L’araignée Joro à l’assaut de la côte est américaine

La Joro (Trichonephila clavata) est facile à identifier grâce à ses couleurs.
Photo : Université de Georgie
L’espèce envahissante d'araignées Joro, originaire du Japon, pourrait « coloniser » plusieurs États de la côte est américaine ce printemps, affirment des scientifiques américains. Mais tissera-t-elle sa toile au-delà de la frontière canadienne?
Un premier spécimen d’araignée Joro a été observé aux États-Unis en 2013, dans la ville de Hoschton, dans l’État de la Georgie, probablement arrivé sur le territoire dans des conteneurs de marchandises.
Depuis, la présence de cette espèce a aussi été signalée dans d’autres États voisins, ceux de la Caroline du Sud, du Tennessee et de l'Oklahoma.
Facile à identifier
La Joro (Trichonephila clavata) est facile à identifier grâce à ses couleurs, notamment un jaune très vif, le bleu, le rouge et le noir.

Une araignée Joro dans une main.
Photo : Université de Georgie
D’une taille d’environ 8 cm, elle couvre la surface d’une petite main
, explique l’entomologiste Étienne Normandin, de l’Institut de recherche en biologie végétale associé à l’Université de Montréal.
Cette araignée est inoffensive pour l’humain et les animaux domestiques, puisque ses crochets sont trop petits pour percer la peau.
Elle fait partie du genre des néphiles qui regroupent de grandes araignées qui tissent des toiles de plus d'un mètre de diamètre qui peuvent capturer de gros insectes et parfois même de petits oiseaux comme les colibris.

Des toiles de l'araignée Joro.
Photo : Université de Georgie
À la conquête de l’Amérique
La Joro a bénéficié du climat chaud et humide de la Georgie et du sud-est du pays pour proliférer en s’invitant dans les voitures et les bagages. Les juvéniles peuvent aussi utiliser leurs soies pour se faire transporter par le vent sur de longues distances.
Les travaux réalisés par Andy Davis et ses collègues de l'Université de Georgie laissent à penser que l’espèce n’a pas fini de conquérir de nouveaux espaces et qu’elle pourrait bien gagner l’ensemble de la côte est à partir du printemps.
Dans leur étude publiée dans la revue Physiological Entomology (Nouvelle fenêtre) (en anglais), les chercheurs ont comparé la Joro à d’autres espèces similaires, dont sa cousine sud-américaine, la Trichonephila clavipes. Celle-ci s’est installée rapidement dans le sud-est il y a environ 160 ans, mais elle n’a pas réussi à étendre sa toile plus au nord en raison de sa vulnérabilité au froid.

L'araignée Trichonephila clavipes ne tolère pas le froid.
Photo : iStock
Leurs résultats montrent que, en dépit de leurs similitudes, la Joro présente un métabolisme environ deux fois plus rapide que celui de sa cousine. Son rythme cardiaque serait même 77 % plus élevé.
Selon Andy Davis, le corps de la Joro est ainsi mieux adapté au froid, et serait même capable de survivre à un bref gel qui tuerait pourtant sa cousine (taux de survie de 74 % contre 50 %).
Cela signifie que la Joro peut probablement survivre dans la majeure partie de la côte est, au-delà des frontières du sud-est
, note dans un communiqué M. Davis.
Encore loin du Québec
L’entomologiste Étienne Normandin doute que la Joro puisse atteindre le Québec, ni même les États américains les plus au nord, dans les prochaines années.
Quand on regarde les méthodes utilisées par les auteurs de l’étude, la capacité de survie de l’araignée Joro n’a été testée à des températures sous zéro que pendant deux minutes à -2 degrés Celsius
, note M. Normandin.
À cette température, elle a présenté des taux de mortalité de 25 %. Imaginez maintenant un - 5 ou - 10 pendant plusieurs minutes : la mortalité serait encore plus importante
, ajoute-t-il.
Ce n’est vraiment pas demain que cette araignée-là arrivera au Massachusetts, au Vermont et au Québec.
L’entomologiste québécois rappelle toutefois que certaines espèces d’araignées ont une grande capacité d’adaptation. Elles peuvent ainsi demeurer à l’endroit où elles ont été introduites pendant des décennies avant de s’adapter et de conquérir de nouveaux environnements.
La Joro pourrait ainsi finir par atteindre le Vermont et le Québec dans les prochaines décennies.
Pas de menaces sur les écosystèmes
L’impact de la Joro sur l’écosystème américain est méconnu, mais les données recueillies jusqu’à ce jour ne permettent pas d’établir qu’elles présentent un danger. Elle pourrait même servir de source de nourriture supplémentaire pour les prédateurs indigènes comme les oiseaux et les lézards
, explique M. Davis.
Elles ont même été observées en train d'attraper des punaises brunes, un insecte ravageur que les araignées indigènes ne mangent pas.
M. Normandin pense toutefois qu’il faut éviter de tirer des conclusions trop hâtives. Souvent, des espèces d’araignées exotiques ne semblent pas avoir d’impact, mais avec le temps, elles finissent par avoir un effet insidieux. C’est difficile de faire des suivis à long terme, et les néphiles ont de très grandes capacités de capture de proies.
On peut penser que, dans les régions où il y a une très grande densité de la Joro ou de sa cousine, les insectes volants comme les papillons sont moins nombreux.
Pas la première, pas la dernière
En août 2018, une étude confirmait la présence de la Latrodectus variolus, mieux connue sous le nom de veuve noire du nord, sur le territoire québécois.

Une veuve noire du nord (Latrodectus variolus).
Photo : iStock
Elle s’est jointe à plusieurs dizaines d’espèces qui étaient rares il y a quelques décennies et qui maintenant sont relativement communes avec le réchauffement climatique et les habitats plus cléments
, note M. Normandin.
Les espèces introduites sont souvent associées au milieu urbain où il y a de l’activité humaine. C’est rare que l’on retrouve des espèces exotiques carrément en milieu dense, naturel, comme dans une forêt d’Abitibi
, conclut l’entomologiste.