Comprendre les cocktails météo pour mieux les prévoir

Les radars, pluviomètres, détecteurs de visibilité, baromètres, thermomètres et autres instruments entourent la remorque où Mathieu Lachapelle a passé des heures à scruter la tempête et à échanger avec ses collègues déployés ailleurs.
Photo : Radio-Canada / Anne-Louise Despatie
Comme certains scientifiques pourchassent les tornades, des chercheurs de l'UQAM sont sortis affronter les tempêtes de verglas et de grésil de nos hivers nord-américains pour mieux les comprendre.
Munis d'instruments prêtés par Environnement Canada, mais aussi de radiomètres fournis par l'Université du Colorado, ils participent à Wintre-Mix 2022, une étude d'envergure menée par trois universités américaines.
La collecte de données s'est terminée le 11 mars dernier dans les vallées du Saint-Laurent et du lac Champlain, de l'autre côté de la frontière canadienne.
Les chercheurs du Département des sciences de l'atmosphère ont récolté ou colligé leurs données à partir de quatre stations météorologiques, dont une située à Sorel-Tracy. Nous y avons rencontré le doctorant Mathieu Lachapelle, un vendredi soir, alors que les prévisions annonçaient des précipitations nocturnes et des températures tournant autour de zéro degré Celsius.
Du 1er février au 15 mars, c'est la météo qui a décidé de l’horaire de travail des chercheurs.

Les stations temporaires, comme celle de Sorel-Tracy, ont été installées sur des terrains dégagés afin de lancer les ballons-sondes même par grands vents.
Photo : Radio-Canada / Anne-Louise Despatie
Nous, on s'intéresse aux situations où on n'est pas certain du type de précipitations : est-ce que ça tombera en neige ou est-ce que ça tombera en pluie?
, expose l’étudiant et chercheur en sciences de l'atmosphère de l'UQAM.
Pour voir ce qui se passe en haut de nos têtes, toutes les deux heures, on lance un ballon-sonde en même temps, à partir des quatre stations, et l'avion qui va décoller d'Ottawa va pouvoir se représenter, en 3D, la température dans l'atmosphère et adapter sa trajectoire et son altitude.
Les ballons-sondes peuvent monter jusqu'à 20 kilomètres en altitude, mais ce qui intéresse le plus les chercheurs, c'est ce qui se passe plus bas, à environ quatre ou cinq kilomètres au-dessus du sol.
Les cocktails
météo qui font les manchettes comportent leur lot de défis pour les services de travaux publics, par exemple. Les précipitations qui flirtent avec les zéro degrés Celsius changent rapidement de forme.

Julie Thériault, professeure au Département des sciences de la Terre et de l'atmosphère de l'UQAM
Photo : Radio-Canada / Anne-Louise Despatie
Les cocktails météo, quand les températures sont autour de zéro, c'est assez compliqué
, remarque Julie Thériault, professeure au Département des sciences de la Terre et de l'atmosphère de l'UQAM.
À quelques kilomètres de distance, il y a parfois des variations dans la forme des précipitations. Ça prend juste quelque chose qui fait basculer la température au-dessus ou en dessous de zéro pour faire une grosse différence, souligne-t-elle. Il n'y a qu'à penser aux trottoirs et à ce qu'il faut faire pour les rendre sécuritaires.
Les précipitations mixtes surviennent lorsqu'une couche d'air chaud se superpose à de l'air plus froid à la surface. On cherche donc à trouver les éléments qui déterminent pourquoi les précipitations seront sous forme soit de grésil, soit de pluie verglaçante. On pourra mieux mesurer l'influence que peut avoir la présence de vent ou la topographie, par exemple.

L'étude américaine Wintre-Mix 2022 couvre un vaste territoire allant d'Ottawa à l'ouest, à Plattsburgh (NY) au sud et à Trois-Rivières au nord-ouest.
Photo : Radio-Canada / Anne-Louise Despatie
L'étude américaine Wintre-Mix 2022 couvre un vaste territoire allant d'Ottawa à l'ouest, à Plattsburgh (NY) au sud et à Trois-Rivières au nord-ouest. Le sud du Québec est stratégique pour l'étude américaine, puisque c'est un endroit de prédilection pour le grésil et le verglas.
C'est comme une petite bulle, dans le sud du Québec, où il y a plus de verglas qu’ailleurs. C'est principalement causé par la vallée du Saint-Laurent et la topographie. On a comme un petit bonus de verglas et de grésil
, explique Julie Thériault, qui est aussi titulaire d’une chaire de recherche du Canada en événements météorologiques extrêmes hivernaux.
Elle considère que c’est une chance inouïe d’avoir pu participer à cette étude d’envergure, une occasion qui se présente rarement.

Enfant, Mathieu était venu se réfugier à Sorel pendant la crise du verglas de 1998. Aujourd’hui, il est revenu chez ses grands-parents pour la recherche et son doctorat qui porte sur la pluie verglaçante.
Photo : Radio-Canada / Anne-Louise Despatie
C’est un travail d’équipe qui rassemble une vingtaine de personnes au Québec, en plus de collaborateurs particuliers. Comme les grands-parents du doctorant Mathieu Lachapelle qui hébergent des instruments et les alimentent en électricité.
La météo a été favorable pendant la collecte des données. En six semaines, il y a eu dix événements de précipitations mixtes.