L’OTAN prête à aider Kiev, mais veut éviter l’affrontement avec Moscou
Dans un discours aux dirigeants de l'alliance transatlantique, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a accusé la Russie d'avoir utilisé des bombes au phosphore.

Le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, a accueilli le président américain Joe Biden à son arrivée au quartier général de l'OTAN, à Bruxelles
Photo : Getty Images / FP/Pool/EVAN VUCCI
L'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) est « déterminée à faire tout ce qu'elle peut » pour aider l'Ukraine à se défendre contre l'invasion russe, mais en s'assurant d'éviter toute « escalade » susceptible d'entraîner les alliés dans une « guerre totale » contre la Russie, a annoncé jeudi son secrétaire général, Jens Stoltenberg.
Nous saluons les offres concrètes [de soutien] faites par les alliés aujourd'hui
, a dit Jens Stoltenberg au terme du sommet extraordinaire de l'OTAN, à Bruxelles. En même temps, nous avons la responsabilité de nous assurer qu'il n'y a pas d'escalade dans ce conflit. Ce serait encore plus dangereux et dévastateur.
Selon lui, les pays membres l'OTAN ont déjà fourni à l'Ukraine des armes antitanks, des systèmes de défense antiaérienne et des drones, ainsi que de l'aide financière et humanitaire depuis le début de l'invasion russe, il y a exactement un mois, et ils continueront de le faire. De l'aide contre de potentielles cyberattaques sera offerte.
L'Alliance transatlantique va notamment fournir à l'Ukraine des équipements de protection contre les menaces chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires. Il pourrait s'agir de détection, d'équipement, de protection et de soutien médical, ainsi que de formation à la contamination et à la gestion des crises
, a dit M. Stoltenberg.
Nous améliorons également l'état de préparation des forces alliées
, a-t-il ajouté. Le commandant suprême des forces militaires de l'Alliance, le général Walters, a activé les éléments de défense chimique, biologique, radiologique et nucléaire de l'OTAN et nos alliés déploient des moyens de défense pour renforcer les forces des groupements tactiques.
Dans un discours prononcé par visioconférence dans le cadre du sommet, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a accusé la Russie d'avoir utilisé des bombes au phosphore, selon la traduction en français fournie par son bureau. Cette accusation n'a pas pu être vérifiée de manière indépendante.
« Ce matin, soit dit en passant, il y a eu des bombes au phosphore. Des adultes ont été tués à nouveau et des enfants ont été tués à nouveau. »
Interrogé à ce sujet, M. Stoltenberg a éludé la question, se contentant de dire que l'OTAN disposait d'informations crédibles
d'utilisation de force militaire contre des civils en Ukraine, ce qui pourrait constituer des crimes de guerre.
Un nouveau concept stratégique de défense présenté en juin
M. Stoltenberg a par ailleurs confirmé que quatre nouveaux groupements tactiques seront déployés sur le flanc est de l'OTAN, soit en Bulgarie, en Roumanie, en Hongrie et en Slovaquie, ce qui portera à huit le nombre de ces groupements déployés en Europe de l'Est. Les autres se trouvent en Pologne et dans les pays baltes.
À l'heure actuelle, a-t-il noté, plus de 100 000 militaires américains sont présents en Europe, et 40 000 autres sont sous commandement direct de l'OTAN sur le flanc est. C'est du jamais-vu.
Il a aussi réitéré que l'alliance va accroître ses efforts de dissuasion pour faire face à la nouvelle réalité engendrée par la guerre, en augmentant le niveau de préparation de ses forces terrestres, aériennes et navales. Un nouveau concept stratégique de défense devrait être adopté lors du prochain sommet, en juin, à Madrid, a-t-il dit.
Lors de ce sommet, certains pays devraient également présenter leur plan pour accroître leurs dépenses militaires, a-t-il précisé, sans les nommer. En vertu d'une entente conclue en 2014, les membres de l'alliance doivent consacrer 2 % de leur produit intérieur brut (PIB) aux dépenses militaires d'ici 2024.
« La sécurité, ce n'est pas gratuit. En faire plus coûtera plus. Alors les dirigeants de l'OTAN ont accepté de redoubler leurs efforts. »
Le Canada fait partie des pays qui ne respectent pas encore cet engagement, avec des dépenses militaires qui atteignent 1,4 % du PIB.
En conférence de presse en après-midi, le premier ministre Trudeau a soutenu que les investissements dans les forces armées canadiennes allaient continuer à augmenter
. Il a laissé entendre que cela pourrait se concrétiser dès le prochain budget, mais sans être plus précis.
« Nous allons continuer d'accroître nos dépenses en défense. Nous continuons d'avoir ces discussions. [...] Un processus budgétaire est en cours en ce moment, et il y aura un autre sommet de l'OTAN en Espagne au cours des prochains mois. »
M. Trudeau a aussi plaidé que le Canada contribue énormément à l'OTAN, en participant à toutes ses missions, mais aussi en dirigeant le groupe tactique déployé en Lettonie.
Zelensky a réclamé 1 % du matériel de l'OTAN
Lors de son discours aux dirigeants des pays de l'OTAN, le président Zelensky a déploré ne pas avoir eu de réponse claire
de l'OTAN à la requête de l'Ukraine pour que l'organisation impose une zone d'exclusion aérienne au-dessus de son territoire, ni en ce qui concerne des demandes pour obtenir des chasseurs ou des tanks.
Le pire pendant la guerre, c'est de ne pas avoir de réponses claires aux demandes d'aide
, a-t-il lancé aux dirigeants des pays de l'Alliance, après avoir indiqué qu'il souhaite obtenir 1 % des appareils qu'ils détiennent, dont 500 de leurs 20 000 chars.
« Je veux juste que vous sachiez que l'Alliance peut encore empêcher la mort d'Ukrainiens à cause des frappes russes, de l'occupation russe, en nous fournissant toutes les armes dont nous avons besoin. »
Vous pouvez nous donner 1 % de tous vos avions, 1 % de tous vos réservoirs. 1 %! Nous ne pouvons pas simplement l'acheter. Un tel approvisionnement ne dépend directement que des décisions de l'OTAN, des décisions politiques
, a plaidé M. Zelensky.
« Vous avez des milliers d'avions de chasse, mais on ne nous en a pas encore donné un. [...] Vous avez au moins 20 000 chars. L'Ukraine a demandé un pourcentage, 1 %. Donnez-nous ou vendez-nous. »
Interrogé à ce sujet, Jens Stoltenberg n'a donné aucune indication que les pays membres de l'alliance sont disposés à agir de la sorte, en réitérant simplement qu'ils feront ce qu'ils peuvent pour aider l'Ukraine à se défendre, mais en évitant une guerre totale
avec la Russie. Il faut être honnête par rapport à ça
, a-t-il admis.
Le premier ministre Trudeau n'a pas dit autre chose. Lorsqu'on lui a demandé s'il soutenait la demande de M. Zelensky, il s'est contenté de dire qu'il fallait s'assurer que les Ukrainiens ont tous les outils
pour résister à l'invasion russe. Il a réitéré qu'Ottawa va continuer d'envoyer des armes létales et non létales aux Ukrainiens.
Lors d'un sommet du G7 tenu immédiatement après celui de l'OTAN, le président Zelensky est néanmoins revenu à la charge, en soulignant dans une autre allocution par visioconférence que le risque d'une utilisation à grande échelle d'armes chimiques par la Russie sur le territoire de l'Ukraine est bien réel
.
Au terme de leur rencontre, les dirigeants des pays les plus industrialisés ont publié une déclaration commune dans laquelle il disent être prêts à prendre de nouvelles sanctions si nécessaire
contre la Russie.
Nous mettons en garde contre toute menace d'utilisation d'armes chimiques, biologiques et nucléaires ou de matériel connexe
, ont-ils dit, en rappelant les obligations de la Russie en vertu des traités internationaux dont elle est signataire et qui nous protègent tous
.
Les pays du G7 ont aussi assuré jeudi qu'ils ne ménageraient pas leurs efforts
pour que le président russe Vladimir Poutine et ses soutiens, parmi lesquels le président du Bélarus, Alexandre Loukachenko, rendent des comptes
pour l'invasion de l'Ukraine.
« Dans ce but, nous continuerons à travailler ensemble, avec nos alliés et partenaires du monde entier. [...] La population russe doit savoir que nous n'avons aucun grief à son égard. »
Le mandat de Stoltenberg prolongé
Les dirigeants des pays membres de l'OTAN ont par ailleurs profité du sommet pour annoncer la prolongation du mandat de M. Stoltenberg à la tête de l'Alliance en raison de la guerre en Ukraine. L'ancien premier ministre norvégien restera ainsi en poste jusqu'au 30 septembre 2023, a-t-il lui-même annoncé sur Twitter.
« Alors que nous sommes confrontés à la plus grande crise de sécurité depuis une génération, nous sommes unis pour maintenir notre Alliance forte et nos citoyens en sécurité. »
En poste depuis 2014, le secrétaire général de l'OTAN devait initialement quitter son poste à l'automne pour prendre la tête de la banque centrale de Norvège à compter du 1er décembre. L'institution avait fait l'annonce de cette nomination le mois dernier. L'invasion russe de l'Ukraine est toutefois venue bousculer cet agenda.
Peu avant l'annonce de la décision, l'actuel premier ministre norvégien, Jonas Gahr Store, avait dit soutenir la prolongation du mandat de M. Stoltenberg. Pour la Banque de Norvège, des solutions transitoires, avec un possible intérim de la vice-présidente à la tête de l'institution, sont à l'étude, selon le gouvernement norvégien.
Le monde doit arrêter la guerre
, dit Zelensky
Avant de prononcer son discours à l'OTAN, le président Zelensky a lancé un appel enflammé aux citoyens du monde entier à manifester contre l’invasion russe de son pays, un mois après le début de la guerre.
Allez-y avec des symboles ukrainiens pour défendre l'Ukraine, pour défendre la liberté, pour défendre la vie!
a lancé M. Zelensky dans la nuit de mercredi à jeudi dans un message vidéo en anglais. Retrouvez-vous sur les places, dans la rue, montrez-vous et faites-vous entendre!
Exprimez-vous, manifestez depuis vos bureaux, vos maisons, vos écoles et vos universités, manifestez au nom de la paix!
, a martelé le président. Le monde doit arrêter la guerre.
Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a soutenu dans une entrevue avec une chaîne télévisée espagnole que les Russes ne veulent rien négocier actuellement. Tout ce qu’ils veulent, c'est occuper le territoire.
La Russie veut encercler la côte jusqu'à la frontière avec la Moldavie et isoler l'Ukraine de la mer. La Russie voudra négocier seulement lorsqu’elle aura obtenu une position de force
, a ajouté Josep Borrell.
M. Borrell a déclaré que l'Union européenne et ses alliés continueront à fournir une aide militaire à l'armée ukrainienne.