Riopelle raconté dans une pièce imaginée par Robert Lepage
Le Théâtre Jean-Duceppe présentera l'an prochain une nouvelle pièce de Robert Lepage sur la vie de Jean-Paul Riopelle.
Photo : ONF
Robert Lepage et Ex Machina présenteront en 2023 une pièce de théâtre sur la vie et l’œuvre de Jean-Paul Riopelle, avec Luc Picard et Anne-Marie Cadieux dans les rôles du peintre québécois et de sa conjointe, Joan Mitchell.
La pièce, qui sera présentée chez Duceppe, à Montréal, et qui n’a pas encore de titre officiel, sera l’un des points d’orgue de la programmation monumentale imaginée par la Fondation Jean Paul Riopelle et ses partenaires pour souligner le 100e anniversaire de naissance du peintre, sculpteur et graveur, né le 7 octobre 1923 à Montréal.
Robert Lepage avait déjà amorcé un projet de pièce sur cette figure majeure de l’art québécois au début des années 2000. De passage en France quelques années plus tôt, il avait été frappé par le charme du personnage lors d’une exposition de Denise Colomb, une photographe française qui a immortalisé une panoplie d’artistes de renom comme Riopelle, mais aussi Giacometti, Miró et Chagall.
J’ai ressorti le projet des boules à mites et, finalement, je trouve ça intéressant que ça ait pris tout ce temps-là, parce que 20 ans plus tard, j’en connais pas mal plus sur Riopelle
, explique le metteur en scène au bout du fil.
La raison pour laquelle j’ai accepté, c’est que oui, c’est le 100e [anniversaire de Riopelle], mais c’est aussi le 50e de Duceppe. Et c’est le 75e anniversaire de Refus global. Il y a tellement de convergence; c’était une bonne occasion d’ouvrir ces dossiers-là.
Hommage à Rosa Luxemburg comme source d’inspiration créatrice
Pour guider son écriture, le metteur en scène et comédien a pris comme canevas l’une des œuvres les plus monumentales de Riopelle, Hommage à Rosa Luxemburg, créée frénétiquement en 1992 après le décès de celle qui a été sa femme pendant 24 ans, la peintre et graveuse américaine Joan Mitchell.
C’est devenu une espèce d'œuvre-roman, ça ressasse ses souvenirs; pas juste sa relation avec Joan Mitchell, mais aussi ses débuts en peinture, ses voyages en Europe
, explique Robert Lepage.
La toile est un triptyque divisé en 30 tableaux, 30 séquences. Donc, c’est vraiment l'œuvre rêvée pour quelqu’un qui raconte des histoires ou qui fait des scénarios; c’est vraiment comme un storyboard.
Des dialogues écrits à partir des propos de Riopelle
M. Lepage décrit sa pièce comme une œuvre biographique, mais qui s’éloigne des films biographiques, dans lesquels la plupart des dialogues sont créés de toute pièce.
Ce n’est pas nous qui présumons [de ce que Riopelle dit]. Il existe énormément de littérature sur Riopelle et d'entrevues de lui. Donc, on essaie le plus possible de créer des dialogues à partir des verbatims de Riopelle.
« On essaie de s’éloigner des faux dialogues qu’on rencontre souvent dans les biopics. »
Comme Riopelle sera représenté à différentes étapes de sa vie, il sera interprété par deux acteurs : Luc Picard (dans sa version adulte) et Gabriel Lemire (dans sa version plus jeune). Même chose pour Joan Mitchell, qui sera incarnée à la fois par Anne-Marie Cadieux et Noémie O’Farrell.
Les autres interprètes joueront le rôle de différents personnages qui ont croisé le peintre dans leur vie, de façon proche ou éloignée. C’est un homme très intéressant qui attirait dans son giron toute une galerie de personnages, comme [André Breton, Gilles Vigneault, Samuel Beckett, Alberto Giacometti et Pierre Elliott Trudeau]
, explique le metteur en scène.
C’est une bonne excuse pour mettre en scène ces gens-là et les faire parler, se rencontrer et se confronter.
Robert Lepage signera le texte et la mise en scène de la pièce, avec l’aide d’Olivier Kemeid pour les dialogues.
L’héritage de Riopelle : une liberté totale
Robert Lepage loue le caractère frondeur de Jean-Paul Riopelle, malgré son manque d’expérience au moment de la signature de Refus global. Il le considère d’ailleurs comme le père de la modernité artistique au Québec
.
C’est le premier artiste à s’être retrouvé au premier rang de la pensée moderne. [...] Borduas est le père de Refus global, mais c’est vraiment Riopelle qui a traversé l’Atlantique, sans une cenne dans ses poches, pour y présenter son travail
, explique le metteur en scène.
Grâce à son bagout, à sa dégaine, à son charme, il a réussi à rencontrer le pape du surréalisme, André Breton. [...] Il a ramené ces idées-là au Québec, un peu tout croche – on s’entend que Riopelle n'était pas un grand intellectuel, mais il était très sensible, très intuitif –, ce qui a participé à la modernisation de la pensée québécoise.
Toutefois, ce qui fascine le plus Robert Lepage chez Jean-Paul Riopelle, c’est sa liberté absolue : La raison pour laquelle je m’intéresse à ce personnage-là, c’est parce que je m’identifie à une partie de son œuvre.
Il a été propulsé au milieu de tous ces grands courants, mais il était un peu perdu dans tout ça, poursuit-il. Pendant longtemps, je me suis senti comme ça aussi. Dans les années 1990, je passais plus de temps a l’étranger qu'au Québec. J'ai été témoin privilégié de plein de grands courants des arts de la scène et mon travail était primé, mais en même temps, j’étais perdu et j’ai fait plein d’erreurs.
La pièce sur Riopelle sera présentée du 25 avril au 3 juin 2023 au Théâtre Jean-Duceppe de la Place des Arts. Les billets seront en vente avec un abonnement chez Duceppe dès le 21 avril, tandis que les billets à l'unité seront mis en vente le 8 août.