Le gouvernement Trudeau obtient le soutien du NPD jusqu’en 2025

Justin Trudeau a été élu à la tête d'un gouvernement minoritaire en septembre dernier.
Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld
Le premier ministre Justin Trudeau confirme qu'une entente est intervenue entre le Parti libéral du Canada (PLC) et le Nouveau Parti démocratique (NPD) afin de permettre à son gouvernement de se maintenir au pouvoir jusqu'en 2025, soit jusqu'à la fin de son mandat.
Cette entente, dont CBC et Radio-Canada avaient appris l'existence lundi, est en vigueur dès aujourd'hui
, a fait savoir le premier ministre lors d'un point de presse mardi matin.
Il a invoqué l'incertitude liée à la pandémie de COVID-19, l'inflation et la guerre en Ukraine, entre autres, pour justifier cette entente de soutien et de confiance
entre les deux partis.
Ce que cela signifie, c'est qu'en ces temps incertains, le gouvernement pourra fonctionner avec prévisibilité et stabilité, présenter et exécuter des budgets et faire avancer les choses.
J'y ai beaucoup réfléchi, et ça n'a pas été une décision facile
, a indiqué M. Trudeau, qui a été élu à la tête d'un gouvernement minoritaire en septembre dernier.
Je veux être clair : cette entente ne va pas remettre en cause les valeurs fondamentales de chacun de nos partis. On va continuer à débattre sainement et à être en désaccord sur certains points, tout comme on va continuer de travailler avec les autres partis à la Chambre des communes
, a-t-il fait savoir.
Il a précisé que ses troupes avaient identifié, avec celles du NPD, les politiques sur lesquelles leurs objectifs sont semblables : l'amélioration de l'accès aux soins de santé, le lancement d'un régime universel d'assurance médicaments, la création d'un régime de soins dentaires pour les Canadiens à faibles revenus et la mise en place de mesures pour rendre le logement plus abordable.

Le reportage de Laurence Martin
L'accord qui intervient entre le NPD et le PLC n'est pas une coalition, ce qui signifie que l'équipe de Jagmeet Singh n'obtiendra pas ses entrées au gouvernement et ne dirigera aucun ministère. Mais les régimes de soins dentaires et d'assurance médicaments sont des priorités législatives pour le NPD, qui pourra donc faire avancer ces dossiers en échange de son appui lors des votes de confiance, y compris ceux concernant les prochains budgets.
Ce sont tous des éléments qui étaient au cœur de la plateforme libérale qui nous a ramenés au gouvernement, c'est donc une continuité de notre plateforme
, s'est justifié Justin Trudeau, évoquant la réconciliation avec les peuples autochtones et la lutte contre les changements climatiques comme des priorités communes.
Notons que la création d'un régime de soins dentaires et celle d'un régime d'assurance médicaments ne figuraient toutefois pas dans la plateforme libérale lors des élections à l'automne dernier.
On garde le pouvoir de s'opposer
, assure Singh
En conférence de presse mardi, le chef néo-démocrate s'est défendu de donner un passe-droit aux libéraux de Justin Trudeau avec cette entente.

Jagmeet Singh, chef du Nouveau Parti démocratique
Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld
Ce n'est pas du tout une carte blanche. On va continuer d'être un parti d'opposition. On garde le pouvoir de s'opposer au gouvernement, de voter contre les projets de loi et on est prêts à utiliser ce pouvoir.
En somme, le chef néo-démocrate affirme avoir usé de son pouvoir pour s'assurer que les Canadiens puissent avoir accès à des soins dentaires et aux médicaments dont ils ont besoin. En ces temps difficiles, les gens me disent qu'ils ont besoin d'aide maintenant
, a-t-il souligné.
Aussi, on a des outils pour s'assurer que le gouvernement fait ce qu'il a promis de faire
, a indiqué M. Singh, se référant au document de l'entente rendu public. On a cet outil pour garantir les résultats et ça nous donne aussi des options pour retirer notre appui.
Le document en question précise que le programme de soins dentaires promis s'amorcera en 2022 pour les enfants de moins de 12 ans. L'année suivante, il doit s'étendre aux moins de 18 ans, aux personnes âgées et aux personnes vivant avec un handicap. La mise en oeuvre complète est prévue pour 2025.
Les familles dont le revenu annuel est inférieur à 90 000 $ seront admissibles à ce programme et toute personne dont le revenu annuel est inférieur à 70 000 $ ne paiera pas de contribution.
Quant à l'assurance-médicaments, les modalités de l'entente stipulent qu'une loi sera adoptée d'ici la fin de 2023.
Une motion néo-démocrate défaite faute d’appui
Le jour de l’annonce de l’entente entre les NPD et les libéraux garantissant le soutien des néo-démocrates au gouvernement Trudeau, les 159 libéraux se sont tous abstenus de voter sur la motion du Nouveau Parti démocratique (NPD) demandant qu'Ottawa impose une surtaxe sur les profits excessifs
des magasins à grande surface, y compris les épiceries, des pétrolières et des banques.
La motion a été défaite, n'ayant reçu l'appui que des députés néo-démocrates, bloquistes et verts, mais d'aucun député conservateur.
Selon les résultats préliminaires de la Chambre des communes, 60 députés ont voté pour la motion et 114 contre.
Les néo-démocrates avaient profité lundi de leur journée de l'opposition pour proposer que le prochain budget fédéral soumette certaines entreprises qui exploitent les gens
à une surtaxe de 3 % sur leurs profits dépassant le milliard de dollars.
La surtaxe aurait été utilisée pour aider ceux qui peinent le plus à joindre les deux bouts
en envoyant directement un chèque aux familles ou en investissant dans des programmes qui diminueraient le coût pour les familles, avait expliqué le chef du NPD, Jagmeet Singh.
Lors de la campagne électorale de l'automne dernier, les libéraux avaient promis de taxer davantage les banques et les compagnies d'assurances, suscitant les foudres du secteur financier du pays.

Le reportage de Laurence Martin
Trudeau s'arroge le pouvoir, dénoncent les conservateurs
Au Parti conservateur, on estime que les Canadiens se sont réveillés mardi matin avec l'équivalent d'un nouveau gouvernement au pouvoir.
Cet accord, conclu derrière des portes closes
tard hier soir, signifie essentiellement que les Canadiens se réveillent avec une majorité libérale-néo-démocrate au pouvoir
, a dénoncé Candice Bergen, cheffe intérimaire des conservateurs.
Soyons clairs : ce n'est rien de plus que Justin Trudeau qui s'arroge le pouvoir. Il s'accroche désespérément. Son objectif numéro un, comme nous l'avons vu au cours des six dernières années, est toujours de faire ce qui est le mieux pour lui, et non ce qui est le mieux pour les Canadiens.
Selon Mme Bergen, c'est maintenant le NPD qui dirige le Canada, et l'objectif de ce parti, c'est la destruction de l'industrie pétrolière et gazière du pays. Et maintenant, nous le savons plus que jamais, c'est une manière de soutenir Vladimir Poutine
, a soutenu Mme Bergen.

Candice Bergen, cheffe intérimaire du Parti conservateur
Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld
Je suis sûre que cette entente cause beaucoup de désespoir dans l'Ouest en ce moment.
La cheffe conservatrice craint également que l'entente entre les libéraux et les néo-démocrates ne coûte cher aux contribuables canadiens, dans un contexte où le gouvernement a déjà accru ses dépenses depuis deux ans en raison de la pandémie.
Cette entente signifie aussi 214 milliards en nouvelles dépenses, et c'est seulement celles dont nous connaissons l'existence
, a évalué Mme Bergen. C'est vraiment une mauvaise journée pour les Canadiens.
Le NPD avoue sa propre inutilité
Le chef du Bloc québécois s'est montré peu convaincu par les explications de Justin Trudeau et de Jagmeet Singh pour justifier la conclusion de leur entente de soutien. S'il reconnaît que l'incertitude règne depuis deux ans, cela ne justifie pas de suspendre la démocratie
, selon Yves-François Blanchet.
Le NPD confirme ce qu’il fait déjà depuis plus de deux ans, c'est-à-dire voter sur commande selon la volonté des libéraux, sans même un siège au Conseil des ministres […] sans même un veto sur ce que contiendra le budget.
Si l’entente durait jusqu’en 2025, je ne sais pas ce qui resterait du NPD en 2025, qui se serait fondu dans le grand ensemble libéral
, a mis en garde M. Blanchet, ajoutant qu'elle ne devrait toutefois pas durer. Je pense que c’est d’une extraordinaire naïveté de la part de M. Singh et du NPD.
Ça va nous faire déployer toute une série de mesures centralisatrices, à l’encontre de la juridiction du Québec et des provinces
, a tout de même dénoncé le chef bloquiste, qui déjà pendant les élections, s'opposait à la volonté des libéraux de s'immiscer dans la santé, une compétence provinciale.
Avec la collaboration de François Messier
Infolettre politique
Abonnez-vous pour ne rien manquer.
Avec les informations de La Presse canadienne