, ce n'est pas encore fini.
Qu’est-ce qui propulse cette nouvelle hausse des infections?
Cette semaine, un responsable de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en Europe a déclaré que les cas augmentent parce que les autorités ont trop rapidement assoupli les restrictions.
Plutôt que d'adopter une approche graduelle et mesurée, les pays lèvent brutalement ces restrictions, de trop à trop peu
, a déclaré en point de presse le Dr Hans Kluge, directeur régional de l'organisation pour l'Europe.
Il y a une semaine, l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) avertissait pour sa part qu’avec l’allègement des mesures de santé publique, il ne serait pas surprenant que les niveaux de transmission augmentent, puisque le virus SRAS-CoV-2 circule encore à grande échelle
.
De plus, cette nouvelle vague sera exacerbée par le sous-variant d’Omicron, BA.2.
Rappelons qu’il existe actuellement plusieurs sous-lignées du variant Omicron, dont BA.1, qui est responsable de la vague de contagion de décembre et de janvier derniers.
Le sous-variant BA.2 est d'environ 30 % plus contagieux que BA.1.
Selon l'OMS, BA.2 est désormais le variant dominant dans le monde. L’agence indique que BA.2 représentait environ 86 % des cas signalés à l'OMS entre le 16 février et le 17 mars. Deux semaines auparavant, il représentait 34 % des nouveaux cas.
Aux États-Unis, environ le tiers des nouveaux cas de coronavirus sont causés par BA.2; au Royaume-Uni, c’est 69 %, et en France, près de 60 %.
Le 18 mars dernier, l’ASPC disait que la sous-lignée BA.2 du variant Omicron augmente au Canada, mais à un faible rythme
. Depuis, la proportion de cas liés à ce sous-variant croît cependant de plus en plus rapidement. Au début de février, moins de 10 % des cas de COVID-19 au Canada étaient causés par BA.2. En date du 6 mars, c'est plus de 36 %.
Au Québec, le Dr Boileau a indiqué mercredi que 50 % des infections dans la province sont désormais causées par BA.2. C’est le cas aussi en Ontario.
Au Manitoba (Nouvelle fenêtre), on estime que 12 % des cas sont maintenant attribuables à BA.2. En Saskatchewan (Nouvelle fenêtre), on considère que plus de 30 % des infections sont causées par BA.2, et en Alberta, ce serait environ 60 %.
Sommes-nous assez immunisés pour éviter une vague trop importante?
La Dre Maria Van Kerkhove, responsable technique de la lutte contre la COVID-19 à l'OMS, a rappelé en point de presse jeudi que la vaccination demeure le meilleur moyen de se prémunir des conséquences graves de la maladie.
Les décès surviennent principalement chez des personnes qui ne sont pas vaccinées ou qui n'ont reçu qu'une dose. Il est donc absolument essentiel que les gens partout dans le monde reçoivent leurs vaccins et, en particulier, les personnes qui risquent de développer une maladie grave.
Au Canada, environ 20 % des gens ne sont pas adéquatement vaccinés, y compris les jeunes enfants, non encore admissibles. Ainsi, plus de 7,2 millions de personnes seront à risque au cours de cette nouvelle vague. De plus, moins de 50 % de la population canadienne a reçu une dose de rappel.
Pourtant, la dose de rappel est l’un des moyens de réduire la gravité de cette sixième vague, d'après M. Barbeau. Ça va contribuer à diminuer la possibilité d’avoir une infection. Plus on vaccine avec la dose de rappel, plus on donne un sérieux coup de pouce.
Au Québec, 49 % de la population a reçu trois doses, et en Ontario, 48 %. C’est en Alberta que le taux est le plus bas, avec 36 %. C’est encore plus bas chez les Canadiens de 18 à 29 ans : seulement 34 % d’entre eux ont reçu trois doses. Chez les 12 à 17 ans, le taux n'est que de 12 %.
Si l’immunité conférée par la vaccination diminue avec le temps, rappelle M. Barbeau, il est encore difficile de dire quel sera l’impact d’une réduction de l’efficacité vaccinale sur cette nouvelle vague.
Il semble que l'efficacité de la dose de rappel dure au moins quatre mois, selon de nouvelles données du Royaume-Uni (Nouvelle fenêtre). L’efficacité du vaccin pour prévenir les hospitalisations chez les personnes de plus de 65 ans qui ont reçu trois doses est de 85 % 15 semaines après leur dose de rappel, comparativement à 91 % deux semaines après sa réception.
Par contre, chez les personnes de 18 à 64 ans, l’efficacité du vaccin pour prévenir les hospitalisations tombe à 76 % 15 semaines après avoir reçu une dose de rappel, par rapport à une efficacité de 88 % après deux semaines.
Ce rapport précise que la protection contre une infection chute beaucoup plus rapidement dans tous les groupes d’âge. L’efficacité contre une infection passe de 60 à 75 % deux à quatre semaines après une dose de rappel à entre 25 et 40 % après 15 semaines.
Une récente étude du Qatar (Nouvelle fenêtre) — non révisée par les pairs — montre que, sept mois après une vaccination, l’efficacité contre les symptômes graves se maintient autour de 70 % chez les personnes qui ont obtenu deux doses et de 80 % chez les personnes qui ont reçu une dose de rappel.
Quels sont les risques de réinfection?
En février, le gouvernement du Québec disait qu’en raison du nombre élevé de personnes infectées en décembre, janvier et février, une sixième vague causée par BA.2 pourrait être moins intense.
M. Barbeau est d'accord pour dire que les personnes infectées ont généralement une protection assez élevée pendant environ 90 jours. Il rappelle toutefois qu’il s’agit d’une moyenne et que l’immunité conférée par une infection diminue de mois en mois. Ainsi, une personne infectée par BA.1 au début de décembre pourrait être infectée par BA.2 au cours de cette nouvelle vague.
Le message est que vous pouvez être réinfecté. Par contre, une infection à BA.1 semble avoir la capacité de protéger contre BA.2. Les cas de réinfection s'observent souvent chez les personnes non vaccinées
, précise-t-il.
M. Barbeau ajoute qu’une personne devrait privilégier une immunité conférée par la vaccination à une immunité obtenue par une infection.
Les vaccins semblent offrir un meilleur degré de protection qu’une infection. L'étude du Qatar (Nouvelle fenêtre) montre que l’immunité conférée par une infection tombe à 10 % au bout de quatre à six mois.
Il faut aussi rappeler que la plupart des gens ne savent pas quel variant ils ont contracté. Ainsi, une personne infectée lors d’une vague précédente ne peut pas présumer qu’elle ne sera pas de nouveau infectée au cours de cette sixième vague, cette fois par BA.2. La vaccination offre une protection contre les divers variants en circulation, indique M. Barbeau.
Le vaccin continue d’avoir une efficacité assez large contre les symptômes graves et les hospitalisations, malgré le fait que ce soit un vaccin créé avec le variant d’origine. Ça montre que le vaccin a été capable d’instaurer une réponse immunitaire mémoire qui protège.
Comment se protéger?
Quel que soit le variant présent, les mêmes mesures de précaution — comme la vaccination, l'isolement en cas d’infection, les masques et les tests – sont efficaces pour empêcher la propagation du virus.
Le port du masque, particulièrement dans les endroits clos, mal ventilés et là où il y a de nombreuses personnes, est toujours recommandé, ajoute M. Barbeau. Les gouvernements devront peut-être revoir leur position sur le port du masque.
Rappelons par ailleurs que, si le gouvernement du Québec restreint encore l’accès aux tests de dépistage PCR, il est possible de se procurer gratuitement des autotests rapides dans la majorité des pharmacies. Le gouvernement fournit une boîte de cinq tests par adulte par mois.
Enfin, M. Barbeau soutient que ce ne sera certainement pas la dernière vague. Cette tendance vers l’atténuation du virus, ce n’est pas gagné pour autant. Ce n’est pas nécessairement la trajectoire que le virus va prendre. Nous aurons peut-être un autre variant plus dangereux.
On dit tous qu’on veut vivre avec le virus et on est surpris chaque fois qu’on parle d’un nouveau variant, de nouvelles hausses de cas, mais ça va être un continuum. Il faut accepter que le virus va se propager. On ne doit pas être sur le mode panique, mais il faut continuer d’agir pour contrer les cas graves.
Selon l’OMS, pour maîtriser le virus, les pays doivent : protéger les personnes vulnérables au virus; renforcer leurs systèmes de surveillance, de dépistage et de criblage; avoir recours aux médicaments antiviraux; et prendre en charge les patients atteints du syndrome post-COVID-19 (communément appelé COVID longue
).
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