Pas de refonte de la Loi sur l’accès à l’information en vue, selon Éric Caire

Des documents entièrement caviardés reçus à la suite d'une demande récente d'accès à l'information déposée par Radio-Canada
Photo : Radio-Canada / Thomas Gerbet
Le ministre responsable de l’Accès à l’information, Éric Caire, estime qu’une refonte de la Loi sur l’accès à l’information n’est pas nécessaire, contrairement à ce que réclame la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ). M. Caire mise plutôt sur un « changement de culture » lié à la mise en ligne par défaut d'une quantité accrue de données.
Je pense qu’on a besoin de revamper [l’accès à l’information]
, a d’emblée admis le ministre Caire en entrevue la semaine dernière.
Le problème de l’accès à l’information, c’est que tout repose sur la base d’une demande d’accès à l’information. Or, aujourd’hui, la tendance mondiale est au gouvernement ouvert.
Au début de mars, la FPJQ a une fois de plus réclamé une refonte de la Loi sur l’accès à l’information du Québec à la suite de l’envoi de documents entièrement caviardés à un journaliste de Radio-Canada. Le président de la FPJQ, Michaël Nguyen, a notamment réclamé des dispositions qui contraignent à plus de transparence et à moins de dépassements des délais.
Malgré des demandes répétées en ce sens, le ministre Caire et son équipe n’ont pas été en mesure de répondre aux questions de Radio-Canada à propos du nombre total de demandes d’accès à l’information qui sont traitées, des délais de traitement ou de la proportion d’entre elles qui sont refusées.
Toutefois, à titre d’exemple, le Rapport annuel de gestion 2020-2021 (Nouvelle fenêtre) du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) indique que la majorité des demandes sont traitées en retard.
En effet, pas moins de 434 des 649 demandes d’accès à des documents administratifs ont été traitées en 31 jours ou plus, alors que la loi prévoit un délai de 20 jours, qui peut être prolongé d’une période n’excédant pas 10 jours
.
Toujours au MSSS, à peine plus de la moitié (352) de ces demandes ont été acceptées entièrement ou partiellement. Du reste, 63 demandes ont été refusées entièrement et 234 ont été classées dans la catégorie autres
, sans qu’on indique ce que cela signifie.
Des données ouvertes pour désengorger le système
M. Caire estime que pour s’attaquer à ces problèmes, il suffit de désengorger le système plutôt que de donner plus de mordant à la loi. Toute la donnée qui devrait être accessible aux citoyens devrait l’être à travers, par exemple, un site web.
Donc, le citoyen n’a plus de demande d’accès à l’information à faire, n’a plus besoin de passer à travers tout ce processus-là, qui est lourd, qui est bureaucratique, qui est coûteux, qui est lent et qui amène des ratés.
Ce site web, c’est DonnéesQuébec.ca (Nouvelle fenêtre). Le gouvernement en est actuellement à faire l’inventaire
de ses données, ce qui n’a jamais été fait, selon le ministre Caire, également responsable de la Cybersécurité et du Numérique.
Les données doivent ensuite être classées en données non sensibles, sensibles et peu sensibles, a-t-il expliqué. Les premières devront être accessibles en ligne par défaut, tandis que les deuxièmes seront étiquetées et ne pourront jamais faire l’objet d’une réponse positive à une demande d’accès à l’information parce qu’elles sont, par définition, des données confidentielles
, a détaillé le ministre.

Le ministre Caire demande à ce qu'on le juge sur ses résultats (archives).
Photo : Radio-Canada / Jean-Claude Taliana
Les données non sensibles pourraient être, par exemple, le nombre de véhicules qui circulent chaque année sur le pont de Québec ou le nombre de lampadaires achetés par le ministère des Transports en 2021, a-t-il illustré. Les données sensibles, c’est toute donnée dont la divulgation cause un préjudice à un individu ou, évidemment, aux intérêts de l’État
.
La Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (Nouvelle fenêtre) prévoit qu’un organisme peut refuser de communiquer un renseignement pour de nombreux motifs, notamment lorsque cela pourrait nuire à des négociations, à une enquête et à ses intérêts économiques ou lorsque cela pourrait mettre en péril la sécurité d’une personne.
La seule zone grise qui va rester, c’est la donnée peu sensible qui, elle, pourrait faire l’objet d’une demande d’accès à l’information
, a déclaré le ministre. Donc, on vient de réduire énormément les besoins en accès à l’information
, a-t-il expliqué, ce qui permettra de centraliser et d’uniformiser le processus et de réduire les délais, selon lui.
Et comment s’assurer, sans autre changement législatif, qu’on atteindra ces objectifs? Le ministre Caire demande à ce qu’on le juge sur ses résultats.
Si les délais de réponse pour les demandes d’accès à l’information ne changent pas, puis que vous continuez à recevoir des réponses d’innocent, eh bien là, vous comprendrez que j’ai manqué mes cibles et que j’ai manqué mon objectif. Mais ça ne devrait pas arriver.
Rendre les données – même les données non sensibles – plus accessibles présente cependant son lot de défis, a-t-il admis. Les ministères et les autres organismes gouvernementaux se sont montrés réticents à rendre leurs données disponibles et ils ont besoin d’un peu d’encouragement
.
C’est un changement de culture qui est profond dans une méga-organisation […]. Faire adhérer tout le monde à cette philosophie-là, ce ne sera pas du gâteau. Il y a beaucoup de pédagogie à faire
, a déclaré le ministre Caire.
M. Caire n’a pas encore d’échéancier pour y parvenir, mais il entend déposer un plan sur le bureau du premier ministre d’ici juillet. C’est donc dire que la transformation ne se fera pas avant les prochaines élections.